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Les charleries

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Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives.

Charles-É. Jean

Souvenirs

# 4640          15 janvier 2019

Ma confirmation

Chez les catholiques, selon le catéchisme de 1944, « la confirmation est un sacrement par lequel nous recevons le Saint-Esprit, qui nous donne la force de confesser notre foi sans crainte, et de mener une vie sainte malgré les obstacles que suscite le démon ». Ce sacrement doit être donné par un évêque. Celui-ci « étend les mains sur les confirmands, prie le Saint-Esprit de descendre sur eux, fait sur leur front une onction en forme de croix avec le Saint-Chrême, et leur donne sur la joue un petit soufflet, en disant : Que la paix soit avec vous ».

 

C’est en lisant un compte-rendu d’une cérémonie de confirmation dans une édition du Progrès du Golfe que je me suis souvenu de quelques détails de ma propre confirmation. Dans son journal, ma mère avait écrit que j’avais été confirmé le 31 mai 1949. Or, le Progrès du Golfe  parlait justement de la cérémonie du 31 mai à Saint-Mathieu-de-Rioux.

 

Ce jour-là, 144 jeunes de 6 à 10 ans de la paroisse sont confirmés alors que Saint-Mathieu compte environ 1100 habitants. Les confirmands représentent environ 13 % de la population. J’imagine que l’église était bondée.

 

Avant la cérémonie, l’abbé Fortunat Blanchet qui est temporairement assistant du curé Louis-Joseph Lavoie réunit les jeunes des rangs à la salle paroissiale pour leur expliquer le déroulement de la cérémonie. Il en profite pour nous rappeler qu’il faut toujours se tenir droit et de ne pas se laisser distraire même si nos parents ne sont pas à côté de nous.

 

Dès l’entrée dans l’église, les garçons devant être confirmés sont placés du côté de l’épitre, soit du côté sud. C’est impressionnant de voir le nombre de prêtres dans le chœur. Pour éloigner mon stress, je me mets à les compter.

 

Le temps venu, je m’avance timidement vers l’évêque dont les habits royaux m’impressionnent au plus haut point. Ce dernier me dit quelque chose que je ne comprends pas. J’ai probablement répondu Amen, comme l’assistant nous l’avait recommandé. J’ai trouvé la cérémonie très longue.

 

Pour les paroissiens de Saint-Mathieu-de-Rioux, cette visite de l’évêque était toujours attendue. En plus, cette fois-ci, Mgr Georges Courchesne, premier archevêque de Rimouski, était accompagné de Mgr Charles-Eugène Parent, un fils de la paroisse. Mgr Courchesne en a profité pour décerner des certificats de mérite à quatre personnes de la paroisse et pour bénir des immeubles.

 

L’archevêque est décédé un an plus tard, soit le 14 novembre 1950, pas longtemps après l’incendie qui a détruit une bonne partie de la ville de Rimouski.

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# 4465          1er octobre 2018

Marche au catéchisme

À l’époque, marcher au catéchisme voulait dire suivre des cours de religion de la part du curé. C’est un peu comme si le prêtre n’avait pas confiance aux enseignements des religieuses et des institutrices.

 

Par rapport à l’ancien temps, la coutume avait un peu changé. Du temps du chanoine Lionel Groulx, né en 1878, la marche au catéchisme préparait à la première communion dite petite communion. À mon époque, en septième année, c’était le temps de marcher au catéchisme pour faire sa communion solennelle.

 

Le curé Alfred Bérubé décide de donner des cours l’avant-midi seulement et ce pendant quatre semaines consécutives. Vu la distance de la maison au village, je ne peux pas aller à l’école les après-midis. Je demeure chez tante Candide avec mon grand-père Émile Théberge. Je couche au deuxième étage chez l’oncle Georges Théberge, le frère de ma mère.

 

La marche au catéchisme commence le lundi 23 février 1953. Avant de partir de l’école, le vendredi de la semaine précédente, Marie-Rose Boulanger, mon institutrice, m’a donné des travaux en catéchisme, évangile, grammaire, mathématiques, anglais, histoire du Canada, géographie et comptabilité. Pendant les après-midis, je réalise ces travaux et écrit les détails dans un cahier.

