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Les charleries Bienvenue sur mon blogue, Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives. Charles-É. Jean
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Mémoires de Marie-Ange Jean |
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10 septembre 2014 Bienheureuses mémoires
Mémoires
de Marie-Ange Jean Moi,
Marie-Ange Jean, suis née à St-Mathieu de Rimouski, le 3 octobre 1908
du mariage de Théophile Jean, 48 ans, cultivateur, à Élise Boucher,
24 ans, couturière, le 24 avril 1893. Lorsque
les gens de la paroisse apprirent le mariage de mes parents. Ils se sont
mis à plaindre ma mère. Ils disaient: "Pauvre Élise, son mari va
mourir et elle va rester avec une famille sur les bras". Tandis que
c'est le contraire qui s'est produit. Morale : Il ne faut jamais juger
sans savoir.
Il
acheta une maison au village. Elle était située sur la côte en face
de l'église où habite actuellement Marius Beaulieu, c'est là que j'ai
vu le jour. À ma naissance, mon père avait 68 ans et ma mère en avait
39. Je
n'ai pas connu les caresses d'une mère puisqu'elle nous a quittés 15
jours environ après avoir donné naissance à ma petite sœur Candide.
C'était le 17 mai 1910, j'avais alors 1 an ½. Je n'ai malheureusement
pas de portrait de ma mère. Madame
Joseph Paradis qui était notre voisine prit Candide chez elle et après
quelques temps l'a remise à mes sœurs qui en prirent soin. J'ai
quand même eu une enfance heureuse, j'ai été gâtée par mes sœurs
plus âgées. Je me souviens qu'elles m'amenaient coucher avec elles.
J'aimais ça, mais un jour qu'elles sont venues tannées de moi, elles
ont voulu m'envoyer coucher dans mon petit lit, je ne voulais pas y
aller, j'ai dû leur faire une crise puisque mon père s'est levé, m'a
prise dans ses bras, m'a donné une tape sur les fesses et il m'a dit:
"Reste là et dors!" Je n'ai plus grouillé. Pour
survenir à nos besoins, mon père cultivait la terre qu'il s'était réservée,
située dans le bas de la paroisse, puis il s'engagea comme bedeau à l'église
et quand mes sœurs furent assez âgées, elles allèrent travailler
au-dehors pour lui aider. Quelques
temps après la mort de ma mère, M. et Mme Ludger Ouellet de St-Mathieu
qui n'avaient pas d'enfant, se présentèrent chez mon père pour le
supplier de leur donner un de ses enfants. Après réflexion, mon père
se décida de lui passer Edmond, le deuxième des trois garçons. Quand
ses parents adoptifs allaient à la messe le dimanche, il le faisait
garder à la maison. Mes sœurs me disaient qu'il était très
malcommode et pour pouvoir faire leur travail, elles l'enfermaient dans
la cave. Lorsque
j’avais trois ans et demi, mon père, qui n'avait pas perdu le goût
de la terre vendit tout ce qu'il possédait à St-Mathieu et alla
acheter une ferme à Cabano cette fois. Il partit donc un beau jour avec
toute sa famille pour aller demeurer sur cette ferme. Je me souviens de
cet événement parce que j’ai eu très peur du train. Je suis allée
me cacher au fond de la salle de toilette, c’est le maître de la
station qui m’a pris dans ses bras pour me remettre à mes sœurs. À
Cabano, nous vivions sur une petite ferme non loin du village. Lorsque
j’ai eu cinq ans, je me suis présentée à l’école du rang. Je me
souviens, nous étions assises, nous autres les petites, sur un banc le
long du mur. Dans
ce temps-là, on faisait les travaux à l'école sur une ardoise, on se
servait de crayons également en ardoise qu'on payait 1 ¢ l'unité. Il
y en avait de très mous, d'autres très rigides, ceux-ci coûtaient 5
¢. Pendant
que les grandes étaient en rang, je pris un crayon d’ardoise qui se
trouvait sur un banc en face de moi et sans faire exprès, je le cassai.
Lorsque les grandes sont revenues, l’institutrice demanda qui avait
fait ça. J’ai reçu un coup de règle. C’est ainsi et ici que se
termina mon année scolaire. Étant
donné l’âge de mon père, sentant ses capacités diminuer et
n’ayant pas encore d’aide de la famille, ses 2 garçons qui lui
restaient étaient encore très jeunes, vendit la ferme de Cabano. Nous
sommes allés demeurer à loyer chez M. Joseph Leclerc qui avait une
maison de libre sur sa ferme. Nous y sommes restés un an. Pendant ce
temps, mon père acheta une vieille maison abandonnée dans le haut de
la paroisse de St-Mathieu et engagea mon oncle Narcisse Rioux et ses
fils à transporter cette maison au village et à la rendre habitable.
C’est la maison qui abrite aujourd’hui Madame Joseph Rioux. En
septembre 1914, je commençai la classe, tout allait bien. Un an après,
je reçus sur la tête une roche de 40 livres. Mon père avait placé
cette roche dans un sac de jute qui était retenue par des cordes pour
en faire une pesée qui permettait de fermer et d’ouvrir la trappe de
l’étage supérieur. Quand la trappe était fermée, la roche était
en haut, quand elle était ouverte, la roche était en bas. Comme je me
trouvais juste en dessous de la roche qui était en haut, quelqu’un
monta, leva la trappe et la roche m’arriva sur la tête. J’ai vu
plusieurs étoiles mais je ne me souviens pas d’avoir perdu
connaissance mais j’eus très mal à la tête. Il se forma beaucoup de
pus. Il y avait une peau morte qui renfermait le tout. Un
jour, mon frère Antoine, qui avait entendu dire par les grandes
personnes qu’il faudrait que ce soit ouvert, prit le rasoir, m’amena
en arrière du poêle à deux ponts et fit l’opération. Je ne
ressentis aucune douleur. Il venait de me sauver la vie. Imaginez tout
ce qui sortit de là, c’était pas beau à voir. Ma sœur Arthémise
qui lava ma plaie perdit connaissance. On continua à laver et désinfecter
régulièrement ma plaie qui guérit dans peu de temps. J’avais quand
même été malade pendant quelques mois où je n’ai pas fréquenté
la classe. Quand
j'ai commencé à sortir, ma sœur Adélia, le plus vieille de mes sœurs
qui était couturière, me fit une capuche avec une doublure très épaisse
pour que je ne prenne pas froid. Je pus donc recommencer la classe. Quelque
temps plus tard, ma sœur Adélia, celle qui remplaçait ma mère, se
maria avec Ernest Brillant et alla demeurer sur une ferme à St-Fabien. Nous
restions donc, ma sœur Candide et moi, avec Valentine, la dernière des
six sœurs. Elle n’était pas très débrouillarde ; il arrivait
qu’au retour de la classe, elle soit chez la voisine et que le repas
ne soit pas prêt. Quand le poêle chauffait, on faisait des grillades
de patates sur le rond du poêle ou on mangeait du pain et de la mélasse. J’ai
vécu les guerres 1914-19 et 1939-45, mais je me souviens surtout des
dernières années de la guerre 1914-19, heureusement mes frères étaient
trop jeunes, nous n’avons pas eu de trouble. J’étais chez mon oncle
Narcisse Rioux quand quelqu’un dit : "Voilà une auto".
Mes cousins effrayés sortirent par une fenêtre d’en arrière et
coururent se cacher dans le bois, ça m’a marquée ! Au lieu d'officiers
de guerre*, c’était mon cousin Antoine Dionne qui venait faire une visite chez
mon oncle. Ce n’était pas la première peur qu’avaient eue à subir
mes cousins. Dans
les dernières années de la guerre est apparue une maladie terrible
qu'on appelait la grippe espagnole. Le monde était tellement malade,
ils faisaient beaucoup de fièvre. Cette mauvaise maladie enleva
beaucoup de monde, les gens mouraient après quelques jours de maladie.
Il y a eu des personnes qui étaient dans le coma et qui ont été
enterrées vivantes. Je me souviens lorsque je marchais sur le trottoir
avoir croisé une voiture dans laquelle se trouvait une personne décédée,
on allait l'enterrer sans être accompagnée, seul celui qui l'enterrait
faisait partie du cortège, c'était horrible. J'ai
gardé un mauvais souvenir de ces personnes décédées après quelques
jours de maladie et surtout celles qu'on est supposé avoir enterrées
vivantes, car dès qu'elles tombaient dans le coma, vite on les déposait
dans une tombe et on allait les enterrer, ceci pour ne pas propager la
maladie. J’ai
vécu la grippe espagnole, c’est moi qui l’ai eue la première chez
nous. Nous l’avons tous eue, excepté Arthémise qui s’en est exemptée. J'ai
vécu le temps des paillasses. J'ai couché sur la paille quand j'étais
jeune jusqu'à ce que j'aille au couvent. J'ai repris la paillasse
quelques années avant de me marier parce que là où je pensionnais,
j'avais une paillasse dans mon lit. On était bien couché surtout quand
on venait de la remplir. Ça donnait une senteur spéciale. Il fallait
ne pas négliger de la brasser chaque matin si on voulait être bien
couchée le soir et aussi pour donner une belle forme au lit. Il y avait
cependant un inconvénient, en brassant la paillasse, il arrivait qu'il
tomba de la paille par terre, c'était désagréable. On les remplissait
2 fois par année, une fois le printemps à l'occasion du grand ménage
et une autre fois à l'automne. En hiver, lorsque les hommes battaient
le grain, quand ils trouvaient une belle passée de paille, ils la plaçaient
à part dans un coin de la tasserie et elle ne devait servir qu'aux
paillasses. Je me rappelle d'avoir rempli moi-même ces paillasses pour
les lits des enfants. J'avais une petite paillasse spéciale pour le
berceau qu'il fallait remplir souvent. Cette coutume disparut peu à peu
pour faire place aux matelas. Je me souviens qu'étant petites, Candide
et moi avions hâte que vienne le temps de vider les paillasses pour les
remplir à nouveau, ce qui nous donna la joie de monter sur cette énorme
paillasse et de se jeter en riant sur la paille. On avait la sensation
de tomber au fond. Quand
j’avais environ 7 ans, à St-Mathieu, on avait construit dans le bas
de la paroisse un pont couvert. Comme c’était la bénédiction de ce
pont ce dimanche-là, mes sœurs étaient allées à la bénédiction,
nous laissant Candide et moi à la maison. Nous nous amusions dehors près
de la maison quand M. François Marquis, notre voisin d'en face passe et
fait embarquer Candide, me laissant seule. Je me dis :
"Qu’est-ce que je vais faire ?". Comme c’était les
quarante heures à l’église, je me dis : "Je vais aller
passer l’après-midi à l’église. Je ne serai pas seule." J’étais
tellement absorbée par la prière que j’oubliais le temps. Je
m’aperçus que j’étais seule, qu’il faisait sombre et que
j’entendais le tic tac de l’horloge et j’aimais ça. Tout
à coup, la porte s’ouvre, c’était ma sœur qui venait me chercher.
Je crois qu’il était 6 heures du soir. Elle avait dû me chercher. Je
ne me souviens pas qu’elle m’ait grondée. Je suppose qu’elle a
trouvé que je n’avais pas choisi une mauvaise maison. Quand
j’eus neuf ans, notre voisine, Mme Eugène Vaillancourt, venait me
chercher pour garder les enfants le soir pendant environ deux heures.
J’aimais ça. On me donnait dix cents. J’y allais environ quatre
fois par semaine. Son mari, monsieur Vaillancourt, possédait une auto.
C’était la première qu’on voyait à St-Mathieu. Imaginez-vous la
joie qu’on éprouvait quand il nous disait : "Venez-vous
faire un tour les petites ?" On ne se faisait pas prier. C’était
en l’an 1918, j’avais alors 10 ans, le temps était venu de faire ma
première communion. Pour ce faire, nous marchions au catéchisme
pendant quatre semaines. Nous repassions tout le petit catéchisme réponse
par réponse et avec explications. Il fallait savoir nos réponses et être
sage si nous voulions être acceptées. Le
jour de la communion venue, il ne fallait pas avoir mangé ni bu depuis
minuit la veille. La messe était toujours à bonne heure dans
l’avant-midi. Les filles portaient une robe blanche, un grand voile
blanc et étaient coiffées d’une couronne de fleurs également
blanches. Les garçons eux, portaient un brassard au bras gauche. Ce
brassard consistait en un ruban blanc noué autour du bras, laissant
tomber deux pendants garnis de frange, parfois la frange était dorée. C’était
très solennel et très émouvant, je nous vois marchant deux par deux
dans la grande allée. Ce sont des souvenirs que l’on ne peut oublier.
Cependant, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, nous
n’avions pas de banquet ni de cadeaux après la cérémonie, nous
retournions sagement chacun chez nous. Quelques
années plus tard, j’ai fait ma confirmation. Tout s’est passé à
peu près pareil que pour la communion, à l’exception que l’on
choisissait un parrain et une marraine de confirmation. J’avais
dix ans lorsque ma tante Hélène, la femme de mon oncle Jean Dionne,
tomba malade. Ses filles de Québec étant venues la soigner, me confièrent
leurs enfants que j’ai dû amuser pendant quelques heures chaque jour
qu’a duré la maladie. On m’avait promis comme récompense un
pique-nique avec toutes sortes de friandises qui sont encore à venir. Au
grand désappointement de ma voisine qui perdait sa gardienne pour les
vacances, ma sœur Adélia vint me chercher pour fouler le foin. Après
le foin, c’était les grains et les patates. Mon beau-frère était
difficile, il fallait fouler continuellement. Il disait qu’il
n’aimait pas décharger un voyage vide. Parfois, j’étais assez
fatiguée le soir que je ne pouvais pas souper, je m’endormais sur mon
assiette. Ma sœur allait me coucher. On
me ramenait donc chez nous à la Toussaint, ce qui causait beaucoup de
torts à mes études. J’y suis allée pendant trois années consécutives.
Quand je suis revenue la troisième année, je repris la classe et
environ quinze jours après, je tombais malade. Je gardai le lit pendant
deux mois. J’ai été administrée, on ne demandait pas le médecin
dans ce temps-là, on n’en avait pas les moyens. Les femmes du
voisinage venaient me voir et donnaient à ma sœur leurs remèdes. Un
jour, ma sœur Arthémise qui travaillait en dehors, vint nous visiter
mon père et moi puisque pendant ce temps-là, mon père fit une chute
sur la glace et se fractura une hanche, donc il était alité lui aussi.
Comme j’étais dans la même chambre que mes sœurs, elle me plaça
seule dans une chambre et me mit les pieds dans l’eau (c’était le
remède du temps). Quand une personne était malade, on lui faisait
tremper les pieds dans un récipient d’eau additionné de sel, de
vinaigre et autres. Après
cette opération, je me sentais bien. Je me suis endormie. En m’éveillant,
je me sentais tellement reposée que j’eus l’idée d’aller prendre
une course dans la cuisine. Ma sœur qui faisait son jeu de patience,
eut peur, elle croyait voir un fantôme. Je continuai de prendre du
mieux. Pour ce qui est de mon père, ses douleurs le conduisirent à la
mort. Il mourut le 30 avril 1920 à l’âge de 76 ans. À l’occasion
de sa sépulture, je fis ma première sortie. J’avais alors 12 ans. Par
les beaux jours d'été, Candide et moi passions nos journées dans les
champs. Nous en profitions pour cueillir les petits fruits de la saison.
Nous commencions par l'oseille dont nous ramassions les feuilles, après
les avoir lavées et mises à tremper dans une saumure douce, nous les dégustions. Venaient
après les pousses de framboisiers qu'on épluchait et que l'on
mangeait, c'était très bon. Ainsi de suite pour tous les autres petits
fruits tels que mûres, rougets (quatre-temps), gadelles, merises,
fraises, etc. pour finir par les noisettes et le moscou (cormier). À
cette époque, je jouais à la poupée, je lui confectionnais de belles
petites robes. Un jour, je lui fis un chapeau. Tout à coup arrive chez
nous notre voisine, en voyant le petit chapeau de ma poupée, elle me
dit : "Oh! Le beau petit chapeau, est-ce que c'est toi qui
l'as fait ?" Je lui répondis : "Oui". Elle me dit :
"Je veux que tu m'en fasses un pour mon bébé". "Je veux
bien mais j'ai peur de ne pas réussir". Je lui en fis un. Son bébé
le porta pour la fête des enfants, car à chaque année, en juillet,
avait lieu à l'église une cérémonie pour les enfants au cours de
laquelle M. Le curé accueillait les enfants et les encourageait, petits
et grands, à être sages, studieux et dévoués. Il les bénissait tous
et distribuait à chacun des bonbons. Après
la mort de mon père, nous avons vécu ensemble, mes frères, Valentine,
Candide et moi pendant environ deux ans. Mes frères travaillaient à
l'usine de sciage de bois qui appartenait à Antoine Dionne, notre
cousin et notre tuteur. Moi, je fréquentais l'école modèle du
village. M. le curé Giguère venait souvent à la classe, s'il y avait
un élève qui était en punition, il le ramassait, le mettait ventre en
bas sur ses genoux et lui tapait les fesses. Nous autres, les filles,
nous étions effrayées. Moi, pour ma part, j'avais peur de le
rencontrer. Étant donné que nous étions orphelines, il avait toujours
des reproches à nous faire. Un
bon après-midi, quand arriva à l'école M. le curé, il m'aperçut
portant une robe dont les manches étaient aux coudes. Il m'apostropha
disant: "Tu me fais penser à une laveuse. Je ne veux plus te voir
avec cette robe-là". Ça m'a fait mal. Un
dimanche après-midi, alors que j'étais sortie pendant l'office des Vêpres,
il m'a vue et a averti mon institutrice le lundi matin de m'envoyer le
voir. Je n'étais pas grosse. Je me rendis au presbytère. Je sonnai. Je
tremblais quand j'entendis sa grosse voix. Il me demanda la raison. Je
lui dis que j'avais un gros mal de ventre, ce qui était le cas. Il ne répliqua
pas mais m'avertit que je ne devais pas sortir avec telle ou telle
compagne, ce que j'étais mieux de faire. Par
les soirs d'hiver, mon père, après le souper, nous réunissait, nous
les jeunes, autour du poêle et nous racontait des contes (comme il
disait). Ça commençait toujours par: "Il était une fois" et
le héros de l'histoire était toujours "Tit Jean". Parfois
ces contes duraient près d'une heure. Je crois qu'il les composait à
mesure. On ne s'en plaignait pas, car ça retardait l'heure du coucher. Maintenant
parlons du temps des fêtes chez mon père. À Noël, on allait à la
messe de minuit, on allait voir le petit Jésus dans la crèche. On
s'inclinait devant lui et on lui demandait des grâces. Après la messe
de minuit, on prenait un léger repas et on allait se coucher pendant
que les autres membres de la maison souventes fois accompagnés riaient
et s'amusaient jusqu'aux petites heures du matin. On
recevait nos cadeaux au Jour de l'An et non à Noël. Je ne me souviens
pas d'avoir vu un sapin de Noël. La veille du Jour de l'An, on étendait
nos bas dans la cuisine. On se couchait de bonne heure, un peu excités.