 

J’en profite pour faire ma comptabilité. Le 22 février, j’ai 29 ¢. Avant de partir le 23, ma mère me donne 8 ¢. Le 24, je m’achète un cahier au coût de 3 ¢ à La Familiale. C’est le cahier où j’ai écrit ma planification et mes travaux scolaires. J’ai toujours conservé ce cahier.

 

J’achète aussi une boîte de mines à crayons pour 5 ¢. Le 25, tante Candide me donne 1 ¢ pour une commission. J’ai alors 30 ¢. Le 2 mars, ma mère me donne 96 ¢. Le 4 mars, je vais à la Caisse Populaire et je dépose dans mon compte tout mon avoir, soit 1,26 $. Le 12 mars, tante Jeanne me donne 5 ¢ pour une commission. Le 16, ma mère me donne 5 ¢.  Le lendemain, j’achète un petit catéchisme au coût de 4 ¢.

 

Quand je termine ma marche au catéchisme, j’ai la somme mirobolante de 6 ¢ en poches. Pendant tout ce temps, comme on peut le constater, je n’ai acheté ni friandises, ni liqueur, pourtant il y a une salle de billard en face de mon foyer d’accueil et on y vend toutes sortes de friandises.

 

Les cours se donnent dans la sacristie. Les garçons sont du côté sud et les filles du côté nord. Je remarque que, de façon générale, les jeunes du village sont mieux habillés que ceux de la campagne. D’autant plus, que certains semblent nous snober, nous les jeunes des rangs.

 

Il n’y a pas de bureau dans la sacristie. Lors des examens, il faut se trouver un endroit de fortune pour répondre aux questions comme utiliser les bancs en se mettant à genoux, ou encore s’accoter sur l’un des deux autels qui sert aux prêtres pour se préparer à la messe.

 

Nous sommes 64 jeunes à marcher au catéchisme. En première année, 21 garçons et 19 filles ; en deuxième année, 13 garçons et 11 filles. Parmi mes cousins, on retrouve Réjean Dionne, fils de Thérèse Théberge, Paul-Armand Ouellet, fils de Lucienne Théberge, Claude Thibault, fils de Candide Jean. Une seule cousine est avec nous : Pauline Dionne, frère de Réjean.

 

Après ma communion solennelle le 25 mars 1953, je retourne à l’école du rang 5.

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# 4440          16 septembre 2018

Travaux de jeunes

La télévision diffuse de temps à autre des reportages où des jeunes de 10 à 12 ans travaillent dans des usines ou dans des mines dans des conditions épouvantables qui menacent leur santé et leur sécurité. Cela arrive particulièrement en Chine.

 

Personnellement, étant fils de cultivateur, comme beaucoup d’autres, j’ai commencé à travailler à 10 ans de façon plus intense. Plus jeune, j’étais invité à de menus travaux comme aller chercher les vaches, découper des pommes de terre pour la semence, fouler le foin, faire des commissions, mais ce n’était que pour une période limitée.

 

Ma mère a toujours tenu à ce que les travaux exécutés se fassent dans la sécurité et sans porter atteinte à notre santé. Quand c’était le temps de l’école, pour elle, c’était sacré. Je ne me souviens pas d’avoir manqué un seul jour de classe pour travailler sur la ferme. Quand arrivait le ramassage des pommes de terre, à l’automne, ma mère profitait de notre retour de l’école ou du samedi pour nous inviter à participer à cette opération.

 

À partir de 10 ans, nous étions réquisitionnés pour sarcler les fraisiers, ramasser des fraises et des framboises dans les champs, racler au petit râteau le foin après que mon père eût, de sa fourche, envoyé les veillottes de foin dans la charrette.

 

À cette époque, nous envions les jeunes du village qui n’avaient pas à travailler sur une ferme. Parfois, j’aurais aimé me dispenser des travaux qu’on me demandait. Si je le disais à ma mère, elle prenait le temps de m’expliquer leur importance pour la subsistance de la famille.