Le lendemain matin, le premier qui se réveillait, réveillait les
autres. On allait voir chacun à notre bas. Savez-vous ce qu'on y
trouvait ? Une pomme, une orange, quelques petits bonbons durs et
quelquefois on y ajoutait une poignée de peanuts. Pour nous jouer un
tour, on déposait dans le haut du bas des pelures de patates pour nous
laisser croire que nous n'avions rien d'autres. Nous étions surpris et
désappointés mais très heureux quand nous vidions le contenu de nos
bas. On se contentait de peu. Pour
aller chercher nos bas, comme il faisait encore noir, on ne parlait pas,
on marchait sur le bout des pieds. On ne pesait pas sur un bouton pour
avoir de la lumière, on s'éclairait des reflets de lumières que
laissaient passer les ronds du poêle. Je
me rappelle un Jour de l'An entre autres où Candide et moi avions reçu
de nos sœurs de Montréal une paire de bottines lacées de couleur
brune qui montaient jusqu'aux genoux. Nous étions folles de joie.
J'avais environ 12 ans. Lorsque
j'étais jeune, l'hiver il tombait beaucoup de neige. Comme elle n'était
pas ramassée, elle s'accumulait et montait en hauteur. Je me souviens
d'avoir vu le chemin tellement haut que, devant la maison de mon père,
de l'intérieur on voyait passer les voitures par la dernière vitre du
haut du châssis. On se serait cru au cinéma. Toute
cette neige qui n'était pas ramassée devait fondre par elle-même car
on n'était pas organisés pour la ramasser. Quand Mère Nature était
favorable, cette neige se changeait en eau et cette eau s'enfonçait
dans la terre, au contraire le printemps était très long et désagréable,
la neige ne fondant pas également partout, ce qui occasionnait des
bouts de chemin sur la terre, des bouts enneigés et d'autres bouts où
il y avait de l'eau. Alors il était impossible de prendre la carriole,
ni la voiture d'été, alors les gens se fabriquaient des traînes à bâtons
pour circuler. Par
la suite, les chemins devenaient boueux, ce qui était désagréable
pour les piétons. Il n'y avait pas que la neige, il y avait aussi le
vent. Il vantait beaucoup ce qui occasionnait de belles tempêtes qui
duraient parfois de 3 à 4 jours. On
avait une institutrice qui, quand elle apercevait un élève qui
parlait, l'envoyait s'asseoir avec un garçon (les garçons n'étaient
pas gentils envers les filles). Un beau jour, ce fut mon sort. Elle
m'envoya m'asseoir avec Gérard Belzile. J'y allais de reculons quand, O
surprise ! celui-ci me dit : "viens, assis-toi, on va avoir du
fun". Quand
j'étais jeune, alors que j'avais 13 ou 14 ans, pour ma confirmation, ma
sœur Valentine m'avait acheté un corset, je ne sais pas pourquoi.
Reste à penser que j'avais un gros ventre. Je continuai à le porter si
bien qu'un jour, je suis allé visiter ma cousine, Marie-Anna Jean, la
fille de mon oncle Jérémie, qui demeurait à environ ½ mille du
village de St-Mathieu. Comme
elle était restée chez nous pour aller à l'école du village, elle
m'avait invitée. Pendant que je parlais avec ma cousine, je m'aperçois
que les deux sœurs de ma cousine, plus âgées qu'elle, ricanaient
entre elles et je compris : "Elle porte un corset !". Je suis
devenue mal à l'aise et je me demandais ce qui allait se passer ce
soir-là quand il faudrait enlever mon corset sous leurs regards puisque
nous couchions dans la même chambre dans laquelle il y avait 2 lits.
Pour tromper mes cousines, je décidai de coucher avec mon corset. Je
vis mes cousines qui se regardaient tout en me jetant un coup d'œil à
la dérobée. J'ai vu qu'elles chuchotaient tout bas et tout se termina
ainsi. Elles n'ont jamais eu la preuve de ce qu'elles pensaient, mais
moi j'ai très mal dormi. À
ma dernière année d'études à St-Mathieu, j'ai eu une institutrice
que j'ai beaucoup appréciée. C'était une demoiselle Lauzier de
Trois-Pistoles. C'est avec elle que j'ai compris mon français. Je lui
en suis très reconnaissante. Un
soir, pendant que je faisais mon devoir sur la table de la cuisine,
Valentine me dit : "Viens voir Marie-Ange, on entend une voix
pareille comme quand notre père se lamentait (car dans ses derniers
jours il se lamentait continuellement). Je suis allée la retrouver, je
constatai comme elle cette voix de mon père qui nous suivait quand nous
revenions vers la cuisine, ça nous paraissait venir en dessous de nos
pieds. Je dis donc : "Nous allons dire un chapelet". Je commençai
"Au nom du Père, du Fils…" et la voix disparut, on ne
l'entendit plus jamais. Il avait besoin de ce chapelet pour entrer au
ciel. Il faut que je vous dise que quelque temps avant sa mort, nous étions
dans sa chambre et nous parlions des morts qui reviennent après la
mort. Mon père prit la parole et dit : "Moi, si je reviens, je ne
vous ferai pas peur". Quand
j'étais jeune, j'étais gênée avec mon père. Si j'avais besoin de
crayons pour l'école, je faisais demander ça par ma petite sœur
Candide qui, elle, obtenait ce qu'elle voulait. Je sentais qu'elle était
sa préférée. ___ * M.P., police militaire |
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17 septembre 2014 Segment 2. Mémoires de Marie-Ange Jean (1925-1934) Nous
sommes en septembre 1925. J'entre au couvent. Je suis pas mal timide. Je
me fis des amies et tout allait bien lorsqu'une nuit, pendant que nous
dormions paisiblement au dortoir, nous fûmes réveillées par un
violent tremblement de terre, nos petits lits de fer se frappaient
ensemble, ça faisait un bruit terrible. Des élèves pleuraient,
d'autres poussaient des cris horribles et couraient dans le dortoir
appelant leur maman. C'était effrayant. J'eus la peur de ma vie et je
suis restée nerveuse pendant quelque temps.
Dans
les vacances de Noël de ma première année au couvent, j'eus la
surprise en arrivant chez ma sœur Adélia de voir mon frère Antoine
que je n'avais pas vu depuis la séparation de la famille et que je n'ai
pas revu depuis et que je ne reverrai plus puisqu'il est décédé. Il
était bien dénaturé
*
de nous car mon autre frère Léo qui l'avait rencontré par hasard
lorsqu'il prenait une marche, a voulu organiser une rencontre avec
quelques membres de la famille et il a refusé, il préférait ne voir
personne, contrairement à Léo qui nous rendait visite une fois par année.
Lui aussi est décédé. J'ai perdu mon troisième frère en janvier
1997. Étant donné que mes sept sœurs sont décédées
elles aussi, je reste donc seule de la famille de Théophile Jean
et d’Élise Boucher.
De
gauche à droite : Candide, moi-même, Rose-Anne, Antoinette, Marguerite
et Arthémise. N'apparaissent pas sur la photo: Adélia et Valentine.
La
première année fut également difficile pour moi du côté santé.
J'eus mes menstruations en octobre et je ne les ai pas revues du reste
de l'année. Je filais mal. J'étais gonflée et remplie de points,
surtout quand je montais les escaliers. La nuit, les crampes m'empêchaient
de dormir. J'avais les nerfs tordus, ça produisait des bosses. Je les
frottais pour les faire disparaître. Comme la religieuse avait dit :
"Toutes celles qui souffrent de quelques douleurs que ce soit, vous
passerez me voir, je serai à mon bureau." Nous étions donc alignées,
attendant notre tour. Quand ce fut rendu à moi, je lui dis que j'avais
des points dans les côtes qui m'étouffaient. Elle me répondit :
"Du moment que vous n'aurez pas des virgules. Passez !". Après
ma sortie de couvent, j'eus de nouveau mes menstruations, j'ai été
malade "comme un chien"
J'étais à l'étranger chez une cousine de St-Mathieu. Je n'osais pas
sortir de ma chambre. Je savais que mon déjeuner m'attendait et je
savais que je ne pourrais pas manger tant j'étais malade, mal au cœur,
mal au ventre. Ce mal persista pendant quelques années. Pendant
les vacances de ma deuxième année de mes études au couvent, alors que
j'avais 16 ans, je rencontrai mon premier "cavalier" comme on
disait dans le temps. Il s'appelait Jos Côté. Il était le fils d’Eusèbe
Côté de St-Mathieu. Rien de sérieux, c'était un amour de vacances. Mes années d'études terminées, il fallait se présenter aux examens du ministère de l'Éducation. J'ai eu le malheur de manquer quelques cours, donc, pas de brevet. Je n'avais pas assez de l'humiliation d'avoir échouée, voilà que je reçois une lettre de mon tuteur qui est fâché contre moi et me fait de durs reproches. Ce qui n'a pas aidé à me consoler. Le
beau-frère du commissaire, qui était venu me chercher, coupa le trajet
en deux, je couchai chez lui à St-Donat. La dame de la maison, qui
s'aperçut que j'étais gelée, fit chauffer une grande tasse de vin et
me l'offrit. Je le bus, ça m'a fait du bien, mais le froid n'était pas
sorti complètement. Ce n'est qu'après une bonne nuit, enveloppée de
couvertures chaudes, que le froid disparut. Le
lendemain, il me présenta au commissaire qui était M. Antoine Boucher
où je devais pensionner. Cette maison devait me servir de pension et d'école
en même temps puisqu'il n'y avait pas d'école dans le rang. J'occupais
une chambre de la maison. J'avais douze élèves. Ce
rang était situé entre St-Gabriel et Les Hauteurs et se nommait Ouimet.
Dans ce rang, les maisons étaient en partie des camps pour la plupart
en bois rond. Je me souviens de trois ou quatre bonnes maisons. Je
demeurais dans l'une d'elles. Le
premier soir de mon arrivée à la pension, Mme Boucher me demanda de
faire la prière du soir. Je commençai, ça allait bien quand, tout à
coup, tout s'embrouilla dans ma tête. Je ne trouvais plus mes mots.
Imaginez la petite maîtresse d'école qui arrive pour enseigner ! Il
faut que je vous raconte une anecdote : Un bon midi, on servit une
viande blanche qui ressemblait au poulet. M. Boucher me dit : "En
voulez-vous encore ?". Je lui dis : "!". Le soir après
le souper, il me dit : "Est-ce qu'elle était bonne la viande à
midi ?" Je lui répondis : "Elle était très bonne !" Il
me dit : "C'est du siffleux que tu as mangé". Je ne voulais
pas le croire. Il demanda à sa femme d'apporter la peau de la bête
qu'il avait gardée comme preuve. Je fus bien obligée de le croire. Il
était bien content de lui. En riant, il me dit : "Je t'ai bien eue
!" Je lui avais déjà dit que jamais il ne m'en ferait manger. C'était
très bon. Au
début de mes années d'enseignement, les choses n'étaient pas comme
elles sont aujourd'hui, les écoles n'étaient pas chauffées, c'était
parfois un jeune d'environ 10 ou 12 ans qui venait allumer le poêle de
bonne heure le matin. Quand il ne manquait pas son coup, l'école était
suffisamment chaude, à l'exception du lundi quand il avait fait très
froid, il fallait garder nos manteaux jusqu'à midi. Également,
lorsque l'enfant qui allumait le poêle manquait son coup, c'est nous
les institutrices qui l'allumions en arrivant. Vous ne vous doutez pas
du froid que nous devions endurer. Nous n'avions pas les toilettes dans
la classe, c'était une petite rallonge en arrière de la classe et le
dessous était au grand vent. Dans les tempêtes de l'hiver, ce n'était
pas chaud. Il y avait aussi des écoles qui n'avaient pas l'eau dans la
classe mais bien à l'extérieur, il y avait une pompe en face de l'école.
Nous n'avions pas non plus le transport des écoliers. Il y en avait qui
avaient un mille à faire pour venir à l'école. Dans les grands
froids, ils nous arrivaient les pieds et les mains gelés. Chanceux sont
les écoliers d'aujourd'hui. Quand
j'ai enseigné à St-Gabriel, je me suis fait un ami du nom d’Adrien
Parent. Il venait me voir à ma maison de pension et il n'était pas gêné
car il était parmi sa parenté. Un jour, il m'amena chez une de ses
tantes sur les Hauteurs de St-Gabriel. Lorsque nous étions de retour,
avant de me laisser, il dit : "Si vous venez qu'à vous apercevoir
de quelque chose, vous me le direz.". Lui voulait dire que si je
l'aimais de le lui dire, mais les gens de la maison ne l'ont pas pris
comme ça, ils m'ont fait pâtir longtemps. Les classes étant finies à
St-Fabien, je reçus de lui plus d'une lettre, entre autres une qui me
disait si je voudrais aller rester avec lui à St-Gabriel. On serait
bien, on irait voir ma cousine, on se promènerait, on irait où on
voudrait. Cette fois, la réponse fut fatale. Adieu Adrien ! À
la fin de mes six mois d'enseignement, je dus aller me présenter pour
reprendre les deux branches que j'avais manquées. Dans ma composition,
j'écrivis que j'étais orpheline de père et de mère et que je
voudrais bien avoir mon brevet car j'en avais besoin pour gagner ma vie.
O surprise ! Un beau jour, je reçois mon brevet élémentaire. C'était
en juin 1927. Je n'ai pas su si c'étaient mes réponses qui étaient
bonnes ou si c'était ce que je leur avais dit au sujet de ma situation
d'orpheline. Comme
j'avais promis que si j'avais mon brevet d'enseignement, je ferais un pèlerinage
à pieds à Ste-Anne-de-la-Pointe-au-Père, pour accomplir ma promesse,
je m'associai à une charmante amie du nom de Lise Paradis (surnommée
"La toune"). Nous
sommes donc parties de très bon matin de St-Fabien chaussées de
souliers de toile. Nous étions en 1927, alors, les chemins n'étaient
pas sur l'asphalte comme aujourd'hui, c'était sur la gravelle. Nous
avions une distance d'environ 35 milles à parcourir. Nous avons fait le
trajet en 2 jours et une nuit. Le soir, nous avons couché à Bic chez
les parents de mon amie. Quand nous nous sommes arrêtées le premier
soir, j'avais les pieds bien enflés. Le lendemain, nous nous sommes
remises en route clopin-clopant. Nous ne nous arrêtions que pour se
reposer et manger quand la faim se faisait sentir. Dans l'après-midi,
nous nous sommes arrêtées à une demeure. La dame était seule. Après
les présentations, elle appela sa fille qui était allée ramasser des
petits fruits tout près de la maison. Elle la fit chanter et jouer du
piano. Pendant ce temps, arriva son fils qu'elle était fière de nous
présenter et nous dit qu'il allait chanter à la messe demain, celle où
nous devions assister. Nous avions bien ri, surtout en voyant arriver
notre chantre. Nous
avons assisté pieusement à la messe et avons remercié Dieu et la
Bonne Sainte-Anne pour tous ses bienfaits. J'eus beaucoup de plaisir à
faire ce voyage avec mon amie. Comme nous étions au terme de notre pèlerinage,
fatiguées mais enchantées, nous avons pris le train pour le retour. J'allai
m'offrir immédiatement pour enseigner à St-Fabien. J'obtins une classe
au quatrième rang. Je pensionnais tout près de ma classe dans une
famille qui se composait du père, de la mère et de deux garçons et de
deux filles. C'est chez M. Donat Bellavance. Dans ce rang, il y avait
plusieurs familles nombreuses, ce qui nous permettait de se réunir le
dimanche. J'avais
une amie qu'on appelait "Tony" qui enseignait au cinquième
rang, qui était la nièce de M. et Mme Bellavance, et qui venait le
vendredi soir coucher chez sa tante et le samedi on descendait avec le
postillon qui était un monsieur D'Astous et on remontait le dimanche
avec les paroissiens qui venaient à la messe à St-Fabien car il n'était
pas question de St-Eugène dans le temps, parce que dans ce temps-là il
n'y avait pas d'église sur le terrain qu'on appelle aujourd'hui St-Eugène.
Nous prenions beaucoup de plaisir à faire ce trajet. Pendant
les six mois que j'ai enseigné à St-Gabriel, je recevais vingt-cinq
piastres par mois, j'en donnais dix pour ma pension, il en restait peu.
Tout ce que j'ai acheté, à part les petites dépenses habituelles,
c'est une robe en soie taffetas. Je n'ai jamais si mal acheté. Après
l'avoir mise quelquefois, la soie se coupa d'elle-même. Il
fallait que je garde de l'argent pour mes vacances. Je demeurais chez
mon beau-frère, Vital Roy, je ne payais pas de pension, j'allais fouler
le foin, qui contrairement à mon autre beau-frère, trouvait que je
foulais trop
Lorsque
je repris l'enseignement en septembre 1927, je n'avais plus un centime.
J'étais mal à l'aise. Il a fallu que j'attende quelques mois avant de
faire de gros achats. J'ai tout de même acheté du tissu et me taillai
une robe. C'était ma première confection. À ma grande surprise,
j'avais bien réussi. Quelques mois après, mon budget me le permettant,
j'ai acheté mon premier manteau et chapeau. J'étais heureuse. Ma
première année d'enseignement fut une année formidable du côté
distraction. Nous allions danser presqu'à tous les dimanches, changeant
de maison chaque fois. C'est là que j'ai appris à danser. C'était également
idéal pour se faire des ami(e)s. C'est toujours ceux qu'on n'aime pas
qui se présentent les premiers. Un grand brun du nom de Joseph Berger
qui s'est amouraché de moi jusqu'à faire la demande en mariage. Je n'étais
pas intéressée. Je commençais ma vie de fille. Quelque
temps après, je suis sortie avec Zénon Cloutier. Un garçon bien fin
et bien sage, mais ce n'était pas mon genre. Les amours n'ont pas été
longues. Nous passions de très belles soirées. Un soir que nous étions
réunis chez M. Bellavance, une demoiselle D'Astous n'ayant pas été
demandée pour danser s'en prit à moi. Elle dit le lendemain à Mme
Bellavance : "Si la maîtresse d'école attirait pas tous les garçons
aussi.". Enfin,
un que j'aimais bien, François D'Astous, me demanda pour sortir avec
lui. J'étais heureuse car je le trouvais de mon goût. Il était également
très beau. Nous nous sommes fréquentés environ trois mois quand, un
dimanche, François était resté au village. Le soir, il était allé
aux Vêpres pensant me rencontrer. C'est ce qui s'est produit. O
surprise ! Comme j'allais partir, arrive chez moi un jeune homme, un M.