 

Par ailleurs, devant mes frères et mes sœurs, je ne voulais pas passer pour un paresseux. En même temps, quand je voyais le travail énorme que ma mère affrontait sans jamais rechigner, je ne voulais pas lui faire de peine.

 

Quand ma mère voyait que nous étions trop fatigués, elle nous donnait congé. Mon père, qui était loin d’être pédagogue comme ma mère, ne se souciait pas de cela. Il semblait croire que notre résistance au travail était comme la sienne. Il semblait croire que nous étions aussi en forme que lui, étant donné qu’il n’avait jamais cessé, depuis son enfance, de travailler de ses bras.

 

Du temps où j’allais au collège, je participais aux travaux de la ferme seulement en été et pendant les vacances de Noël. À quelques occasions, j’ai aidé au battage du grain qui se faisait sur le fenil de la grange au début de janvier. Par exception, les conditions de salubrité étaient exécrables. La poussière accumulée dans les tiges de céréales finissait par nous faire tousser et nous étouffer. Le mouchoir devenait rapidement gris.

 

À partir de 14 ans, j’étais responsable, entre autres, de ramasser le foin au grand râteau tiré par un cheval. C’est une expérience que j’ai adorée. La dernière année où j’ai travaillé sur la ferme, c’est à l’été 1959. J’avais 18 ans.

 

Avec le recul, je ne regrette pas d’avoir fourni tout ce travail, car cela a été une expérience précieuse.

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# 4370          26 mai 2018

Mes oncles et tantes Théberge

J’ai eu la chance de bien connaître les frères et les sœurs de ma mère parce que, sauf Antonio, ils ont toujours vécu à Saint-Mathieu-de-Rioux. Leurs parents étaient Émile Théberge et Marie-Luce Ouellet. Je vous présente brièvement mes oncles et mes tantes :

 

Il y a eu Léo, l’ainé de la famille. Il montrait un air sérieux. Il a travaillé la plus grande partie de sa vie au magasin général de Lucien Ouellet comme commis. Il a été secrétaire de nombreux organismes. Son épouse Lucie D’Auteuil était une personne dynamique. Elle a rendu de nombreux services à la communauté en conseillant les gens dans leurs transactions et en étant gérante d’une succursale locale de la Banque canadienne nationale.

 

Il y a eu Marie-Ange que je n’ai pas connue. Elle a travaillé comme commise au magasin coopératif à ses débuts. Elle est décédée d’un cancer à l’âge de 35 ans.

 

Il y a eu Antonio, prêcheur talentueux. Il était profondément religieux. Il s’est dévoué dans plusieurs associations dont le Cercle Lacordaire. Il a été gérant du magasin coopératif pendant plusieurs années. La vie ne l’a pas gâté. Il a perdu sa première épouse Adrienne Théberge lors d’un accouchement, lui laissant neuf enfants. Sa deuxième épouse, Gertrude Thériault, a eu deux enfants et est décédée à 50 ans. Il a conclu un troisième mariage avec Rose Dumont.

 

Il y a eu Candide qui avait peu d’autorité avec les enfants et qui est demeurée catherinette. Elle a pris soin de son père pendant plusieurs années. N’ayant pas d’enfant, elle relevait souvent ses sœurs. (Relever est un terme québécois qui signifie s’occuper de la maisonnée quand la femme a accouché. Les anciens disaient « arlever ».

 

Il y a eu Lucienne, femme digne et élégante, ma marraine. Elle a épousé Édouard Ouellet et a été femme de cultivateur.

 

Il y a eu Thérèse, ancienne institutrice. Elle a épousé Roland Dionne qui a d’abord été cultivateur, puis qui a travaillé pour la compagnie Dionne & Dionne dont les propriétaires étaient ses frères.

 

Il y a eu Maurice, homme généreux qui a été sacristain, chantre et directeur de chorale. Il a gagné sa vie en faisant divers travaux, par exemple, comme barbier et comme concierge de l’école. Il a épousé Lucille Lavoie, une musicienne accomplie.