Gendreau que j'avais rencontré quelquefois. Il nous offre d'aller faire
un tour en auto, mon beau-frère pensant bien faire dit : "Viens
Marie-Ange, nous allons y aller." (Dans ce temps-là, on ne sortait
pas sans chaperon). Je n'ose pas dire que j'attendais quelqu'un, je
pensais que j'avais le temps de revenir. Il alla nous arrêter en face
de l'église juste au temps où sortait François. Il me vit dans la
voiture, ce qui entraîna une rupture. J'eus ma première peine d'amour.
Nous étions rendus aux vacances. Quand
j'étais jeune fille, la St-Valentin ne se déroulait pas comme
actuellement où l'on envoie à ses ami(e)s de belles cartes et de
belles fleurs et remplies de belles phrases qui expriment l'amour. Elle
se fête dans toutes les associations. On était chanceux quand la journée
était passée sans avoir reçu un valentin car ils étaient envoyés à
ceux ou celles qu'on n'aimait pas et portaient parfois des mots désagréables.
Pour ma part, j'en ai pas envoyé et n'en ai pas reçu, mais rien n'empêche
que j'étais soulagée quand la journée était passée. On était
toujours inquiète. J'écris ceci pour vous montrer le changement qui
peut se produire d'une génération à l'autre. Pendant
mes années d'enseignement, j'avais l'habitude chaque année d'aller
passer mes vacances chez ma sœur Arthémise, j'y allais aussi pendant
mes vacances des fêtes. Nous confectionnions des petites robes pour les
petites filles. Je gâtais le bébé, le petit Paul, qui avait environ 3
ans. Je lui faisais dire des choses drôles. Un jour que je m’apprêtais
à tailler une robe, il était fâché contre moi, il disait :
"Tu prends tout le matériel que j’ai acheté pour faire une robe
à Germaine (qui était sa sœur)". Comme sa mère et moi rions, il
dit: "Oui, c'est beau, c'est beau des visages rouges comme ça".
Aussi
quand je revenais le vendredi soir de ma semaine d'enseignement, aussitôt
qu'il m'apercevait, il agitait les mains et disait : "Allo mon cœur".
Je le prenais dans mes bras et je l'embrassais bien fort. Nous
étions dans les années 1930. Cette année-là avaient lieu des élections
fédérales. Mon beau-frère Vital Roy, libéral teindu, me demanda le béret
rouge que je venais de m'acheter. Il le portait pour faire les foins,
pour faire ses commissions au village. Il l'ôtait que pour les repas et
pour se coucher le soir, jusqu'au jour de la votation. Heureusement, il
gagna ses élections et moi je perdais mon béret. En
septembre, la classe du quatrième rang ferma. J'allai donc enseigner au
cinquième rang. Là, c'était plus tranquille, la population était
moins nombreuse, les familles plus jeunes. Je pensionnais chez un M.
Pigeon. Au cours de l'année, les amours ont pris avec le garçon de la
maison, Eusèbe Pigeon, rien de sérieux. Ça se termina avec la fin de
l'année scolaire. Nous
étions en l'année scolaire 1929-30. Je décidai d'aller enseigner au
deuxième rang où demeurait ma sœur Adélia, où était déjà Candide
qui travaillait comme femme d’aide-ménage et comme aide-homme au
travail mais sans solde. En automne, Candide remplaçait mon beau-frère
au ménage de l'étable puisqu'il partait pour bûcher dans le bois
toute la semaine. Je trouvais que ça lui faisait beaucoup d'ouvrage.
Alors, je me levais tôt le matin et pour l'aider, je faisais la traite
des vaches. Elle me remercia plus d'une fois. Ici,
dans ce rang, ça s'est passé différemment qu'ailleurs. Un dimanche,
les jeunes du rang sont venus veiller, nous avons passé une belle veillée,
on a fait des jeux, chanté, en un mot, on s'est bien amusés. Voilà
que le lendemain, ma sœur est allée faire un tour chez la voisine, Mme
Gagnon, qui lui a dit : "Vous avez eu de la visite hier soir
?" Ma sœur a répondu : "Oui, de la visite pour dépenser
l'huile". Les jeunes ont appris la nouvelle et ne sont plus venus
veiller. Ça a changé un peu les choses, au lieu de venir veiller, on
venait nous chercher Candide et moi. J'ai beaucoup de reconnaissance
pour la famille de M. Antoine Gagnon et celle d’Augustin Berger qui
venaient nous chercher chaque fois qu'il y avait le moindre événement.
Je n'oublierai jamais des gens aussi gentils et tout le beau temps que
nous avons passé ensemble. C'était des gens merveilleux. Rien
de sérieux du côté fréquentation si ce n'est qu'un beau soir se présente
un monsieur Isidore Roy. On se connaissait depuis assez longtemps. Il
est arrivé comme ça, sans être invité. On s'est fréquenté pendant
quelque temps. Comme il prenait un coup fort, j'ai décidé de le
laisser tomber. Un
bon dimanche, j'eus la visite de mon frère Edmond. Il était accompagné
d’Elzéar Lagacé. Tout allait bien quand Elzéar voulut taquiner mon
cousin Paul Jean. Il en résultat qu’Elzéar, qui avait pris un coup
tomba par terre. Edmond l'a ramassé par l'abdomen et d'une main
l'adossa à la cloison, donna un coup de poing près de lui et lui dit :
"Grouille de là …". Ma sœur Adélia eut peur et Elzéar
aussi. Après, quand il prenait un coup, sa femme n'avait qu'à dire :
"Je vais aller chercher Edmond." Il se calmait aussitôt. Mon
frère était très fort, il avait hérité ça de son père. Vers
la fin de la deuxième année d'enseignement à St-Fabien, je reçus une
lettre d'un commissaire de St-Mathieu, Ernest Desjardins, c'était mon
cousin me demandant d'aller enseigner chez eux. Ce qui me plut,
j'acceptai. À l'automne, je partis pour St-Mathieu. On me donna une
classe dans le cinquième rang. Cette fois, je pensionnai à ma classe
pendant la première année, par la suite, je pris une pension chez M.
After Bérubé. J'étais bien, il y avait deux filles de mon âge et des
garçons plus jeunes. C'était des vive-la-joie. La plus âgée des
filles jouait de l'accordéon et lorsqu'on était assez nombreux, on
dansait. Ils organisaient aussi des soirées. J'avais dans le rang deux
cousins et une cousine que je pouvais visiter. Tout se passait bien du côté
enseignement comme celui des distractions. Pendant
ma deuxième année d'enseignement à St-Mathieu, mon frère Edmond
acheta la terre de Philéas Gaudreau. Comme il était seul, il me
demanda pour aller rester avec lui. Je quittai ma pension chez M. Bérubé
pour aller rester avec lui. Je m'avisai de faire du grand ménage par
les soirs et les fins de semaine, me voilà lavant murs et plafonds. Après
quelques jours, j'avais de la peine à me tenir droite, j'avais mal aux
reins, j'avais les muscles endoloris. C'était le fun pour la petite maîtresse
d'école, ah ! ah ! Mon
frère se maria quelques mois après avec Marie-Laure Théberge, une
fille très bien qui prit sa place comme maîtresse de la maison. Je
pris pension chez eux pour finir l'année scolaire. Lorsque
mon tuteur apprit que j'enseignais à St-Mathieu, il était heureux. Il
est venu m'inviter à aller passer des fins de semaine chez lui. Il y
avait aussi M. le Curé Giguère qui était encore là. Il me rencontra
et me dit : "Je vais aller te voir à ta classe bien vite, je vais
voir comment tu fais ça." J'étais en peur. Je n'avais pas hâte
du tout. Voici que pendant les vacances des fêtes, lorsque j'étais à
St-Fabien, j'appris qu'il était mort subitement. Je ne devrais pas dire
cela, mais j'étais contente. Je
me fis un ami dans la personne d’Ernest Vaillancourt. Au début, je
sortais à l'occasion avec lui, par la suite, l'amour est devenu plus sérieux.
Je l'aimais et il m'aimait. C'était un bel homme aux yeux bleus,
cheveux bruns, il était poli, affable et respectueux. Il n'y avait
qu'un inconvénient qui n'en était pas un pour moi puisque ça ne me dérangeait
pas, il avait plusieurs années de plus que moi. Je me disais, je vais
faire comme ma mère. Après s'être fréquentés pendant environ une
année, on décida de se marier. Mon ami s'occupa de trouver un terrain
au village pour loger notre maison. Quel désappointement quand il
apprit que le gouvernement lui enlevait son travail pour le donner à un
père de famille. Plus d'ouvrage, plus de mariage. On continua à se fréquenter
jusqu'à ce que je change d'école. Par la suite, les fréquentations se
firent moins régulières jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus du tout. Pendant
que j'étais au cinquième rang de St-Mathieu (les vacances), je reçus
une lettre de ma sœur Rose-Anne de Montréal dans laquelle elle
m'invitait à aller passer mes vacances avec elle. Cette proposition me
plut et j'acceptai avec plaisir. Comme je n’étais pas allée plus
loin que Rivière-du-Loup et Rimouski, je fus très surprise et éblouie
en apercevant ces milliers de lumières qui brillaient sur la ville
quand j'arrivai à la gare vers dix heures le soir. Je n'en croyais pas
mes yeux. Ma sœur était là pour me recevoir, après s'être embrassées,
nous nous rendions à sa demeure, heureuses de se retrouver. Les
quinze jours que j'ai passés à Montréal ont été mouvementés. Nous
avons visité les principaux édifices, nous sommes allées au théâtre,
au cinéma, nous avons visité la parenté. J'étais heureuse de les
revoir. Nous avons visité les parcs. Je me souviens surtout du Parc
Belmont parce qu'il y avait cet été-là plusieurs amusements gratis.
Nous les avons tous essayés. J'ai bien ri. Je ne peux décrire tout le
plaisir que j'y ai pris. Je me rappelle surtout d'un amusement qui
consistait à s'asseoir, ma sœur et moi, dans une espèce de voiture
qui marchait sur des rails. On nous attacha, quelqu'un pesa sur un
bouton et nous voilà parties, on passa en-dessous d'une trappe qui nous
jeta complètement dans le noir, ici et là, on rencontra de petits
inconvénients quand tout à coup apparut un gros bonhomme tout illuminé
qui paraissait venir vers nous, nous crions, nous rions, mais il fallait
bien se taire pour réapparaître au public. Nous
sommes également allées à l'exposition d'Ottawa. Je n'avais pas les
yeux assez grands pour tout voir, c'était une grosse femme qui pesait
trois cents livres, c'était des courses à bicyclette autour d'une bâtisse
ronde, et le reste, je n'oublierai jamais tout le bonheur que m'a procuré
ce voyage. Pendant
que j'étais chez ma sœur, nous sommes allées quelquefois dans une
salle de danse. Quelqu'un m'a invité à danser et j'y suis allée. Ma sœur
me disait que, après que je fus partie, le même Monsieur avait appelé
chez elle pour m'inviter. Nous
n'avons pas oublié les magasins. Je me suis apporté des vêtements
nouveaux. Dans le temps, on avait une robe pour trois piastres et demie.
J'en avais apporté une à ma sœur Arthémise, elle était bleu royal.
Son mari n'a pas voulu qu'elle la porte, il aurait fallu qu'elle soit
noire ou bleu marin. J'y suis retournée à chaque vacance jusqu’au
temps où j'ai décidé de me marier. Nous
étions en septembre 1932. Lorsque j'arrivais de vacances, j'allais
prendre la classe du haut de la paroisse. Je pensionnais à mon école
mais j'allais coucher et prendre mes repas de fins de semaine chez ma
cousine Éva Rioux. Elle me demandait cinq dollars par mois. Quand
j'avais payé ma nourriture, mon coucher, mon habillement et tous les
autres frais d'entretien, il n'en restait pas beaucoup du vingt-cinq
dollars que je touchais par mois. J'ai réussi avec le temps à en
mettre assez de côté pour organiser mon trousseau, payer ma toilette
de noces et les dépenses de la journée. O surprise ! Il en restait
encore un peu. J'enseignai
là pendant deux ans et sept mois. J'y ai passé du beau temps. Ma
cousine et son mari étaient bien aimables, ils étaient jeunes, ils
aimaient faire plaisir. Mon cousin, Joseph Rioux, demeurait pas loin, et
d'autres du rang qui venaient veiller. On se faisait bien du fun. Parlons
du côté fréquentation maintenant, le premier ami que je me fis était
un joli monsieur, du nom d’Octave Lebel. Après quelques rencontres,
j'eus un désappointement. Je m'aperçus qu'il était sourd. Alors, je
discontinuai de sortir avec lui. Quelque
temps après, se présenta Philippe Jean, qui était le frère de celui
qui devint plus tard mon mari. Quand il a commencé à sortir avec moi,
je me disais : "Si c'était le blond plutôt." Nous nous
sommes fréquentés pendant quelques mois, finalement les amours
finirent avec les vacances. Au
début de mes derniers sept mois d'enseignement, lorsque j'arrivais de
Montréal comme d'habitude, un soir, après la classe, j'étais à la
fenêtre à réfléchir sur mon avenir. J'avais décidé que c'était ma
dernière année de classe, que j'irais vivre à Montréal. Je m'achèterais
une maison de chambres. Tout
à coup, j'aperçois le fils du voisin qui venait de vider les patates
qu'il venait d'arracher, dans la cave de la maison. En le voyant, une
voix intérieure me dit : "Alphonse, ça te ferait un bon mari,
c'est un bon garçon. Pourquoi ne le marierais-tu pas ?". Je
tombai tout de suite en amour. Je partis bien décidée à écouter
cette voix. Nos idées se rencontrèrent puisque lui aussi avait décidé
de sortir avec moi. Nous nous sommes fréquentés pendant environ six
mois. Nous nous connaissions depuis longtemps. Nous étions parents du
trois au trois, nous avons payé huit piastres de dispense. "Adieu
Montréal !" J'ai
laissé la classe quinze jours avant le mariage. Comme ma cousine venait
d'avoir un bébé, elle n'était pas très forte. Je lui ai offert mes
services, car c'était elle qui avait accepté de faire mon repas de
noces. |
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# 945 24 septembre 2014 Segment 3. Mémoires de Marie-Ange Jean (1935-1949) Après
le mariage, nous sommes allés à l'hôtel Paul Jean. Nous y avons pris
le dîner et passé l'après-midi. Le souper eut lieu à ma maison de
pension, chez Mme Charles-Hermel Jean, suivi de la veillée et du
coucher. Nous
n'avons pas fait de voyage de noces. Nous sommes allés au 2ème
rang de Trois-Pistoles chez Joseph Jean, le frère de mon mari. Nous
sommes restés quelques jours à la maison paternelle. De retour, nous
sommes allés habiter la ferme de mon mari qui était située au rang
Ouest à environ un mille ½ de l'église. En
entrant dans la maison, nos effets étaient tous pêle-mêle sur le
plancher de la cuisine. En voyant ce désordre, je sentis un fardeau sur
mes épaules. Je me suis dis : "C'est ici qu'il faut que je vive,
c'est moi qui devrai organiser la vie du foyer, tout dépendra de
moi." et j'ai eu peur. Mais la peur disparut vite.
Dès
que mon mari sortit pour aller faire le train, je me mis au travail. Je
réussis à tout placer et à faire le souper. Je mis la table, tout était
prêt lorsqu'entra mon mari. J'étais soulagée. Il
y avait mon beau-frère Vital, qui m'avait emprunté de l'argent pour
payer l’hospitalisation de sa femme. Comme nous avions besoin d'un
cheval, il m'a offert une pouliche pour effacer sa dette. J'acceptai. Je
n'ai jamais regretté puisque cette pouliche, c'était notre bonne
noire. À
cette époque, nous n'avions pas de frigidaire et nous n'avions pas non
plus de téléphone pour annoncer notre visite. Quand il nous arrivait
quelqu'un d'inattendu pour le repas, nous n'avions pas d'autre choix que
de faire frire des grillades de lard salé dans lesquelles on cassait
des œufs, d'autres faisaient cuire des crêpes. Par contre, quand on était
avertis de la visite, on coupait le cou à une poule qu'on plumait,
qu'on lavait et puis on en faisait un ragoût. Nous n'avions pas les
facilités d'aujourd'hui de courir chercher un steak à la boucherie du
coin.
La
chose m'est arrivée à moi-même. Je me souviens la première visite
inattendue que j'ai eue. C'était un dimanche midi, nous revenions de la
messe lorsque nous attendaient dans la cour ma sœur Arthémise et mon
beau-frère Vital. Je les fais entrer et je pense à faire le dîner. Je
descends à la cave toute énervée, en semelle de bas, chercher mes
grillades de lard quand je me frappe le gros orteil sur une roche
pointue qui se trouvait là et m'arrache l'ongle. Je remonte, "pas
un mot", je lave mes grillades que je fais frire et y casse des œufs,
je vais chercher de la salade, des légumes et des patates de mon jardin
que je fais cuire. "Madame est servie". Ils se régalèrent et
trouvèrent que je les avais bien reçus. On
se contentait de ce qu'on avait, et moi je ressentis alors les douleurs
que me causait mon gros orteil. Mais cette manière de recevoir la
visite ne dura que quelques années. Par la suite, chaque année en
automne, nous engraissions un bœuf et un porc qu'on tuait pendant le
temps de l'Avent. On nourrissait notre famille pendant l'hiver et au
printemps nous mettions le reste de la viande en pots que nous faisions
stérilisés. Ce qui nous donnait de la bonne viande qui était appréciée
des visiteurs et qui nous donnait la facilité de recevoir. Ceci dura
jusqu'à l'arrivée du frigidaire. L'hiver,
pour conserver notre viande, on mettait de la neige par terre dans le
hangar, on étendait une couche de morceaux de viande dessus et on
versait des chaudières d'eau froide dessus pour former une épaisse
couche de glace qui devait cacher la viande, ainsi on avait de la bonne
viande qu'on conservait jusqu'en avril. Pour
conserver notre lard, on séparait le gras du maigre, le maigre devant
servir à faire les rôtis, on coupait le lard par brique que l'on plaçait
dans une barrique en bois en rangs serrés sur lequel on étendait du
gros sel, jusqu'à ce que la barrique soit remplie. Ensuite, on préparait
une saumure ; pour vérifier si la saumure était à point, on y plaçait
un œuf, si celui-ci flottait, la saumure était prête et on la versait
sur le lard, on avait alors notre provision de lard pour un an. Sur
la ferme, nous avions au début sept vaches, deux cochons, 10 poules,
cinq moutons et deux chevaux. Nous étions en pleine crise des années
trente et c'est tout ce que nous avions pour faire de l'argent. Au
printemps suivant, nous avons vendu deux veaux pour 15
$ et on vendait le beurre 22 ¢ la livre, le bœuf de 3 ¢ à 4 ¢ la
livre, chanceux quand on pouvait avoir 5 ¢ la livre et les œufs à 17
¢ la douzaine. Ça vous donne une idée de nos revenus. Il
faut dire qu'on ne payait pas cher comme aujourd'hui. On payait le sucre
blanc 5 ¢ la livre, la farine 3 $ le sac de 100 livres. En plus, les
sacs étaient faits de coton carreauté ou fleuri. On pouvait s'en
servir une fois vidés pour faire de petites robes ou tabliers, etc. Les
vêtements aussi étaient moins chers, à notre mariage, l'habit de
noces de votre père lui a coûté 15 $ avec deux paires de pantalons.
C'était un bel habit bleu marin. Quand il ne porta plus ses pantalons,
j'ai pris les bons morceaux pour en faire aux petits. De mon côté, ma
robe du jour coûtait 3,25 $ et celle du soir m'avait coûtée 4 $, étant
de plus belle qualité. Par
la suite, on augmenta le nombre de vaches jusqu'à douze et ainsi de
suite pour le reste. Pendant la crise, les hommes gagnaient 50 ¢ par
jour, plusieurs travaillaient pour leur nourriture et d'autres étaient
payés en provisions. Il
fallait s'organiser pour vivre avec ce qu'on avait. Pour économiser la
main d'œuvre, j'allais autant que possible aider mon mari à faire le
foin et les grains. Je faisais un jardin et nous avions notre viande. On
se sauvait la vie. On était quand même pas si mal puisque nous
n'avions pas de termes à faire*. La ferme nous appartenait. La lune de miel n'a pas été longue
puisque après neuf mois et dix jours arrivait le premier bébé, une
grosse fille de huit livres et demie. C'était une belle boule. On
l'appela Denise. Elle naquit le 13 décembre 1935. Fait cocasse, Denise
avait les mêmes parrain et marraine que son père et sa mère. Donc, le
père, la mère et la fille avaient pour parrain et marraine Johnny Jean
et Elmire Boucher. Quand
les enfants étaient jeunes, ils devaient aller à la confesse au moins
une fois par mois. Normalement, ils faisaient le trajet à pieds. Denise
avait dit à ses compagnes qu'elle irait tandis que moi, pour une raison
majeure, j'avais décidé qu'elle n'irait pas. Imaginez la scène. Elle
voulait tellement y aller. Il m'a fallu lui tenir tête pour la garder
à la maison. Un cas semblable s'est produit une autre fois et ce fut le
dernier. C'est ainsi que Denise avait compris et ce faisant elle m'a aidé
à l'éducation des autres membres de la famille. Denise
était une enfant sur qui on pouvait compter. Elle était fiable,
studieuse et sérieuse. Lorsqu'elle eut atteint l'âge de 8 ans, elle
pouvait garder les jeunes pendant l'office du dimanche. Ayant des
aptitudes pour la couture, aux environs de 14 ans, pour Noël, j'avais
taillé une blouse pour Raymonde et c'est elle qui l'a cousue et c'était
très bien. À
l'été, lorsque Denise avait neuf mois, j'ai gardé Barbara Belsaguay,
deux ans et demi, qui était la fille de ma sœur Antoinette qui
demeurait à New York. Elle est restée avec moi pendant deux ans. Elle
ne parlait pas français, mais elle apprit très vite. Un jour que des
petits cousins promenant un bœuf la croisèrent sur le chemin, lui
offrirent à embarquer, elle leur répondit : "Je n'embarque pas
sur un vache". C'était
une bonne fille qui ne nous a donné que du bonheur. Quand
Denise eut un an et demi, arriva Gervais. Il me surprit lorsque j'étais
en plein travail dans mon jardin. Il fit son apparition en avant-midi
avec trois semaines avant son temps. Il était grand, très maigre et très
pâle. Comme il était glouton, il mangeait jusqu'à ce qu'il régurgite,
dormait bien et digérait facilement, il reprit du poids très vite. C'était
le 27 mai 1937. Il passa son enfance sans trop de difficultés pour se
rendre à l'âge scolaire. Il n'était pas très doué pour les études.
Lorsqu'il était en troisième année, Gervais arriva de l'école un bon
midi tout joyeux et me dit : "Je vous dis maman que je me suis
planté au concours du mois." "Oui, comment es-tu arrivé?",
"Le deuxième…de la queue" me répondit-il. Avec
Charles-Hermel Jean qui travaillait chez nous à l'époque, nous avons
bien ri de cette répartie. Gervais
préférait le travail manuel à l'étude. Par exemple, imiter la gratte
jaune qui enlevait la neige dans le chemin, faire une table de pool,
jusqu'à s'inspirer de la grande roue sur le terrain d'exposition pour
en fabriquer une semblable qui était solide et très bien faite. Voyant
qu'il avait des aptitudes pour le travail du bois, on lui offrit d'aller
à l'école des Arts et Métiers de Rivière-du-Loup. Il refusa, disant
qu'il préférait aller bûcher dans les chantiers. Gervais
agissait souvent par impulsion sans trop réfléchir aux conséquences
de ses actes. À titre d'exemple, voici une de ses expériences qui
aurait pu avoir des conséquences graves. Un dimanche où nous étions
partis à St-Pamphile, il reconduisit les enfants à la messe en voiture
à cheval. En revenant, histoire de faire rire son petit frère qui était
sur la galerie, passa tout droit à la maison pour ensuite faire tourner
la voiture à une vitesse telle qu'elle faillit se renverser, projetant
Raymonde qui était assise sur le petit banc d'en avant sous la roue de
la voiture qui lui passa sur la tête et lui fit une blessure. Réjeanne
aussi tomba et la voiture lui passa sur une jambe. Denise
ne voulant pas déclarer l'étourderie de son frère, se dépêchait de
peigner sa petite sœur avant son départ pour l'école, chose qu'elle
n'avait pas l’habitude de faire avec autant d'empressement. Je la
trouvai bien vaillante, je ne savais pas ce qu'elle me cachait. Je ne
l'ai appris que quelques années plus tard. Aussi,
un bel après-midi où l’on était à travailler dans les champs,
Gervais raclait au grand râteau quand tout à coup, je ne sais pas ce
qui s'est passé mais le cheval est parti d'un bond, Gervais tomba en
avant du râteau qui lui passa sur le dos, il se fit une ouverture sur
la tête. Je travaillais pas loin, j'entendis du bruit, me retournai et
j'aperçus Gervais qui venait vers moi la figure toute graissée de
sang. Lorsqu'il fut près de moi il me dit: "C'est pas drôle hein
! maman pour tout perdre mon sang". On arrêta les travaux et après
l'avoir débarbouillé, on l'amena chez le médecin qui lui fit quatre
points de suture. Même
si Gervais était un peu étourdi, il avait bon cœur. Je me souviens
qu'un dimanche, alors que j'avais été malade, quelques minutes après
le départ de ma nièce qui était venue me soigner, m'arriva de la
visite pour souper. Comme j'étais à préparer le souper, Gervais vint
me trouver à la cuisine et me dit : "C'est pas drôle, hein!
Maman, êtes-vous fatiguée?" Cette remarque de compassion m'avait
fait chaud au cœur. Revenons
quelques années après notre mariage, Alphonse décida en hiver d'aller
faire du bois avec son frère Philippe, sur notre terre à bois, au sud
du lac. Ils partaient 4 à 5 jours par semaine. Un jeune garçon venait
faire le ménage de l'étable, mais le pire c'était le soir, seule,
quant il ventait dehors, j'avais tellement peur du feu, nous n'avions
pas de cheminée à la longueur, un bout de cheminée reposait sur le
toit, le poêle y était raccordé par un long tuyau. J'étais très
inquiète, je dormais peu et je n'osais pas chauffer le poêle, surtout
par les nuits de grands vents et ici il ventait souvent puisque nous étions
situés sur la côte. Je déposais des couvertures dans les lits des
deux petits et je laissais éteindre le poêle. Un soir qu'il faisait très
très froid et qu'il ventait beaucoup, il m'a fallu chauffer davantage.
Tout à coup, j'aperçois le tuyau qui est rouge à la longueur, prise
de panique, je mis une poignée de gros sel dans le poêle pour en
ralentir le feu et je courus en haut observer le tuyau. Fort
heureusement, le tuyau reprit peu à peu sa couleur normale, mais moi,
je suis restée avec la peur. J'eus de la peine à me rendormir. Cette
situation s'est répétée plus d'une fois mais avec peut-être de façon
moins dangereuse. "Pourquoi,
me direz-vous, ne pas vous faire une grande cheminée ?" C'est que
c'était dans les années de crise. Nous n'en avions pas les moyens,
notre seul revenu était l'industrie laitière, quand on reçoit une
paye de beurrerie dans les 20 $ par
mois, il faut savoir calculer. Dès
que les années sont devenues meilleures, nous avons augmenté notre
troupeau, ce qui nous a permis de remplacer notre tuyau par une vraie
cheminée, Comme
le petit dernier faisait ses premiers pas, un autre bébé venait
enrichir la famille. C'était un autre garçon plein de vie. Normand, un
beau blond aux yeux bleus qui pesait sept livres et demie. On était au
10 novembre 1939. Normand était un bébé toujours souriant, ne
pleurant peu mais très paresseux pour marcher. Il fit ses premiers pas
à 18 mois, contrairement à ses frères et sœurs qui ont marché à un
an. Normand
grandit paisiblement et atteignit l'âge scolaire, c'est là qu'il se
fit valoir. Voici une petite anecdote qui vous fera voir son petit côté
espiègle. Je lui avais donné un petit couteau de poche auquel il
tenait beaucoup. Comme il avait été surpris à s'amuser avec pendant
la classe, la maîtresse voulut le lui enlever. Il lui avait dit :
"Non, tu ne l'auras pas" et s'était battu avec elle pour
finalement se faire mettre à la porte avec une petite lettre. Imaginez
le petit Normand rentrant à la maison, la lettre à la main. Il lui a
fallu beaucoup de courage. Après discussion, il retourna à l'école
avec son père pour demander pardon à l'institutrice qui consentit à
oublier l'affaire. Quelque
temps après, il se faisait à la classe un petit commerce de bandes de
caoutchouc dont les enfants se servaient pour la fabrication de fronde,
je voulus savoir si c'était l'un des miens qui participait à ce petit
commerce, après leur avoir posé la question, j'obtins évidemment une
réponse négative. Alphonse qui avait une tripe d'auto (chambre
à air) s'aperçut un jour que la tripe avait été coupée, ne
voulait pas admettre que ce soit les enfants qui l'aient coupée mais
probablement d'autres enfants du voisinage. Je décidai donc de faire ma
petite enquête et un bon matin, je surprends Normand qui ramasse les
ciseaux et se dirige furtivement vers le garage, il en revient après
quelques minutes, dépose les ciseaux sur la table et s'en va. Je me
suis dit : "Mon petit gars, je te tiens". Ce soir-là, lorsque
je leur demandai qui avait apporté la tripe à l'école, "Je ne
sais pas" avait été la réponse. Après leur avoir conté le résultat
de mon enquête, Normand a rougi, a avoué sa faute et promit de ne plus
recommencer. Si Normand vous paraît un peu volage, en réalité, il est
bon et dévoué. À tous les soirs, en arrivant de la classe, il préparait
le petit bois pour l'allumage du poêle pour le lendemain. Au
début de la guerre 1939-45, j'avais trois enfants, Denise, qui avait eu
5 ans en 1940, était très effrayée par cette guerre, elle voyait des
soldats partout, elle dormait mal, se réveillait en poussant des cris.
Je la rassurais de mon mieux. Dans
l'été 1940, alors que ma sœur Rose-Anne était chez moi, se présenta
le 10 août vers sept heures du soir une charmante fillette aux yeux
bleus et aux cheveux blonds. Elle pesait sept livres et était
rayonnante de vie et de santé. C'était Raymonde. Pour faire différent
des autres enfants de la famille, elle n'a pas pris les maladies
contagieuses telles que la rougeole et le reste. Alors
qu'elle n'avait que 2 ans et demi, je l'avais attachée dans une chaise
avec une cravate avant d'aller faire la traite des vaches. De retour, je
ne la vois plus, je regarde dans ma chambre, elle est couchée dans mon
lit. En m'apercevant, elle me dit : "Moué m'a tombé, youppelaye
!" Lorsqu'elle
eut six ans, elle fréquenta l'école. Ses premières années se passèrent
très bien, puis ça se compliqua à sa 6e
année lorsqu'elle alla prendre des cours privés au village pour
obtenir son certificat de 7e année
qu'elle manqua. Je regrette de ne pas l'avoir gardée avec moi à l'école
du haut de la paroisse. Elle se reprit l'année suivante et continua ses
études. Par la suite, elle est allée faire la classe 6 mois au quatrième
rang de Saint-Mathieu. Ce qu'elle n'a pas aimé, c'est d'aller à l'école
du village. De retour après la première semaine passée au village,
elle entre et reste près de la porte toute gênée. Gervais en la
voyant dit : "Ah! Elle s'est ennuyée." En entendant cela,
Raymonde se cache dans la garde-robe et pleure. C'était la première
fois qu'elle partait pour aussi longtemps. Raymonde
était un peu garçonnière, elle aimait jouer avec ses frères. Elle préférait
le dehors aux soins du ménage. Elle suivait son frère Gervais et se
pliait à ses caprices. Un jour il lui fit ramasser des roches pour une
rouleuse (cigarette). Elle défendait son frère et le cachait même.
Lorsque Gervais méritait d'aller dans sa chambre et d'être privé d'un
repas, elle trouvait le moyen de lui porter quelques mets en cachette.
Si elle était un peu garçonnière, en revanche elle était studieuse,
aimable et dévouée. Deux
ans après, nous arrivait une autre gentille petite fille, contrairement
à ses autres frères et sœurs qui arrivaient au monde presque chauves,
Réjeanne avait beaucoup de cheveux, ils étaient foncés. Elle pesait
sept livres et demie. C'était une petite fille tranquille qui a eu une
enfance paisible. À l'exception de sa maladie, une pneumonie double
dont je reparlerai plus tard, elle ne m'a pas causé beaucoup de
trouble. Elle se contentait de peu de choses. Je me souviens qu'à un Noël,
on lui avait donné une grosse pomme que l'on avait décorée d'une
bande de ruban rose, elle était très contente. Voici
une anecdote amusante. Un jour où j'avais décidé de peinturer le
plancher du perron en gris, quand vint le temps de faire la besogne, je
déposai ma peinture dans la dépense, quand je revins, je trouvai Réjeanne
les jambes et les pieds peints en gris. Elle avait profité du moment
qu'elle était seule pour se peinturer, ça faisait drôle. Si
elle était douce à son enfance, elle changea à l'adolescence. Elle était
devenue plus agressive et peu sociable. Elle voulait toujours gagner sur
sa sœur Raymonde. L'adolescence passa et elle redevint comme avant. Réjeanne
profita bien du temps de l’école, ayant un talent moyen, elle dut
travailler fort. En classe, elle était studieuse et ses maîtresses
l'aimaient beaucoup, elles avaient raison car Réjeanne était bonne et
généreuse. Après
avoir pris tous les cours qui se donnaient à Trois-Pistoles, elle alla
à l'École Normale de Rivière-du-Loup où elle obtint son brevet. Elle
enseigna pendant quelques années avant de se marier. Au
début des années 40, votre père, Alphonse, acheta d’Antonio Théberge,
sa première voiture. Elle portait le nom de "Willis". Il
avait payé 100 $. Il n'avait jamais conduit. Le vendeur lui donna une
leçon en lui faisant faire quelques tours dans le village. Il lui dit :
"Tu es bon ! Va-t-en chez toi !". Il conduisit bien à
l'exception qu'en arrivant dans la cour, au lieu de freiner, il criait :
"Wow! Wow!" Heureusement que j'étais là à ses côtés pour
lui dire quoi faire, car j'étais un peu au courant pour avoir voituré
avec ma sœur Rose-Anne qui venait passer un mois avec nous l'été.
Nous avons gardé cette voiture deux ans. Elle ne nous a pas causé de
troubles sérieux. Elle a procuré beaucoup de joies aux enfants. Nous
avons eu par la suite trois autres voitures, dont une Chevrolet, puis
une Plymouth et enfin une Ford. Celle que je préférais était la
Plymouth. À
la visite paroissiale du curé de l'été 1942, le vicaire Beaulieu de
Trois-Pistoles remplaçait notre curé parti en vacances. Il me parla de
guerre, m'expliqua ce que mon mari devra apporter, brosse à dents et le
reste. Il me fit très peur. Ma peur fut encore plus grande quand un
jour arrive à notre porte un officier de guerre (M.P.)
avec un mandat, qui cherchait Donat Jean. Après explications, on
reconnut qu'on n'était pas à la bonne porte puisque mon mari ne
portait pas le nom de Donat, c'était un nom fictif (surnom)
donné pas ses sœurs. Son nom est Alphonse Jean. Imaginez mon
soulagement. Le
13 novembre 1944, un autre petit garçon fit son apparition. C'était
Raymond, un beau châtain, plein de santé. Il pesait lui aussi sept
livres et demie. Raymond, contrairement à ses deux frères, avait les
yeux et les cheveux bruns. Il était quand même pas laid. C'était un
enfant qui a eu une enfance sans problème étant élevé avec ses deux
sœurs avec qui il partageait des jeux moins turbulents, il était plutôt
sage. Nous
étions en l'Année Sainte, les enfants de l'école faisaient des
sacrifices pour le succès de l'Année Sainte, Raymond, qui n'avait que
cinq ans lors de la rentrée des classes, ne pouvait pas fréquenter la
classe, faisait aussi ses petits sacrifices. Il me faisait une
commission, il allait faire une barre sur le papier qu'il avait
suspendue à la cloison, si bien qu'à la fin de la journée, sa feuille
était remplie. Lorsque quelque chose lui déplaisait, il allait bouder
dans son petit coin. Le temps de fréquenter l'école arriva. Les premières
années d'école se passèrent bien. Lorsqu'il était en 3e
année, il est arrivé premier en mathématique avec 100% à l'examen de
M. L'Inspecteur, mais il devint paresseux par la suite. Raymond avait du
talent mais il lui manquait la volonté. C'était
au temps où on s'éclairait encore à la lampe à l'huile, voulant se
moderniser, on décida de faire installer un moulin à vent sur le toit
de la maison (une éolienne). Ce moulin, dont les pales poussées par le vent
faisaient tourner une dynamo, produisait l'électricité qui était
accumulée dans une batterie installée dans la cave. Ce qui nous
permettait d'avoir la lumière dans tous les appartements et d'améliorer
le son de la radio, car à cette occasion nous avions acheté un gros
radio sur pieds. Mais si cette amélioration nous procurait beaucoup de
plaisir, elle nous causait par contre des inquiétudes, nous avions peur
de manquer de vent, car pas de vent, pas de lumière. Nous étions les
seuls Philippe et nous dans notre rang à posséder un moulin à
fabriquer l'électricité, nous étions donc le point de mire. C'était
dans les années du programme "Un homme et son péché", alors
les enfants du voisin se joignaient aux miens pour écouter l'émission. Je
me souviens que pour faire marcher mon moulin à laver, on avait installé
un petit moteur à essence en dessous du moulin. Tout allait bien quand
le moteur partait de suite quand je pédalais pour le mettre en marche,
mais pas quand je noyais le moteur. Quelquefois, j'attendais des heures
le retour de mon mari pour faire mettre le moteur en marche, ce dernier
étant au travail dans les champs. Je fus heureuse lorsqu'en 1947,
Monsieur Jules Brillant nous annonça que nous allions avoir une ligne
électrique dans le rang. Une fois la ligne installée, nous nous sommes
empressés d'entrer l'électricité à la maison. La première chose que
l'on fit, mon mari remplaça le moteur à essence de la machine à laver
par un moteur électrique. On installa également un moteur électrique
sous ma machine à coudre ainsi qu'à mon rouet. À partir de ce jour-là,
je travaillai avec facilité et agrément. Quand
les enfants étaient jeunes, il existait une tradition, le jour du
Vendredi Saint, de midi à 3 heures, heure qui représentait la mort de
Notre Seigneur, on gardait le silence et on obtenait trois grâces. Les
enfants ont fait ça, c'était très difficile, on s'échappait parfois.