 

Il y a eu Georges, homme d’allure sévère. Il a hérité de la terre paternelle située près de l’église. Il a été de la quatrième génération sur cette terre. Il fut brièvement maire. Il a épousé Jeanne Parent, une ancienne institutrice.

 

Il y a eu Gabrielle, femme sympathique et ambitieuse. Elle a épousé Paul-Émile Bérubé et a été épouse de cultivateur.

 

Il y a eu Bernadette que ma mère appelait la petite Bernadette. Elle est décédée à 4 ans.

 

Émile Théberge et Marie-Luce Ouellet ont eu 63 petits enfants dont deux sont décédés en bas âge. C’est un héritage remarquable. Un tel portrait de famille ne se reverra pas de sitôt si la tendance se maintient.

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# 4335          5 mai 2018

Paul-Émile Bérubé

Paul-Émile Bérubé est né au rang 5 de Saint-Mathieu-de-Rioux le 14 novembre 1918, soit trois jours après la fin de la Première guerre mondiale et deux jours après le dernier décès dû à la grippe espagnole dans la paroisse. La dernière personne décédée de cette terrible maladie l’a été le 12 novembre. Il s’agissait d’Aurore Théberge, épouse de Cyprien Plourde du rang 5, et tante de la future épouse de Paul-Émile Bérubé.

 

Paul-Émile Bérubé est l’aîné d’une famille de cinq enfants. Son père Alfred Bérubé a une terre au rang 5 entre les anciens lots de Léon Vaillancourt et d’Émile Plourde. Sa mère est Aimée Ouellet qui est la fille de Joseph Ouellet et d’Éva Bérubé. Joseph Ouellet est le fils d’Étienne Ouellet qui est un de mes ancêtres du côté maternel.

 

Quand j’avais 6 ans, Paul-Émile qu’on appelait Timile est venu veiller chez mes parents. Après deux ou trois visites assez rapprochées, j’ai demandé à ma mère pourquoi il venait si souvent. Ma mère a répondu : « Monsieur Timile fréquente ma sœur Gaby (Gabrielle). Ils vont se marier bientôt. »

 

Pour le dîner de noces, tante Candide voulait décorer la table des guirlandes d’arbustes. Ma mère a offert de lui en procurer. Un dimanche après-midi, une semaine avant le mariage, après un refus, mon père a accepté que j’aille avec lui recueillir les précieuse guirlandes. J’étais très content.

 

Le mariage a eu lieu en l’église de Saint-Mathieu-de-Rioux le 19 juin 1948. Timile avait 29 ans et Gaby 27 ans. J’avais un nouvel oncle.

 

En 1951, l’oncle Timile a acheté une camionnette. Il a fabriqué trois bancs qu’il a placés dans la boîte arrière. Il a offert à mes parents et à d’autres familles de les transporter pour la messe du dimanche. Pendant cet été-là, le boghei de mon père a été remisé. Nous sommes allés à l’église en véhicule motorisé. Nous étions une bonne dizaine de personnes, enfants et adultes, dans la boîte arrière. L’été suivant, mon père a acheté une camionnette.

 

L’oncle Timile avait un lot à l’est du rang 5 non loin de Saint-Eugène. Son père avait construit sur ce lot une résidence qu’on appelait chalet. Il l’avait fait pendant la Deuxième guerre mondiale pour éviter à ses trois fils d’être enrôlés. Le chalet servait de cachette lorsque des rumeurs que la Police montée était dans les parages à la recherche de jeunes hommes pour aller à la guerre. Pendant l’été, il m’est arrivé d’aller cueillir des fraises sur ce lot.

 

Son frère Étienne est décédé le 6 février 1945 à l’âge de 22 ans. Ses deux sœurs Marie, épouse de Lucien Lagacé et Madeleine, épouse d’Émilien Vaillancourt, sont décédées le 20 décembre 1954 accidentellement à la traverse à niveau du chemin de fer de Saint-Simon. Marie avait 30 ans et Madeleine, 28 ans. Son frère Réal est décédé le 23 décembre 2017 à l’âge de 97 ans et 6 mois.

 

L’oncle Paul-Émile était un  passionné de la forêt. Il y travaillait encore quand il était octogénaire.

 

Gabrielle Théberge décède le 26 juin 2005 à l’âge de 84 ans et 6 mois. Paul-Émile Bérubé décède le 28 août 2016 à l’âge de 97 ans et 9 mois.

 

La photo montre la famille Bérubé-Théberge à la cabane à sucre vers 1964.

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# 4300          17 avril 2018

Mes emplois d’été

J’obtiens mon premier emploi d’été à l’âge de 11 ans en 1952. Je suis engagé pour fouler le foin chez Hormidas Gaudreau, le voisin de l’ouest, au rang 5 de Saint-Mathieu-de-Rioux. Le travail n’est pas très exigeant. Pendant qu’Hormidas remplit la charrette, Hélène Jean, son épouse, ramasse les brindilles de foins restantes avec un petit râteau. Je n’ai jamais su combien je gagnais. Je suppose qu’on donnait à ma mère 50 sous par jour, le dîner en sus.

 

Pour mon second emploi d’été, soit à 12 ans, je fais le même travail chez Simon Plourde, un cultivateur du rang 5 dont la terre est située à l’est de l’école. La tâche est plus exigeante car, en outre, je dois aller sur la tasserie de la grange pour refouler le foin le long des murs. J’en tousse un coup dans la chaleur et dans les poussières. Mon salaire est probablement plus élevé, peut-être 1 $ par jour au maximum, le dîner en sus.

 

Pendant les autres étés, je travaille sur la ferme de mon père. Pendant l’été de mes 18 ans, mon père est malade. Il se contente de couper le foin avec une faucheuse tirée par deux chevaux. Mon frère Pierre-Paul, qui a alors 16 ans, et moi faisons le reste du travail. Il faut dire que mon frère se plait à assumer les tâches les plus astreignantes, parce qu’il est beaucoup plus en forme que moi.

 

Au printemps suivant, je décide que je veux être moniteur au Camp Cap-à-l’Orignal situé à la limite de Saint-Fabien et de Bic dans une baie. Je vais rencontrer le directeur du camp, l’abbé Louis-Georges Lamontagne, un de mes anciens professeurs au Séminaire de Rimouski. Quand j’arrive à son petit logement - on appelle cela alors sa chambre - dans la résidence des prêtres du Séminaire, il me demande de plier le sac de couchage qui est étendu par terre dans son bureau. Je me dis : « Il veut me tester ». Il me raconte alors des tas d’histoire. Je ne parviens pas à dire un mot. Au bout de 15 minutes environ, j’annonce que je pars. Il ne me demande pas l’objet de ma visite. Je retourne, très déçu, au Pavillon de Philosophie.

 

Deux semaines plus tard, je retourne voir l’abbé avec la ferme intention de ne pas le laisser parler. Il acquiesce à ma demande d’être moniteur. Je lui demande ce que j’allais faire. Il me répond qu’il n’avait pas encore distribué les tâches. Il m’offre un salaire de 100 $ pour six semaines, logé et nourri en sus. J’étais très content. Finis les travaux de la terre et surtout, un petit pécule comme argent de poche.

 

En juin 1960, je suis une première session de formation d’une semaine au Camp-École Trois-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli. L’année suivante, je suis une autre session et j’obtiens mon diplôme de moniteur.

 

Au Camp Cap-à-l’Orignal, il faut travailler environ 10 heures par jour, sept jours par semaine, avec un congé de trois jours au milieu de l’été. Pendant les sept années où je suis moniteur à ce camp, j’occupe diverses fonctions : responsable des sciences naturelles, sacristain, responsable d’excursions, chef de camp et directeur-adjoint, sans compter la surveillance quotidienne. Mon salaire augmente d’environ 50 $ par année, si bien qu’à ma septième année, à l’été 1966, je gagne 400 $ pour l’été.