On se parlait par signe quand c'était nécessaire. Je ne sais pas s'ils
ont obtenu des grâces, mais tout ce que je sais, c'est qu'on avait la
paix pendant trois heures. J'ai
connu également les dimanches où on se levait à 5 heures du matin
pour faire la besogne de l'étable et après je courrais à la maison
pour préparer les enfants et me préparer moi-même pour être prêts
lorsque mon mari arrivera avec la voiture pour se rendre à la communion
de 7 heures 30. Il fallait n'avoir ni bu ni mangé depuis minuit. On déposait
les enfants en passant chez l'oncle Albert, eux avaient de grands
enfants. Il y avait donc toujours une gardienne. Après la communion,
nous allions déjeuner à la salle paroissiale. J'apportais quelques
mets que je préparais avant de partir. Ceux qui avaient des parents au
village allaient les voir. Il fallait être à temps pour la grand-messe
à 9 h 30. On ne sortait pas de l’église avant 11 h 30, midi quand il
y avait des assemblées après la messe. Ceci
dura jusqu'à ce que les enfants soient assez grands pour garder. Quand
je pense qu'aujourd'hui, plus besoin d'être à jeun et que la communion
se donne à la messe et que la messe à lieu à 10 h 30 et même 11 h.
Vous pouvez vous compter chanceux. Cependant, je ne regrette rien. Je me
dis que c'est ce que tout le monde faisait dans le temps. Nous
avions les quarante heures aussi qu'il fallait suivre. On y allait 2
fois par jour. Le matin pour la messe suivie du prône et le soir de 7
à 8 heures pour un sermon. Ça comprenait aussi une journée et une
nuit d'adoration. M. le curé préparait la liste des noms des gens de
la paroisse qu'il affichait dans le vestibule de l'église. Quand notre
nom sortait pour la nuit, il fallait laisser nos couvertures chaudes
pour aller passer une heure en prière. Il ne faisait pas chaud, car c'était
toujours en automne. Contrairement
aux jours saints où les exercices étaient semblables, c'était au
printemps, la température était plus favorable. C'était parfois les
mauvais chemins qui nous causaient du trouble. On ne savait pas quelle
voiture utiliser, traînante ou roulant. C'était la difficulté du
temps. À
cette époque, il y avait beaucoup de passants qui mendiaient. On les
appelait les "quêteux". Quelques-uns s'en faisaient une
profession. Ceci dura jusqu'à l'arrivée des pensions de vieillesse.
Grand-père et grand-mère Narcisse, les parents de mon mari, hébergeaient
tous les passants, mendiants et autres. Ceci a eu de l'influence sur
leur garçon Alphonse qui n'était pas capable à son tour de dire non
à qui lui demandait l'hospitalité. Cependant, il y eut quelques
exceptions que voici : Nous nous apprêtions à sortir un soir d'hiver
quand, tout à coup, on frappe à la porte. Je vais ouvrir. C'était un
quêteux qui demande à coucher. On lui dit : "Nous ne pouvons pas
vous garder car nous sortons ce soir." Le quêteux fâché nous
crie : "Sortez, sortez maudites charognes." Et prend la porte.
Alphonse, en entendant cela bondit et courut pour attraper notre type.
J'eus juste le temps de le retenir afin de l'empêcher de lui casser un
membre. Une
autre fois, c'était en été, un samedi sur la fin de la journée, je
vois venir un quêteux. Je me dis : "Il va vouloir coucher ici et
demain c'est dimanche. J'attends de la visite. Je n'ai pas besoin de
lui". Je ferme la porte à clef et je monte en haut. Mon quêteux
frappe à la porte et finit par s'asseoir dans le haut de l'escalier. Là,
il voyait mon mari et les enfants qui travaillaient dans les champs.
Moi, en haut, je fatigue, je trouve le temps long. J'ai un gâteau au
fourneau qui peut brûler. J'attends quelques instants et je descends
sur la pointe des pieds. J'enlève mon gâteau du fourneau et je
remonte. Il ne m'a pas vue. Le temps est long à attendre après le quêteux.
Le moment de la traite des vaches arrive. Il est encore là. Je décide
de faire un grand détour pour ne pas qu'il me voit. Quand je suis
revenue, il était parti. J'étais bien contente et surtout soulagée. Mon
mari était un homme doux et patient, même très patient, mais quand il
en avait assez, ôtez-vous de dans ses jambes. Pour illustrer la chose,
voici une anecdote : C'était en temps d'élections, mon voisin Émile
Paradis avait obtenu de l'argent du gouvernement pour faire un bout de
chemin au sud du lac. Comme on possédait des terres de ce côté on
aurait dû être les premiers à y travailler, mais M. Paradis fit
travailler ses amis, qui ne possédaient même pas de terre de ce côté,
avant mon mari et ses deux frères, Philippe et Albert. Jusque-là,
la colère grondait en lui et ses frères mais ils ne parlaient pas.
C'est quand Émile demanda des adversaires du parti pour leur donner les
meilleures places, c'est à ce moment que, n'en pouvant plus et poussé
par ses deux frères, il perdit lumière*
et sauta sur Émile et lui déchira sa chemise. Le soir en le voyant
arriver, je m'aperçus tout de suite qu'il n'était pas comme
d'habitude. Je lui dis : "T'es bien piteux, est-ce que tu te serais
battu?". Il me répondit : "Oui, je me suis battu, il le méritait."
C'est la seule fois qu'une chose comme celle-là se produisit. La
vie suivait son cours, les enfants grandissaient, nous profitions des
joies de la famille. Nous vivions heureux. La vie était belle jusqu'au
jour où mon mari fit une pleurésie. C'était au printemps 1945, au début
des semailles. Nous avons dû avoir de l'aide pour faire nos semences.
Monsieur le curé a donné la permission aux fermiers de venir nous
aider le dimanche. À
chaque année, à peu près à la même date, il retombait jusqu'au jour
où il décida de prendre des capsules d'huile de foie de morue à l'année.
Moi, j'étais seule pour m'occuper de la traite des vaches et le reste.
Comme c'était le temps de faire le jardin, je me trouvai une jeune
fille pour avoir soin des enfants et je m'occupai à planter les graines
qui produiront plus tard les légumes. Je
me rappelle que je suis devenue tellement fatiguée que je me demandais
si on était le matin ou le soir. Ceci a duré tant que dura la maladie
de mon mari. Le printemps suivant, comme mon mari faisait une rechute, Réjeanne,
qui avait deux ans et demi, fit elle aussi une pneumonie double. Elle a
été très malade. Elle ne marchait plus. Un soir, elle nous regardait
si fixement que j'ai pensé la perdre. Merci à Dieu ! Le lendemain,
elle prenait du mieux. Elle fit, elle aussi, des rechutes. Elle s'en est
bien remise, elle jouit aujourd'hui d'une bonne santé. Le
matin du Jour de l'An 1948, je mis au monde le septième de mes enfants,
Alain-Bruno. Par malheur, il était malade. Il avait de la difficulté
à respirer, il étouffait et venait bleu. Le médecin m'a dit que c'était
parce que j'avais fait une pleurésie quand je le portais. Par la suite,
il prit du mieux. Le médecin attendait qu'il ait neuf mois pour lui
enlever les amygdales et les végétations. À l'âge de cinq mois, il
fit une pneumonie qui l'emporta. Il était très beau avec son petit coq
sur la tête. C'était le seul qui frisait naturel. Il mourut le 23 juin
1948. J'eus beaucoup de peine à m'en séparer. En
septembre 1948, je reçus une invitation pour le mariage de Gaby à Adélia
de Barraute. Je communiquai donc avec Rose-Anne de Montréal qui me dit
: "Viens me trouver à Montréal et je vais y aller avec toi."
Après avoir dialogué avec mon mari et les enfants, il fut décidé que
j'irais. Comme
Denise n'avait que 13 ans, je la trouvais trop jeune pour me remplacer
auprès de ses frères et sœurs, j'eus Noëlla chez Eugène Jean pour
s'occuper de tout. Je partis donc sans préoccupation. Rendue à Montréal,
nous sommes parties par le train à sept heures et demie. Nous y avons
passé la nuit et le lendemain, nous sommes arrivées à 1 heure et
demie. Les rails de chemin de fer étant mauvais, ça brassait beaucoup.
Nous avons pris deux bancs l'un en face de l'autre de manière à être
à l'aise et de pouvoir s'étendre les jambes et surtout de se débarrasser
des passagers, car il y avait beaucoup d'hommes qui se rendaient ou
revenaient des chantiers. Quand
quelqu'un nous demandait pour s'asseoir en face de nous, nous leur
disions non, nous allons faire la classe à Barraute et nous avons
besoin de nous reposer. Il y avait pas loin de nous un monsieur qui
captait tout ce qui se passait. Ce monsieur était très comique. Il
racontait des histoires, faisait des farces drôles, des charades, des
devinettes et le reste. Tout ce qu'il disait était très drôle, mais
chose curieuse, c'était dit en mots très propres. Nous avons ri, ri à
s'en tenir les côtes. Ce
qu'il y avait de plus drôle, c'est lorsque quelqu'un venait pour
s'asseoir en face de nous, ce monsieur disait : "Ce sont ma femme
et ma belle-mère, laissez-les tranquilles". En pleine nuit, il
prenait des glissades dans l'allée, réveillant ainsi les petits vieux
qui cherchaient qui avait fait cela. Mais, le plus comique, c'est qu'après
un certain temps, c'était lui qui était assis en face de nous. En
arrivant de Barraute, votre père me fit une grande surprise, je vis un
tracteur dans la cour de l'étable. Je demandai : "À qui le
tracteur " ? Il me répondit : "C'est à moi, je l'ai acheté".
Je faillis en perdre le souffle. Enfin, il avait fait une transaction
seul. Ordinairement, il lui fallait toujours mon aide, je devais décider
de tout. Il se donnait des excuses : "Tu es instruite toi et tu
n'as pas de misère à parler". En voici un exemple : Un printemps,
nous avions manqué de foin. Il a fallu que ce soit moi qui aille
acheter du foin chez le deuxième voisin qui était Joseph Rioux, car je
crois qu'il aurait plutôt laissé mourir les bêtes. Ceci
ne lui enlevait pas ses qualités. Alphonse était un homme doux qui
adorait sa femme, possédant un bon caractère, aimant faire de
l'humour, se plaisant surtout à taquiner. Ses victimes étaient surtout
les jeunes. Le 5 novembre 1949, la famille se termina avec la perte d'un bébé anonyme où je faillis y laisser la vie.
___ * Perdre lumière : être aveuglé par la colère |
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1 octobre 2014 Segment 4. Mémoires
de Marie-Ange Jean (1950-1964) C'était la
coutume chez nous d'amener les enfants une fois par année, un dimanche,
entendre la messe à Ste-Anne-de-la-Pointe-au-Père et par la même
occasion pique-niquer au quai du même endroit. Ils ont failli manquer
à la tradition. C'était un samedi, à la veille du départ, toute la
famille était au champ pour la finition des foins. Comme c'était les
jeunes qui foulaient le foin, Alphonse monta dans la charrette pour
remonter les bords du voyage. Le cheval partit subitement et Alphonse
tomba et se frappa la tête, chanceux de ne pas arriver sur une roche,
mais le coup porta ses effets. Il déparlait et n'était plus conscient
de ses actes. Je le pris en dessous du bras et l'amenai s'asseoir sur la
galerie, là je lui mis une serviette d'eau froide sur le front, ça n'a
pas fait effet. Je décide alors d'aller le coucher (chose que je
n'aurais pas dû faire, je le sais aujourd'hui), il s'endormit immédiatement. Nous étions autour de lui, affolés, on se jette à genoux auprès du lit et nous récitons le chapelet. Tout à coup, il ouvre les yeux et dit : "Qu'est-ce que je fais ici ?" Je lui raconte ce qui est arrivé. Il dit ne se souvenir de rien. Nous étions bien soulagés. Alphonse reprit son travail, non sans avoir la tête lourde. Les enfants ont eu leur pèlerinage. Lorsque j'enseignais à l'école du rang, en fin d'année, toutes les classes se réunissaient à la salle paroissiale du village pour faire la fête. Chaque école y allait d'un chant, d'une pièce, d'un dialogue, etc. Moi j'avais choisi une pièce qui portait le nom de "Un curé et son bedeau". Il s'agissait d'un curé qui devait s'absenter, il avait donc chargé son bedeau de le remplacer le dimanche pour lui faire dire le prône à la messe. Alors le bedeau, qui était Raymond, monte en chaire et mélange toutes les phrases, ce qui avait occasionné des fous rires dans l'assistance. Il terminait par : "Je vous bénis au nom du Père et du Fils et du St-Esprit." Ce qui avait tellement plu à M. le curé qu'il me dit : "Votre petit garçon va faire un prêtre, placez-le au séminaire." On fit la demande, mais il n'y avait plus de place. On le plaça donc chez les Frères des Clercs de St-Viateur à Ste-Luce. Lorsqu"il signait ses lettres, il signait "Votre fils dans le Seigneur", ce qui lui valut bien des taquineries de la part de ses frères et soeurs. Cette expérience donna peu de résultats valables. Une année de perdue et un curé manqué. Par la suite, il continua ses études à Trois-Pistoles chez les frères du Sacré-Cœur. Il travaillait par ses soirs et les samedis au magasin J. T. Rioux. Après, il s'inscrivit à l'École de Commerce de Rimouski pour étudier la comptabilité. Il y resta 6 mois. Après les fêtes, il ne voulut plus y retourner. Il travailla par la suite à plein temps au magasin J. T. Rioux, malgré qu'il quitta les études, il étudia par la suite pour être électricien diesel. Aujourd'hui, il gagne bien sa vie honorablement. Anecdote
: Un soir que Raymond était au restaurant avec la famille, quand son
tour de service fut venu, il commanda un sandwich. La serveuse lui dit:
"Plain ou toastée", il répondit: "Les deux". Ce
qui lui a valu beaucoup de taquineries de la part de ses frères et sœurs.
Il avait environ 14 ans. Quand
la ligne téléphonique passa dans notre rang dans les années 50, nous
nous sommes empressés de l'adopter. Au début, nous avions une ligne
commune, nous étions cinq abonnés sur la même ligne. Nous avions
chacun un certain nombre de coups de sonnerie, ce qui nous permettait de
savoir pour qui était l'appel et nous permettait également d'écouter
les appels destinés à un voisin. Un bon dimanche matin, mes filles
sachant que Simone, la fille du voisin, devait faire un téléphone
concernant une veillée qui devait avoir lieu au deuxième rang de
Trois-Pistoles, et puisque elles-mêmes devaient se rendre à la messe,
me demandèrent d'écouter au téléphone. Je refusai d'abord pour enfin
succomber à leur demande. J'étais à préparer mon dîner, quand tout
à coup, la sonnerie du téléphone se fit entendre. J'écoutai en
comptant le nombre de coups, ce sont les bons, je soulève doucement
l'acoustique et j'écoute. J'entends que l'on discute d'une soirée. Une
voix dit : "Tu feras un longue distance !", Simone répond
:"Un longue distance? Ah! Non! J'ai trop peur de ça un long
distance moi !" Je pouffe de rire. Au retour des filles, je leur
raconte la peur de Simone, elles ont beaucoup ri et elles ont dit :
"C'est bien Simone, ça!" Le
lendemain matin au lever apparaît Normand qui descend que sur une
patte. Je lui demandai qu'est-ce qui s'était passé ? Il me répondit:
"Je ne sais pas, j'ai eu connaissance de rien, je suis monté me
coucher comme les autres". Je demandai aux autres s'ils avaient eu
connaissance qu'il se soit frappé ou qu'il ait tombé, on me dit que
non, peut-être qu'il s'est frappé après une chaise. On l'amena chez
le docteur qui nous dit que c'était un nerf de coincé, de mettre des
compresses chaudes. Ce que je fis, mais ça ne s'améliorait pas. Nous
sommes retournés une autre fois pour nous faire dire de continuer, pas
se décourager, ça va être long. Son
frère Gervais lui a fait une paire de béquilles, il s'en servit
pendant quelques temps mais il s'en désintéressa, n'allant presque
plus jouer dehors, il restait seul à la maison, ce n'était pas lui ça. Le
voyant changer d'une journée à l'autre, je dis, on retourne chez le
docteur qui n'a pas voulu nous recevoir parce que c'était dimanche et
que ceci était arrivé il y avait 15 jours. Heureusement, il y avait là
un monsieur qui nous dit: "Votre petit garçon a la jambe cassée,
j'en ai eu un moi aussi qui avait la jambe cassée, il faisait comme le
vôtre, allez chez le ramancheur". Il nous donna un nom dans la
Beauce. Nous en connaissions un à St-Anaclet, un monsieur Lavoie. Nous
sommes allés le voir. En le voyant il a dit: "Sa jambe est cassée,
je vais la replacer". Il m'a fait tenir sa jambe et lui a tiré
dessus. J'ai entendu crac. Il la déposa par terre et lui dit: "Tu
peux marcher". Il hésitait, il avait peur. "Portes-toi
dessus" lui dit-il encore une fois. Depuis ce temps, il se reprit
à marcher comme les autres. Comme
les enfants grandissaient, grandissaient avec eux les besoins. Pour
augmenter les revenus, je décidai de faire un jardin maraîcher. Un an
après, aidée de la main d'œuvre familiale, je me lançai dans la
culture de la fraise. Tout cela faisait beaucoup de travail, mais le résultat
en voulait (valait) la peine. Pour la cueillette, je leur donnais un cent du
casseau avec permission d'en manger. Ils étaient satisfaits. En
1952, mon cousin, Joseph Rioux, qui était commissaire de l'école, me
demanda, au cours d'un repas des fêtes, pour remplacer l'institutrice
qu'il avait remerciée en décembre. Je ne le pris pas au sérieux et
refusai. Quelques temps après, il est venu me faire une seconde
demande, me donnant 15 jours pour y penser. Après ce temps, même réponse.
Il me prit par les sentiments en me disant que je serais responsable si
les élèves perdaient leur année, etc. J'acceptai donc pour finir
l'année, mais je mis pour condition que je ne signais pas d'engagement,
pouvant laisser à volonté. Ils acceptèrent. Quand
je me décidai d'enseigner, Denise, qui n'avait que 16 ans, accepta de
s'occuper du soin de la maison. J'étais là le matin, le soir et les
fins de semaine. Elle fit très bien son travail, qu'elle prit à cœur.
Les premiers jours ont été longs, mais par la suite, c'est devenu trop
court. Pour mes enfants, je signai pour continuer l'année. J'avais dans
le temps 90 $par mois. J'avais une classe de 32 élèves parmi lesquels
se trouvaient trois des miens. On enseignait de la 1e
à la 7e année. Il
fallait préparer au certificat les élèves de 7e
année. J'étais pas mal en peine, je n'avais pas enseigné pendant 18
ans que j'ai élevé ma famille, dans le temps, les classes finissaient
à la cinquième année. Il fallait tenir compte de tous les changements
du ministère de l'Éducation. Je me sentais bien petite. Je
ne me décourageai pas. Je me suis mise à étudier par les soirs, et le
dimanche, après la messe, j'allais demander des explications aux bonnes
sœurs du village. Je fis ça souvent pendant la première année, si
bien que, j'en ai présenté sept au certificat et j'en ai obtenu cinq.
O surprise! Par la suite l'école no 1 arrivait toujours la première
aux examens de fin d'année. Ce qui a causé des mécontentements parmi
les sœurs. Dans ce temps-là, M. Le Curé donnait toujours les résultats
de l'année scolaire du haut de la chaire. Après ce succès, j'ai décidé
de continuer l'enseignement. Ma cousine Éva Rioux et moi, vu l'état de la classe du rang, nous avions réservé une classe privée pour nos deux filles, Raymonde et Mariette, qui désiraient obtenir leur certificat de 7e année. Malheureusement nos filles ne l'ont pas eu. Il leur a fallu reprendre leur année. Comme j'ai décidé par après de prendre l'enseignement de cette école, je ne les ai pas reprises car je manquai de confiance en moi, chose que je n'aurais jamais dû faire, car après avoir bien travaillé, j'en ai présenté sept au certificat et j'en ai obtenu cinq. J'étais très contente. Ce sont Clément et Gaétan Paradis qui ont manqué.
Vous
souvenez-vous de notre jument noire qui était si fine? Toute la famille
l'aimait. Comme c'était loin pour voyager à pieds jusqu'à l'école où
j'enseignais, nous allions en voiture à cheval, mes enfants qui fréquentaient
l'école et les trois enfants de ma sœur Candide, Claudette, Francine
et Francis. On remplissait le "barleau". Rendus à l'école,
j'attachais les cordeaux autour du poteau du barleau et je disais :
"Bon ma noire, tu peux y aller maintenant". La jument
retournait, prenait le chemin et se rendait directement à la porte de
l'étable. Le soir, mon mari l'attelait et l'envoyait seule venir nous
chercher. Elle se rendait direct à l'école, mais il fallait la
guetter, car si elle ne voyait personne, elle s'en retournait. Ma
voisine me dit l'avoir vu venir à la rencontre d'une voiture, elle se
demandait ce que la jument allait faire. Ma noire prit la rencontre qui
se trouvait à côté du chemin, une fois la voiture passée, elle
reprit le chemin et se rendit à destination. Elle l'avait trouvée
intelligente. Vous voyez comme j'avais raison de vous dire qu'elle était
fine ? On
avait aussi un autre cheval, on là appelé celui-là "John".
Autant la noire était fine, intelligente, docile et facile, lui était
excité, têtu, désagréable et paresseux. Un jour qu'il sortait de l'étable,
il mit le pied sur la jambe de Normand qui était assis par terre dans
la cour de l'étable. Il en porte encore la cicatrice. Chose que la
noire n'aurait jamais faite, elle se serait arrêtée et n'aurait plus
voulu avancer. Sur le chemin, il ne se pressait pas, il fallait toujours
le fouet pour le faire trottiner, excepté s'il se sentait dépassé par
un "snow", là, plus moyen de l'arrêter, il allait à la
course pour le suivre et il ne changeait pas de vitesse tant qu'il le
voyait. Ça vous donne une petite idée de ce qu'était ce fameux
"John". Quand
arrivait le temps de Noël et du Jour de l'An, ça ne passait pas inaperçu,
le soir de la Messe de Minuit, on attelait le cheval à la carriole, on
emplissait la voiture et on partait. Quand les chemins étaient durs, on
entendait les pas du cheval s'accorder avec les grelots formant ainsi
une belle harmonie. C'était très beau et surtout très émotionnant.
Rendus à l'église, on entendait pieusement la Messe de Minuit. On
allait adorer le petit Jésus couché dans la crèche, on lui demandait
des faveurs. Les petits déposaient des sous à l'ange qui disait merci
car cet ange inclinait la tête lorsqu'on y déposait des sous et ceci
les intriguait beaucoup. De
retour à la maison, lorsque les enfants étaient jeunes, je leur
servais un léger goûter. On distribuait à chacun un petit cadeau et
on allait se coucher très heureux. Comme
avec le temps tout se modernise, c'est ce qui nous est arrivé avec le
transport, les dernières années à St-Mathieu, nous allions à la
Messe de Minuit en "snowmobile", c'était chaud et
confortable, mais ça nous enlevait les plaisirs de la voiture à
cheval. Quand
les enfants sont devenus adultes, à St-Mathieu comme à Trois-Pistoles,
chacun faisait sa part pour organiser l'arbre de Noël. Les hommes
allaient dans le bois cueillir l'arbre de Noël. On choisissait le mieux
garni et le plus beau, on le plaçait dans le coin du salon. Les femmes
s'empressaient de le garnir, nous déposions des guirlandes, des boules,
des glaçons et des lumières. "C'était le plus beau !"
Chacun venait y déposer ses cadeaux à son pied, si bien que ça
formait une mer de cadeaux. Le
temps venu, on nommait quelqu'un pour en faire la distribution. On
remettait le cadeau à qui il était adressé et on entendait des:
"Oh! Que c'est beau ! Merci !" Parfois, il y avait des cadeaux
surprises qui étaient faits que pour taquiner. Je me souviens que
Raymonde avait reçu une suce, ce qui a bien fait rire. La distribution
des cadeaux terminée, on s'installait à une table bien garnie où on
pouvait déguster toutes sortes de bons mets accompagnés de musique.
Tous étaient joyeux, on parlait, on riait, on chantait et on disait à
qui de droit un gros merci accompagné d'un baiser. La veillée se
prolongeait quelquefois jusqu'à 3 ou 4 heures, après quoi, tous s'en
retournaient chacun chez eux, satisfaits de la fête. Il
y avait aussi le Jour de l'An qu'il ne faut pas oublier et qui se
voulait semblable au Jour de Noël. On commençait l'année en assistant
à la messe, nous avions un réveillon, mais contrairement au Jour de Noël,
nous n'avions pas de cadeaux. Le soir du Jour de l'An, on se réunissait
avec Philippe et sa famille chez Albert Jean qui était le plus vieux de
la famille de Narcisse Jean, le père d'Alphonse. Là, nous faisions
notre Jour de l'An et après s'être souhaité toutes sortes de bonnes
choses, nous nous placions tous autour d'une table pour déguster un bon
vin et savourer les bons mets que tante Elmire nous avait fricotés avec
amour. Après s'être amusés, le temps était venu de retourner chacun chez soi, mais pas avant d'avoir remercié nos hôtes de la soirée et s'être donné rendez-vous chez nous et aussi chez Philippe. Dans ce temps, les fêtes du Jour de l'An duraient pendant une partie du mois de janvier. Aussi, on fêtait les Rois (Circoncision) qui arrivait six jours après le Jour de l'An. Quand je donnais mon repas ce jour-là, je faisais un gâteau dans lequel je plaçais une fève et un pois. Celle qui trouvait la fève dans son morceau de gâteau était élue Reine de la soirée et celui qui trouvait le pois en était le Roi. On les couronnait et on les plaçait à l'honneur. C'est eux qui ouvraient la soirée.
En
1954, je perdais ma sœur Candide qui est morte après avoir donné
naissance à une fille "Roseanne". Elle laissait son mari et
six enfants. Pour rendre service à mon beau-frère Thomas, qui était
bien découragé, j'ai pris Claudette qui avait neuf ans. Elle était
une fille aimable, sage. Elle s'accordait bien avec ses cousins et
cousines. Le soir quand mes filles sortaient, elle s'assoyait près de
moi et faisait la conversation. Je l'aimais bien et j'étais contente de
parler avec elle. C'était
à l'automne 1954, alors qu'on lui avait remis les jumeaux, Thomas
voyant venir l'hiver, était très préoccupé étant seul avec son garçon
Claude, n'envisageait pas de prendre l'hiver avec les petits qui avaient
cinq ans. Voyant son désarroi et constatant que Denise s'ennuyait seule
l'après-midi, exprima le désir d'avoir les jumeaux. Après lui avoir
bien expliqué le surplus de travail qu'elle aurait à faire, je
consentis au désir de Thomas, leur père. Je pris chez moi Francis et
Francine, ils avaient cinq ans et ils étaient gentils et ils
s'accordaient bien eux aussi avec les miens. C'était de bons petits
enfants qui nous ont procuré bien de la joie. J'ai gardé Claudette et
Francis pendant cinq ans. Francine, qui était ma filleule, resta avec
nous presque jusqu'à l'obtention de son brevet de garde-malade. Francis
avait des aptitudes pour la mécanique, il l'a prouvé lorsque notre
centrifugeur s'était brisé. Nous avions fait venir quelqu'un pour la réparation.
Francis qui était là, regardait attentivement et trouve l'endroit du
bris avant le réparateur. Par la suite, il fit de belles choses. Il a
fait les meubles de sa chambre et inventa de nouvelles patentes. Voici
une anecdote : Lorsque Francis avait à peu près 6 ou 7 ans, il était
allé jouer dehors avec sa sœur jumelle. Il eut la surprise de déchirer
sa culotte en arrière. Lorsqu'il entra à la maison gêné, la main sur
la déchirure, mon mari dit : "Ah! Les belles fesses".
Francis, insulté de répondre aussitôt : "Oh! Mon oncle salope". Tout
allait bien, les enfants fréquentaient l'école, quand les frères du
Sacré-Cœur sont venus à l'école du rang pour vanter les joies du
noviciat, les jeux, etc. Ils le firent si bien qu'ils en gagnèrent six
qui partirent en même temps que le mien. Je revois Normand assis sur la
dernière marche de l'escalier, sa valise devant lui, attendant la
voiture pour partir. Inutile de lui faire changer d'idée. Lorsque
Normand nous quitta pour entrer chez les frères, il nous avait laissé
en cadeau une dette de 12 $ chez Adélard. Un oubli, évidemment. La
famille vieillissait paisible, il ne restait que les trois derniers qui
fréquentaient l'école. Je m'occupais toujours à faire les vêtements
de toute la famille. Comme je recevais des boîtes de linge de mes sœurs
de Montréal et de New York, je prenais les morceaux qui convenaient
pour les enfants, je les défaisais, les lavais si nécessaire et les
retaillais selon la grandeur. C'était beaucoup d'ouvrage mais ça en
valait la peine et surtout ça économisait gros. En agissant de même,
les enfants étaient bien habillés et ça ne coûtait pas cher. J'avais
fait aux deux dernières chacune un costume avec les habits des garçons
de Rose-Anne. Comme Denise ne fréquentait plus la classe, elle s'occupa
avec moi de la fabrication des vêtements. Je me souviens, nous leur
avions fait à chacune un petit chapeau de velours avec gland et une
sacoche du même tissu avec bandoulière. Nous étions fières de notre
travail. Nous avons fait par la suite des tapis et monté une pièce de
couvertes. Nous nous préparions à faire bien d'autres belles choses
quand le destin est venu changer nos plans. Je laissai tout pour
l'enseignement. Quand
Gervais a commencé à travailler, il a acheté un petit gramophone et
également des disques de succès du temps, de la musique etc. Les
jeunes étaient en adoration devant cette petite boîte qui parlait et
jouait de la musique. Ils s'en servaient pour agrémenter les soirées
avec ou sans les amis. Ceci dura jusqu'au jour où nous avons acheté un
radio. Après, ils s'en servaient de plus en plus rarement jusqu'à ce
qu'ils ne s'en servent plus du tout. Si bien que quand on a laissé la
ferme, je l'ai échangé pour un petit radio. En
1958, comme Gervais était dans les chantiers et que Raymond était aux
études, puisque M. le curé Bérubé avait prédit qu'il y avait un prêtre
en Raymond, mais il s'est grandement trompé, mon mari étant seul pour
travailler sur la ferme et vu son âge avancé, on décida de vendre la
ferme pour la modique somme de 3400 $ avec un petit "cash" et
de faibles termes. Puisque
Trois-Pistoles me paraissait favorable aux études des enfants, nous décidâmes
d'aller y demeurer. Nous partîmes à la fin des classes. Nous sommes
allés nous installer chez Mlle Lafrance sur la rue Notre-Dame. Comme ce
n'était pas très grand, nous y sommes demeurés que quelques mois. Par
la suite, nous sommes déménagés là où demeure aujourd'hui M.
Alphonse Jalbert, rue Notre-Dame ouest. Nous étions voisins du magasin
J. T. Rioux du temps, ce qui a permis à Raymond de travailler au
magasin par les fins de semaine. Nous y sommes restés de 1958 à 1965. Dans
les derniers temps où nous étions à Trois-Pistoles, Raymonde et Adéodat
avaient leur loyer en arrière de chez nous. La petite Guylaine avait
trouvé le tour de venir me voir. Elle n'avait que 1 an ½. C'était
drôle de la voir venir, ce petit bout de femme qui s'en venait en riant
pour entrer par la porte d'en arrière. Je courais lui ouvrir la porte,
je la prenais dans mes bras et je l'embrassais. Comme
j'étais rendu à 14 ans d'enseignement, je décidai de continuer. Avec
l'intervention de l'inspecteur Thériault, j'obtins une classe à l'école
Litalien, une sixième année. Avoir à supporter la direction
m'embarrassait. Je partais le matin bien en forme et dès que j'ouvrais
la porte de l'école Litalien, un fardeau me tombait sur les épaules.
Je fatiguais une partie de la journée. Je n'ai pu m'adapter. J'ai préféré
retourner dans une école de rang. J'ai quand même fait une bonne année. J'obtins
la classe du premier rang est. J'aimais bien mes élèves, c'étaient de
bons enfants et surtout très intelligents. C'était beau de leur
enseigner. J'y ai enseigné pendant six ans. Ces six années m'ont
permis de compléter le nombre d'années nécessaires à la pension,
aussi elles ont été pour moi très enrichissantes. En même temps, ça
m'a permis une retraite qui m'assure un certain confort. Un gros merci
à Denise qui m'a permis de me rendre à ma pension. Bravo Denise! Tu
m'as beaucoup aidée! Pendant
ce temps, Alphonse de son côté devait aussi se trouver de l'ouvrage.
Avec la complicité de son beau-frère Thomas Thibault, ils décidèrent
d'aller faire du bois à Amqui, le bois était mauvais et non rentable,
ils y travaillèrent pendant 15 jours après quoi ils décidèrent de
revenir à la maison. Alphonse décida de faire du porte à porte. Pour
ce faire, il s'engagea à vendre des produits de la compagnie Bérubé
de St-Alexandre, travail qu'il fit pendant 1 an, après quoi il y ajouta
de la marchandise sèche, pour finalement ne vendre que des vêtements
pour dames, hommes et enfants. Il fit ce métier jusqu'au jour où,
atteint de maladie, il dut s'arrêter. Il fit un séjour à l'hôpital où
il subit une opération pour une hernie étranglante. Il avait alors 66
ans. Après sa convalescence, on décida de vendre la part du magasin. Le
plus beau temps que j'ai passé avec ma famille est celui à
Trois-Pistoles, lorsque la famille était au grand complet. Je revois
les soirées passées ensemble avec nos ami(e)s. C'était magnifique. Je
me sentais tellement heureuse. Pendant ces années, les cavaliers
envahissaient la maison. Là, j'avais un pincement au cœur. Je savais
que j'allais perdre mes filles. Ce fut le début des mariages. En
1960, c'est Denise qui partit le bal en se mariant avec Richard Leblond
le 27 juillet à Trois-Pistoles. Elle quittait le foyer familial pour
aller vivre sur la Côte Nord, un pays qu'elle ne connaissait pas. Je me
souviens qu'au moment de nous quitter, tous pleuraient incluant Richard,
mais pas Denise. Je ne l'ai pas compris, ça lui a pris beaucoup de
courage. Deux
ans après, Raymonde nous annonça son mariage à Adéodat Vaillancourt.
Ils se marièrent le 27 août à Trois-Pistoles. À son mariage
assistait ma tante Roseanne de Montréal avec son garçon Raymond. Elle
était heureuse, elle était à la table d'honneur avec le frère
Normand. Les mariés demeurèrent à Trois-Pistoles pendant quelque
temps, après ils déménagèrent sur la Côte Nord et ils revinrent
plus tard à Trois-Pistoles. L'année
d'ensuite, le 27 juillet 1963, c'était au tour de Réjeanne de se
marier avec Guy Robillard à Trois-Pistoles. C'est là que j'ai réalisé
que je venais de perdre la dernière de mes filles. J'eus beaucoup de
chagrin. Je me consolais en pensant que je n'avais pas tout perdu, qu'il
me restait ma filleule Francine Thibault. La même année, le 31 août, c'était le mariage du premier garçon qui épousait Huguette St-Pierre. Le matin de leur mariage, il pleuvait à boire debout. La mariée pleurait. Dans ce temps-là, on se mariait l'avant-midi. On dit que quand il pleut au mariage, les mariés sont malheureux. Je peux vous confirmer que ce n'était pas le cas pour eux. Ils sont allés coucher à Rimouski. Nous sommes allés les surprendre le lendemain, Huguette était gênée. Il s'est écoulé quelques années avant qu'il n'y ait d'autres mariages. |
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1015
8 octobre 2014 Segment 5.
Mémoires de Marie-Ange Jean (1965-1989) Revenons en 1965, année où j'ai quitté l'enseignement. Je ne me sentais pas capable d'aller m'enfermer seule à la maison puisque mon mari faisait la vente à domicile. J'aimais le monde et j'aimais être parmi eux. Nous avons acheté, avec ma fille Raymonde et son mari Adéodat Vaillancourt, le magasin de M. J. B. Roussel qui était situé au village de la rivière St-Fabien. C'était une épicerie qu'on organisa en magasin de lingerie pour hommes, femmes et enfants, qui porta le nom de St-Fabien Lingerie. Nous l'avons gardé cinq ans et vendu notre part à nos associés Raymonde et Adéodat. Ils y sont encore aujourd'hui et font bien leurs affaires. Quand
nous sommes arrivés à St-Fabien en juin 1965, mon mari et moi,
Francine qui laissait à regret ses amies en quittant Trois-Pistoles,
s'adapta assez vite à sa nouvelle place. Elle participa aux travaux de
la maison. Elle faisait son possible pour se rendre agréable. On
l'aimait bien (si ce n'eut été de l'adolescence). Quelques
années après, elle faisait ses études de garde-malade à l'hôpital
de Rimouski. Elle obtint son brevet et continua de travailler à l'hôpital. Pendant
que nous étions à St-Fabien, se mariait le 6 juillet 1968, Normand à
Violette Bergeron. Le mariage eut lieu à St-Pierre-Baptiste et la noce
à Plessisville. La connaissance avec la famille a été chaleureuse.
Nous sommes repartis enchantés. En 1970, Je suis retournée à Barraute à l'occasion du 50e anniversaire de mariage d’Adélia et d’Ernest Brillant. Cette fois, j'étais avec mon mari. Nous sommes partis par le train à Québec. Le trajet a été assez long, une journée et demie et une nuit. Arrivés à Barraute, après les salutations d'usage nous assistions à la cérémonie du mariage. C'était très beau de les voir. Ils étaient épanouis et nous paraissaient si heureux après 50 ans de mariage qu'on aurait voulu en faire autant. Nous avons assisté au mariage et suivi la noce qui se passa dans l'amitié, il y eut des chants, de la danse et le reste. Nous les quittions heureux et enchantés en se demandant si un jour nous pourrions nous aussi fêter nos noces d'or. Malheureusement, le sort en a décidé autrement.
En
1970, après avoir tenu avec nos associés le magasin pendant cinq ans,
étant donné que les enfants étaient mariés ou partis de la maison,
nous décidions de prendre notre retraite. Nos goûts se tournèrent
vers Trois-Pistoles. On prit donc un logement sur la rue Martel où nous
sommes restés pendant quatre ans. J'ai
gardé un bon souvenir de ces années passées à St-Fabien. Les deux
petites, Guylaine et Nancy nous ont apporté beaucoup de bonheur. Le
matin, dès qu'elles se levaient, elles descendaient déjeuner avec nous
pour ensuite retourner déjeuner avec leurs parents. C'était le fun de
les voir descendre. On les aimait beaucoup. Je revois encore Guylaine
avec son petit air un peu moqueur et Nancy, la petite fille sage qui
suivait sa grande sœur. Elles étaient charmantes. Un
soir que Guylaine faisait des tresses dans les cheveux de son grand-père,
elle lui dit : "Quand la servante va venir nous chercher pour se
coucher, tu lui diras : "Laisses-les encore un peu, elles veulent
écouter le programme "Cré Basile". Lorsqu'arriva la servante
qui dit : "Bon, les petites, montez vous coucher", personne ne
parle. Voyant cela, elle dit à son grand-père en lui donnant une tape
sur la joue: "Voyons, parles toi !". Je me souviens aussi quand elle était sur la galerie et que quelqu'un venait à passer, elle pointait son petit pouce vers le haut et disait : "Lui y connaît ça". Les gens trouvaient ça bien drôle. Il y a encore bien d'autres faits que je pourrais raconter, mais je me contenterai d'un autre seulement. Pendant les vacances, les petits cousins Jacques et Dany étaient à St-Fabien avec leurs parents. Un beau matin, au lever du jour, Denise voit partir les quatre petits, Jacques, Dany, Guylaine et Nancy avec chacun une perche et une petite chaudière, ils allaient pêcher à la rivière située à l'arrière de la maison. "C'était comique de les voir aller" nous dit Denise qui les fit promptement revenir à la maison.
En
1971, un an après être revenus à Trois-Pistoles, lorsque nous étions
allés fêter les noces d'or de mon beau-frère Albert Jean à Cacouna,
pendant la soirée mon mari se sentit mal, disant que son souper le
fatiguait, il continua à fatiguer pendant la nuit. Le lendemain, il
alla voir le médecin Léon Plourde, qui lui prescrivit des médicaments
pour ulcères d'estomac. La nuit suivant se passa sans succès. Le
matin, j'appelle le médecin et lui raconte la nuit qui vient de se
passer. Il me dit : "Veux-tu que je l'hospitalise ?". Je lui répondis
que ce serait peut-être plus prudent. Il fit aussitôt les démarches,
si bien qu'à 10 heures, je le conduisis à l'hôpital de Trois-Pistoles.
On lui donna un lit. Heureuse coïncidence, il est dans la même chambre
avec mon frère Edmond hospitalisé pour régulariser sa pression. On
lui passe beaucoup d'examens, une radiographie du cœur et, sur les
ordres du médecin, on l'amène passer un examen pour son estomac à
Rivière-du-Loup. Pendant ce temps, on reçoit le résultat de sa
radiographie qui démontre un infarctus. Vite on le met au lit dans une
chambre seul, une pancarte à la porte qui dit qu'on ne doit entrer
qu'un seul à la fois et pas plus de 10 minutes. Il
m'appela pour me mettre au courant de la situation, je trouve sa voix
faible. Je suis saisie par la peur, je pleure. Je décide d'aller le
voir. Comme les autres soirs, je descends à pied et je reviens avec des
gens qui ont eux aussi un malade à l'hôpital. À ma grande surprise,
je le trouve pas si mal-en-point. Ceci dura quelques jours. On enleva la
carte des soins intensifs. Il y demeura environ une semaine. Il revint
à la maison et continua sa convalescence. Un mois plus tard, il
conduisait sa voiture. Au
printemps 1974, on décida de se rapprocher de l'église. On vint donc
habiter à 3 rue Pelletier dans un logement qu'on aimait beaucoup. Nous
y avons vécu libres et heureux. Je connaissais peu de monde dans les
alentours. Comme distraction, nous avons décidé d'aller à l'Âge
d'or. Nous sommes entrés dans l'association de l'Âge d'or et nous nous
faisions un devoir d'assister à toutes les activités. C'est à cette
occasion que je me suis fait une amie dans la personne de Bella Belzile.
Elle était charmante, empressée et très gentille. J'ai passé du beau
temps avec elle. On jouait souvent aux cartes ensemble mon mari et moi.
Nous avions du plaisir. Après la mort de mon mari, avec le temps, elle
est devenue plus possessive. Je n'avais pas le droit de faire des
voyages sans elle, et le reste. Un jour, elle m'a fait manquer un beau
voyage parce qu'elle ne pouvait pas venir. Elle me raconta une série
d'histoires sur la conduite de ma compagne, que j'allais passer pour être
comme elle. Que ça allait me faire tort en tant que présidente de l'Âge
d'or, etc., si bien que j'ai dû y renoncer, ne pouvant trouver une
autre compagne. L'année
suivante, j'ai décidé de faire un autre voyage sans elle puisqu'elle
gardait des ontariennes. Comme ces ontariennes partaient la veille de
notre retour, elle décida de me faire un "pied de nez" comme
on dit. Elle alla demander la personne qui n'était pas digne de venir
avec moi pour organiser un voyage avec elle. Les arrangements faits,
elles partiraient le matin de notre arrivée. Comme elle allait la voir
pour les derniers arrangements, rendue au coin des rues Vézina et Roy,
elle fit un accident. Le voyage tomba à l'eau. Ça vous donne une idée
de ce qu'était mon amie. Tout
commença à se gâter à une assemblée de l'Âge d'or où on devait élire
le conseil. Lorsqu'on annonça présidente Mme Marie-Ange Jean, mon amie
ramassa sa sacoche et partit en vitesse. Elle n'est pas venue me féliciter
comme l'ont fait mes autres amies. Par la suite, elle est devenue plus
distante et aussi curieuse. Elle aurait voulu savoir ce qui se discutait
à nos assemblées, disant qu'elle pourrait me donner de bons conseils.
Non ! Merci ! Voyant qu'elle ne pouvait rien savoir de moi, elle
s'acharna à d'autres personnes du conseil pour tâcher de leur tirer
quelques mots. Elle est devenue insupportable. Elle avait toujours des
remarques à m'adresser. Ce qui m'a décidée à rompre avec elle, c'est
quand j'ai découvert qu'elle parlait dans mon dos. Elle a voulu
s'expliquer une deuxième fois, je n'ai rien voulu écouter. Pour moi,
c'était bien fini. Je ne lui ai plus jamais adressé la parole depuis.
Cette histoire a duré cinq ans. Il faut que je vous raconte une anecdote. Pendant que j'étais présidente de l'Âge d'or, j'eus à subir une chose épouvantable. Une directrice de mon conseil accusa un directeur qui s'occupait de fournir la liqueur à l'association, de s'être emparé d'une partie du produit. Chose ridicule qui faillit tourner au procès. Un bon jour, en feuilletant mon courrier, je découvris une lettre d'avocat, elle venait de notre directeur en question. Il a fallu se procurer un avocat pour défendre notre cause. Toutes les réunions que ça nous a occasionnées. Notre directeur alla jusqu'à passer par les maisons pour faire signer une pétition contre l'Âge d'or. Ça a fait délier bien des langues. Moi qui n'aime pas les chicanes, j'en avais par-dessus la tête. C'était l'enfer ! Jusqu’à amener un avocat avec lui pour assister à une réunion spéciale, mais nous ne l'avons pas accepté. J'étais bien découragée. Alfred me disait: "À ta place, je démissionnerais." Mais j'ai tenu bon. Heureusement cette histoire s'est bien terminée. Notre directeur démissionna et se retira de l'Âge d'or et la note fut payée par notre directrice. Quel soulagement ! Un
an après notre entrée dans l'Âge d'or, c'est-à-dire en 1975,
Raymond, qui était le dernier des garçons et le dernier de la famille,
nous annonça son intention de se marier avec Liliane Gagnon. Le projet
se réalisa en juillet de la même année. Le mariage eut lieu à
St-Fabien et la noce à Rimouski. Les
mariés sont allés élire domicile à Chicoutimi où Raymond avait son
travail. Lorsqu'on fêta sa vie de garçon, je me rappelle qu'en voyant
mon fils attaché les bras en croix à un poteau, j'eus un pincement au
cœur. Pour ce qui est de la noce, je n'ai gardé que de bons souvenirs. Cette
même année marquait notre quarantième anniversaire de mariage que
l'on n’oublia pas de souligner. Une adresse fut lue par Normand.
Jacques et Guylaine, petit-fils et petite fille, nous présentèrent des
gages. Une bourse nous fut remise. La fête se continua par un repas au
restaurant qui nous permit de fraterniser autour d'une table. Ce sont
des jours inoubliables et qui font chaud au cœur. L'année se passa sans incident et tout allait pour le mieux. Mais, hélas ! ce bonheur ne dura pas longtemps. Ce jour du 26 juillet 1976, dont je me rappellerai toujours, nous étions allés passer l'après-midi chez mon frère à St-Mathieu. De retour à la maison, après le souper, mon mari sentit une douleur à l'estomac. Comme nous étions supposés aller à l'office de l'Armée de Marie, mon mari me dit : "Vas-y, occupes toi pas, je vais prendre un soda et ça va se passer". J'y suis allée mais je n'ai rien entendu, je ne pensais qu'à mon mari. Je regrettais d'être venue. Je pensais à l'infarctus qu'il avait fait en 1971. J'étais vraiment préoccupée. Dès que ça a été fini, je sortis la première. En arrivant, je jetai un coup d'œil vers sa chaise, il n'y était pas. Je courus à ma chambre et le trouvai étendu sans vie. Imaginez ma surprise ? J'en fus peinée, ceci a fait un tel effet sur moi. Je ne pouvais m'arrêter de pleurer. Je m’éveillais en pleurant. Je n'aimais plus la vie. Je n'y trouvais plus rien de beau. Je ne voulais voir personne. Je ne sortais que pour faire mon marché et aller à l'église et quand je revenais, je me dépêchais pour n'avoir à parler à personne. J'étais devenue sauvagesse. Pendant
la nuit, je m'éveillai couchée sur le dos et bien consciente. Je
sentis un vent qui partit de la tête et se rendit jusqu'aux pieds. Ce
matin-là, je m'éveillai sans larmes et c'est à partir de ce jour que
j'ai décidé de me prendre en main. J'ai continué à habiter le même
logement. Il m'a fallu vendre la voiture, encore une plaie au cœur.
Pour oublier, je suis entrée dans les nouvelles organisations, telles
que : Auxiliaires bénévoles, Filles d'Isabelle, pastorale, etc. Je me
fis de nouvelles amies. Comme
j'étais présidente de l'Âge d'Or, poste que j'ai occupé pendant dix
ans, j'organisais deux voyages par année et j'en faisais avec d'autres
organisations, si bien que j'ai visité toutes les provinces du Canada y
compris St-Pierre Miquelon. Je suis allée en Europe et six années consécutives
à Miami. De
tous les voyages que j'ai faits, il y en a un qui m'a le plus marquée.
C'est celui que j'ai fait en l'an 1986, en Yougoslavie, alors que
j'avais 78 ans. L'organisateur du voyage ne voulait pas croire que
j'avais 78 ans, il disait que j'étais trop alerte pour cet âge. Pour
faire le voyage, il a fallu faire six heures d'avion. C'était un avion
où on nous donnait beaucoup de service. Je
suis partie en compagnie d'une dame de Baie des Sables. C'était une
bonne compagne. Elle avait un rire communicatif. Lorsqu'elle riait, tout
le monde riait avec elle, mais elle avait de drôles d'habitudes, le
soir quand il faisait froid, elle se couchait toute nue, les soirs les
plus froids, car il n'y avait pas de système de chauffage dans les
chambres en Italie, elle se couchait avec les Penman's 32 de son défunt
mari. Si nous avions été deux témoins, nous serions mortes de rire. Lorsque nous sommes arrivés, on nous conduisit dans une ville dont j'ai oublié le nom. Le terrain était planche mais de chaque côté, c'était la montagne. Pour aller à leur résidence, les propriétaires avaient un petit chemin tracé dans la montagne. C'était un site montagneux. Dans la campagne, les chemins passaient dans la montagne. Là où il y avait du monde, les gens étaient logés le long des lacs où ils pouvaient trouver un coin fertile pour faire surtout la culture de la vigne. La nourriture était différente de la nôtre, surtout moins bonne. On ne nous présentait pas de soupe, les viandes n'étaient pas très bonnes, étant apprêtées de manière différente, mais il y avait toujours un gros bol de fruits sur la table. Si on désirait du café ou du thé, il fallait aller le chercher au comptoir et payer un surplus. Nous
sommes allés à Rome, place Saint-Pierre, nous n'avons pas donné la
main à Notre Saint-Père le Pape, mais il est passé tout près de
nous. Nous sommes allés à la messe en la Basilique Saint-Pierre. La
place qui m'a le plus impressionnée, c'est Medugorje, où nous sommes
restés deux jours. J'ai été frappée par la dévotion des gens. Ils
arrivaient aux offices le chapelet à la main. Il y en avait même qui
l'avaient autour du cou. Entre les offices, il y en a qui restaient dans
la cour de l'église et récitaient le chapelet. À les voir, ça nous
faisait réfléchir. La
Vierge apparaissait dans le chœur de chant de l'église. Avant
les apparitions, les voyants étaient éblouis par trois nuages lumineux
et la Vierge apparaissait. Les apparitions duraient environ 7 minutes.
Les fidèles dans l'église voyaient passer des éclairs. Dehors, on
pouvait aussi les voir à travers les vitrails du chœur. Un après-midi
que nous étions tous alignés près du magasin de souvenirs, attendant
notre tour, une dame s'écria: "Regardez le soleil est grand et
tout blanc, il ressemble à une grande hostie." Les
apparitions existent depuis 1981, le système hôtelier s'est développé
à cause des apparitions. La montagne des apparitions est une petite élévation
de terrain aride pleine de buissons d'épines et de grosses pierres
blanches. Les conditions de marche sont très pénibles, c'est ce qu'on
m'a dit et je n'y suis pas allée car il avait plu la veille, comme il y
avait une grosse rosée et que j'étais chaussée de sandales. Parlons des voyants. Jakov, le petit qui avait 11 ans au début et qui était orphelin, la Sainte Vierge l'aurait embrassé à son anniversaire. Un jour, comme il aimait le base-ball, il lui aurait demandé si son équipe allait gagner et la Vierge aurait souri. Les 5 autres voyants sont: Marija, Ivan, Miryana, Ivanka et Vicka. Deux autres personnes auraient entendu la Vierge sans la voir, l'une d'elles est étudiante en théologie. Les apparitions continuent toujours. Les pèlerins accourant de partout, il se fait de multiples guérisons, des miracles fabuleux. L'église est toujours pleine à craquer. Les prêtres confessent dans les prés car c'est plein à l'intérieur, c'est très émotionnant. La Vierge demande la confession mensuelle, son message: cesser les rancunes et se convertir.
Les
voyants, au début, étaient empêchés par les autorités de se rendre
à la montagne. La vierge leur donnait rendez-vous à la chapelle ou
ailleurs. Medugorje
est un endroit rural, un village paysan et pauvre. La population est
catholique et parle le croate. Lorsque
je fus opérée la première fois pour une cataracte, je suis revenue
seule à la maison. On m'avait dit qu'il fallait être 15 jours sans se
pencher et sans forcer. Le premier soir, ayant changé mes draps de lit
et m'être couchée, n'ayant pu placer le drap contour comme il se
devait, il descendit. Sans y penser, j'ai forcé pour le remonter et
j'entendis un crac dans mon œil. Je fus très malheureuse et j'ai crié
avec toute la force de mes tripes : "Jésus, fils de David, aies
pitié de moi". Et j'ai fini par me rendormir. Quand
je m'éveillai, j'étais couchée sur le dos et très bien réveillée.
Il se passa quelque chose d'étrange dans mes yeux, c'était différent
pour chaque œil. Je me rendormis à nouveau et le matin, à mon réveil,
je constatai que tout était normal. Dans les épreuves, il faut
s'abandonner au Seigneur qui vient toujours à notre secours. Je lui dis
aujourd'hui un gros merci du fond du cœur. Si j'ai gardé ça en
secret, c'est que j'avais peur que vous ne compreniez pas. |
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15 octobre 2014 Segment
6. Mémoires de Marie-Ange Jean (1986-2000) À
l'automne 1986, le lendemain de l'arrivée de mon voyage en Yougoslavie,
je suis réveillée par le téléphone qui m'annonce que je dois me présenter
à l'hôpital de Rimouski pour être opérée pour mon deuxième œil.
Je m'étais organisée la veille pour faire mon lavage. Je ramasse donc
tout ça et m'organise pour partir à temps. Une fois l'opération
terminée, je retourne, mais cette fois pas chez moi, chez Raymonde qui
a eu l'amabilité de bien vouloir me garder chez elle. J'y
restai pendant 15 jours. Elle prit bien soin de moi. Elle me mettait mes
gouttes chaque soir en plus de m'héberger. Je leur dis encore merci à
Raymonde et à Adéodat pour tous les soins dont ils m'ont entourée. Je
retournai à Trois-Pistoles, heureuse de reprendre mes habitudes. Dans les dernières années de ma présidence, les membres de mon conseil et moi avons fait construire la bâtisse de l'Âge d'or actuelle appelée "Abri doré". Elle est bien à nous, car aujourd'hui, elle est finie de payer. Après tout le trouble et la peine qu'on s'est donnés, nous sommes heureux aujourd'hui de voir que ce geste est apprécié. Environ
six mois après la mort de mon mari, j'ai eu deux téléphones d'hommes
qui voulaient sortir avec moi. Un premier qui venait de Joseph Rioux
lui-même. L'autre a fait faire sa commission par mon beau-frère,
Alfred Côté, c'était Willie Dumont. Ça m'a choquée et je les ai
envoyés balader tous les deux. Environ deux ans plus tard, j'ai
rencontré Willie à une soirée, après avoir dansé avec moi, il s'est
invité à venir me reconduire chez moi. Le long du trajet, il me
demanda pour l'accompagner à la soirée de l'Âge d'or du lendemain.
J'acceptai. Mais rendue chez moi, j'ai réfléchi. Je me suis dit :
"Que vont penser de moi mes compagnes? Elles vont rire de moi
!". Alors, je pris l'acoustique et je me suis trouvée une excuse.
Je crois que s'il n'y avait pas eu de l'Âge d'or, je sortais avec lui.
C'était un beau grand monsieur distingué. Peu
de temps après, à une soirée de l'Âge d'or de St-Éloi, je connus un
certain monsieur Dumont de St-Arsène. Il était de ma grandeur. Il
dansait bien. On ne se rencontrait qu'aux soirées de l'Âge d'or. Tout
allait bien quand un jour il est devenu exigeant. Il me téléphonait
souvent, il voulait m'amener veiller à l'hôtel, chose que je ne
voulais pas. Alors, je l'ai laissé tomber. Avec cette aventure se
terminèrent mes sorties avec le sexe masculin. Nous
sommes en 1983, mes enfants, il y a une chose que je ne vous ai jamais
dite, pour la raison que vous étiez tous loin et que je ne voulais pas
que vous soyiez inquiets et aussi ce n'est pas dans ma nature de me
lamenter. Environ un an après la mort de votre père, un bon jour, je
sentis des malaises à l'estomac. Lorsque je sortais le soir, surtout
l'hiver, l'air frais m'étouffait. Quand je montais l'escalier, rendue
en haut, le cœur me battait si fort que je pensais qu'il allait me
sortir du corps. Je voyais noir et je me sentais mal. Un soir, j'étais
au bingo de l'Âge d'or quand tout à coup je vois noir, je crois que
mon cœur s'est arrêté une seconde. J'ai
consulté un cardiologue qui m'examina, me fit faire du tapis roulant et
me dit que je faisais de l'angine. Je suis allée au Cénacle de Cacouna
me recommander à Sœur Yolande, une religieuse très forte
spirituellement. Elle pria sur moi et dit : "C'est pas votre cœur
qui est malade, c'est votre artère droite du cœur qui est bouchée."
Après, elle fit des prières sur toute l'assemblée et dit : "Il y
a une personne parmi l'assemblée dont l'artère droite du cœur est
bouchée, elle est guérie en ce moment, elle va se reconnaître par une
chaleur qui se produit le long de son artère." J'ai senti cette
bonne chaleur. Depuis ce jour, plus de trouble du côté du cœur. Je
suis bien heureuse et me porte bien. Je remercie Dieu de tout mon cœur.
Je pense que vous serez heureux vous aussi. J'ai
vécu seule en logement pendant 14 ans. Le 1er décembre 1990, j'entrais
pensionnaire au Centre d'accueil Jésus-Marie. J'habite une magnifique
petite chambre du côté sud de la bâtisse, j'ai une sortie à l'est,
une fenêtre au sud, ce qui la fait très éclairée. Je l'ai baptisée
"mon petit nid d'amour". Si j'y vis heureuse, c'est grâce à
la participation de Violette et Normand qui m'ont apporté leur aide
tant en décoration que pour le déménagement. Je leur dis mille mercis
du fond du cœur. Ce
15 juin 1990, nous avons eu le malheur de perdre un des nôtres, Richard
Leblond, le mari de Denise qui mettait fin à ses souffrances. Nous
gardons de lui un bon souvenir. C'était un homme ayant beaucoup
d'esprit de famille, affectueux et reconnaissant. Je l'aimais bien !
J'ai gardé toutes ses petites lettres en souvenir. Après
la peine, le plaisir, puisque 8 jours après les funérailles du 15 juin
1990, se mariait mon premier petit-fils, Daniel Robillard, avec
Charlaine Sirois de Baie-Comeau. Ce fut un grand plaisir pour moi
d'assister au mariage et de suivre la noce. Je suis revenue enchantée
de mon voyage. Je leur souhaite des jours heureux. Cependant,
en ce jour du 14 septembre 1993, un événement est venu assombrir mon
bonheur, ce jour-là, je faillis perdre la vie. Lorsque j'allais par
affaires à Rimouski avec deux de mes compagnes, Mme Alice Rioux et Mlle
Irène Dubé. Nos affaires complétées, nous revenions toutes
heureuses, quand Mme Rioux, qui conduisait la voiture, eut un malaise et
traversa la rue pour aller s'arrêter dans le fossé après deux poteaux
de signalisation. Les roues avant de la voiture tombèrent dans le fossé
et celles d'en arrière retombèrent sur le chemin, cela produisit un
tel choc que je pensais que j'avais le dos ouvert. Heureusement, je ne
me fis que de légères plaies aux coudes. On
eut du secours sur-le-champ, on nous transporta à l'hôpital de
Rimouski où on nous donna les soins appropriés. Comme je n'avais rien
de grave, on me permit de sortir le soir même. Je sentis du mal à
l'estomac et au dos pendant un mois. J'ai été chanceuse et privilégiée
à côté de mes compagnes qui vont en porter des séquelles toute leur
vie. Merci à Dieu, le plus grand protecteur. À
l'hôpital, lorsqu'on m'emmena aux rayons X, je voyais les cadres le
haut en bas et je voyais les gens qui me semblaient marcher dans le haut
de la cloison, ça me faisait tellement drôle. Le soir de mon
hospitalisation, vers 8 heures, on me dit que je n'avais rien de grave
et que je pouvais m'en aller. Comme je n'avais plus de robe pour
m'habiller, parce qu'on l'avait coupée pour me l'enlever. Je téléphonai
à Raymonde pour lui raconté ce qui s'était passé et lui dire de
m'envoyer des vêtements. Adéodat arriva quelques temps après avec ce
qu'il fallait. Il resta surpris en me voyant à l'hôpital, les lunettes
toutes croches et un peu ébranlée. Il m'amena chez lui et, au coucher,
ils prirent bien soin de moi. Ils placèrent une petite table tout près
de mon lit. Adéodat alla
chercher une sonnette qu'il mit sur la table pour appeler si nécessaire
pendant la nuit. Le lendemain, il m'amena à Rimouski pour examen
d'usage. J'ai
aussi failli perdre la vie à l'âge de 14 ans. J'étais avec Alphonse
Hammond, qui est Père Oblat de Marie aujourd'hui, nous ascensions les
grosses côtes du troisième rang de St-Fabien, quand tout-à-coup la
bride cassa, le cheval prit le mors aux dents. Après nous avoir fait
faire environ trois milles, il alla nous verser dans le fossé. Je
voulais sauter, Alphonse me dit : "Ne sautes pas, disons plutôt
notre acte de contrition." Je m'en suis tirée avec des douleurs
aux genoux. C'est être chanceuse ! En
décembre 1993, j'eus le plaisir d'assister au remariage de ma fille
Denise avec André Robitaille, un type charmant qui saura la rendre
heureuse, j'en doute pas. Ils se marièrent le 28 décembre à l'église
de Ste Pétronille, à l’Île d'Orléans, à 5 heures du soir et il
faisait très froid. Le souper et la soirée ont eu lieu chez son garçon
Pierre, également de l’Île d'Orléans. Nous avons pris un bon souper
et passé une belle veillée. Je me souviendrai toujours. Je leur
souhaite d'être heureux tout au cours de leur vie. Depuis
que je suis au Centre d'Accueil Jésus-Marie, la vie est belle quoique
je n'aime pas la routine. Je m'accommode bien de l'ambiance, entourée
de mes amies qui égaient mes journées. Par les beaux jours de soleil,
nous occupons les balançoires où nous discutons de tous les événements.
Les jours, les semaines, les années même passent trop vite. Mes amies
sont charmantes, je les considère beaucoup. Nous ne faisons pas que
nous balanciner, nous sortons aussi. Le
premier lundi du mois, un autobus nous prend pour nous amener au Centre
d'Achats des Galeries de Trois-Pistoles. Nous avons 2 heures pour faire
nos affaires. En d'autres occasions, nous y allons à pied. Après s'être
assises à une table et avoir dégusté un bon café, nous repartons
satisfaites et heureuses. Cependant,
je me permets, accompagnée d'une amie, de faire de plus long voyages.
Je les choisis de un ou deux jours. Depuis que je suis ici, j'ai fait 5
de ces petits voyages. Je me contenterai de vous parler que des deux
derniers. C'était
en juillet 1997, Sœur Thérèse Parent organise un voyage pour
Ste-Anne-de-Beaupré. Nous sommes allés coucher au Couvent des Sœurs
de Jésus-Marie à Sillery. Le lendemain, après avoir pris un bon déjeuner
et remercié nos hôtes, nous continuons notre chemin vers Ste-Anne. Là,
après avoir prié, nous quittons pour le dîner. Le soir, nous allons
à la Basilique de Québec pour voir un spectacle appelé "Le feu
sacré" au cours duquel on nous raconte les premiers temps de la
colonie. J'étais anxieuse de voir ce qui allait se passer quand tout à
coup le spectacle commença en nous jetant dans le noir pour ensuite
nous éblouir par ses lumières, ses formes et ses couleurs qui se succédaient
sans cesse, décorant ainsi la pièce de différents modèles. Nous
étions encore sous l'effet de la surprise, quand nous voyons soudain
apparaître un buste d'homme qui semble se tenir comme ça, sans rien,
dans les airs. Parfois, il s'approche de nous, il nous parle des
premiers temps de la colonie. C'était magnifique. Je vous souhaite
d'aller le voir, ça en vaut la peine. Mon
deuxième voyage, les 25 et 26 juillet 1998. Nous sommes parties, ma
compagne Mme Éva Pelletier et moi, à 6 heures du matin rejoindre le
groupe. Le premier arrêt se fit dans un restaurant de Lévis pour déjeuner.
À midi, dîner au resto "L'Inter Pub" (Tony Pizzeria) à Québec.
Arrivée à la ville de La Baie à 2 heures pour un spectacle "Son
et lumières", le bal des lasers. Très beau avec ses jets de lumières
multicolores et aussi très captivant. Nous sommes allés souper au
restaurant Le Napoléon à Chicoutimi. Retour au théâtre municipal de
La Baie pour assister au spectacle "La Fabuleuse Histoire d'un
Royaume" qui dura trois heures. Ce fut formidable. Retour pour le
coucher à l’hôtel Chicoutimi. Le
lendemain, déjeuner à la salle à manger de l'hôtel pour ensuite se
rendre vers 10 heures au Brunch Spectacle Paris Folies à l'hôtel Le
Saguenéen. C'était de toute beauté de voir toutes les couleurs des
costumes et ces acteurs si bien disciplinés nous présenter la danse de
divers pays. Après
avoir visité la ville de Chicoutimi, vu la petite maison blanche et
constaté le changement apporté, qui est très bien réussi, on oublie
le déluge. On
se dirige ensuite vers le quai de St-Siméon pour prendre le traversier,
souper à bord et arrivée vers 9 heures, enchantées de notre voyage. C'était
le 1er août 1998, lorsque je recevais tous mes enfants à l'occasion de
la fête dite : "Fête des Jean". Ceux-ci m'ont causé une agréable
surprise. Surprise que je n'oublierai jamais et qui m'a fait chaud au cœur.
On a souligné à cette occasion, mon 90e anniversaire de naissance. Ils
ont un peu devancé le temps, c'est comme ça qu'ils m'ont eue, je ne me
doutais de rien, moi, j'allais à la fête des Jean, point ! Quand
Normand me dit : "Maman, voulez-vous venir vous asseoir ici".
Il me fit installer sur un fauteuil en avant de la salle. Je me
demandais bien ce qu'il voulait faire. Il annonça alors mon
anniversaire, j'eus droit à mes chansons préférées interprétées
par une chorale improvisée. Jacques, le plus vieux de la première génération,
m'a lu une adresse. Suivi de Marie-Claude de la deuxième génération
et un bouquet de fleurs me fut présenté par Jennifer, arrière-petite-fille.
Jusque-là, j'ai pu retenir mes larmes, mais lorsque Patricia vint
m'offrir une magnifique mosaïque qui représente toutes les familles de
mes enfants avec leur progéniture alignées les unes à côté des
autres, j'ai fondu en larmes. Elle occupe la première place sur le pan
sud de ma chambre de manière à ce que je vous vois tous à mon réveil. Je
ne doutais pas de votre amour, mais ce geste me le prouve davantage. Je
vous félicite et vous dis un gros merci. C'était agréable de voir
tous mes petits enfants participer à la fête. Je les sentais heureux
de me prouver leur amour. Malheureusement, deux de mes petits enfants étaient
absents, Dominique et Dany, retenus par le travail qui auraient bien aimé
être présents. J'ai beaucoup aimé la présence des enfants d'André,
j'étais heureuse de voir qu'ils aimaient se joindre à nous et me
prouver eux aussi leur amour. Nous
sommes au premier de l'an 2000. J'avoue que je fus surprise de voir que
j'étais bien là, moi qui pensais ne jamais voir même le début de
cette année qui a tant fait parler le monde. On nous annonçait des
surprises. Il fallait changer les choses, tout mettre en ordre pour la
recevoir, avec ça ils nous ont fait peur. On avait hâte de la voir
arriver mais avec un peu de crainte. Elle
nous est arrivée tranquille, paisible, pas de différence avec les
autres années si ce n'est qu'on l'a appelée année sainte, année
jubilaire, c'est pourquoi on a organisé un grand jubilé à Rome et on
doit se faire un devoir de prier pour le succès de ce jubilé. Cette
année m'a amenée à vivre encore une fois la fête dite "fête
des Jean". Cette fois on l'a fêtée sur la Côte Nord chez Gervais
où on a été reçu avec chaleur et amabilité. À l'exception de
quelques-uns retenus au travail, la famille était heureuse de se
rencontrer là joyeuse et tout participait au bonheur, la nature, la
mer, le jeu de balle sur le sable, les promenades au bord de la mer. Le
vendredi soir, nous étions réunis autour d'un feu sur le bord de la grève,
chacun y allait d'une histoire, d'un jeu, on se taquinait, on riait et
on était heureux. Le samedi soir, nous étions tous réunis autour
d'une table, c'était le repas spécial de la fête. Quelle joie j'ai
ressenti en voyant tous mes descendants réunis autour de moi.
Croyez-moi, je vous ai tous trouvés beaux et fins. Vous resterez dans
ma mémoire. Je dis un gros merci à Normand, Huguette et Gervais qui
ont organisé la fête. Merci pour le beau gâteau qu'on m'a présenté
pour souligner mes 92 ans. Merci à mes enfants, petits-enfants et arrières
petits-enfants de leur présence. J'ai adoré les petits qui ont chanté. Pour
continuer la soirée, il y eut de la danse, des jeux, des histoires.
Merci à Luc qui nous a fait rire aux larmes. Cette fête qui fut si
bien réussie restera gravée dans ma mémoire. On se quitta à regret.
Je félicite de tout cœur Huguette et Gervais pour leur hospitalité et
leur générosité. Dans
ma vie, il y a eu des jours sombres, il y a eu aussi beaucoup de jours
ensoleillés qui ont compensé. J'ai fait une vie heureuse. Je remercie
Dieu pour le bon mari qu'il m'a donné et les enfants qui ont fait mon
bonheur, que j'aime et qui m'aiment. Je me souviens des beaux jours que
nous passions ensemble lorsque vous étiez tous à la maison paternelle. Mes
enfants, je vous dois reconnaissance pour m'avoir aidée après la mort
de mon mari. Vous ne m'avez pas laissée tomber. Vous m'avez encouragée.
Vous m'avez reçue et gâtée chacun à votre tour, à votre manière,
ça me donnait du courage, surtout les premières années. Je revenais
encouragée. Il y avait plus d'espoir dans ma vie. Je vous dis un gros
merci à chacun de vous. Si j'ai fait dans ma vie quelque chose qui a pu
vous causer de la peine, croyez-moi, c'était involontaire. Je vous
demande de me pardonner. À
mes petits-enfants que j'aime tant, je me vois dans l'obligation de vous
dire "au revoir". Je ne vous oublierai pas là-haut. Essayez
d’être honnêtes et respectueux envers les liens qui unissent la
famille et la société. Les
jours qu'on a passés à rire, à pleurer tous ensemble, toutes ces années,
il faut aujourd'hui s'en séparer. Tout a passé si vite. C'est
maintenant le temps de se dire "Au revoir". Je vous quitte
pour un nouveau départ, une nouvelle vie va commencer. Une page va se
tourner. Quand
j'ai écrit ces lignes, j'étais en parfaite santé. Dans mon cœur, je
revivais ces scènes, je me sentais jeune. Je serais prête à reprendre
cette vie, mais "à la moderne". Nous
nous reverrons au ciel. Votre mère qui ne vous oubliera pas, même en
paradis. Voici le résumé de la vie de Marie-Ange Jean, 92 ans. Au
revoir mes chéri(e)s. Marie-Ange
Jean Trois-Pistoles,
31 décembre 2000 André
Robitaille Sainte-Foy,
le 31 décembre 2000 |
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