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# 4265           3 avril 2018

De nouvelles énigmes

Les Éditions Coup d’œil viennent de publier un nouveau livre de mon crû. Le titre est 500 énigmes et défis. Le prix de détail suggéré est de 9,95 $. Il est en vente dans les librairies et chez Costco.

 

L’éditeur a écrit : « Entrez dans un monde de déduction et de réflexion en traversant ces labyrinthes intellectuels, et tentez de résoudre ces 500 énigmes qui défieront votre sens analytique. Serez-vous en mesure de déchiffrer chacun de ces mystères ?

 

Des énigmes mathématiques, des devinettes, des charades, et plus encore ! Plongez dans cet univers captivant et mystérieux, et parfaites votre logique ! »

 

Les livres que j’ai publiés sur papier depuis 2010 sont :

365 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Goélette, 2010.

1001 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2010.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2012.

500 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Coup d’œil, 2015.

Saint-Mathieu-de-Rioux raconte son histoire, Édité par la municipalité, 2016.

Énigmes et devinettes du jeudi, Les Éditions Goélette, 2016.

675 énigmes, Les Éditions Goélette, 2017.

Énigmes et devinettes du jeudi, tome 2, Les Éditions Goélette, 2017.

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# 4245           21 mars 2018

Jubilé d’argent conjugal

Le 18 août 1957, mes parents fêtaient leurs noces d’argent. À cette occasion, tante Lucie D’Auteuil, épouse de Léo Théberge, m’a suggéré d’écrire un texte pour les journaux rimouskois. Elle se chargeait de le transmettre. J’ai accepté avec plaisir. J’avais 16 ans et c’était la première fois que j’écrivais pour publication. L’article a été publié dans le Progrès du Golfe et dans l’Écho du Bas-St-Laurent. Le voici :

 

« Le 25e anniversaire de vie conjugale de M. et Mme Edmond Jean (Laure Théberge), de St-Mathieu, a donné lieu, dimanche le 18 août, à une manifestation d’amitié de la part des parents des jubilaires.

 

À leur arrivée, les invités leur présentèrent tour à tour leurs vœux. Ensuite, une adresse fut lue par Raynald Jean et une substantielle bourse leur fut présentée par Lucille Jean, tous deux enfants des jubilaires. L’émotion était grande chez l’heureux couple jubilaire. Il trouva néanmoins les mots appropriés pour exprimer leur gratitude aux responsables de la réception.

 

Étaient présents à cette fête, outre les jubilaires, leurs enfants M. et Mme Jacques Ouellet (Carmen), Gilbert, Suzanne, Lise, Chs-Édouard, Pierre-Paul, Raynald, Urbain, Lucille, Huguette ; les sœurs du jubilaire Mme Ernest Brillant (Adélia), de Barraute, M. et Mme Vital Roy (Arthémise), de St-Fabien, Mme John Russo (Marguerite), de New-Jersey, Mme A. Belsaguay (Antoinette) de Brooklyn, Mme A. Perrin (Rose-Anne), de Montréal, M. et Mme Alphonse Jean (Marie- Ange) de St-Mathieu, le père de la jubilaire M. Émile Théberge ; ses frères et sœurs et leur conjoint, M. et Mme Léo Théberge, M. et Mme Maurice Théberge, M. Antonio Théberge, M. et Mme Georges Théberge, M. et Mme Édouard Ouellet (Lucienne), M. et Mme Roland Dionne (Thérèse), M. et Mme Paul-Émile Bérubé (Gabrielle), ainsi que Mlle Candide Théberge, tous de St-Mathieu. » Fin du texte cité

 

Sur la photo, en troisième rangée, on peut voir Léo Théberge et une de ses filleules, France Bérubé, Antonio Théberge, Maurice Théberge, Georges Théberge. En deuxième rangée, Gabrielle Théberge, Candide Théberge, Lucienne Théberge. En première rangée, Edmond Jean et Laure Théberge, les jubilaires et Émile Théberge, père de la jubilaire. Thérèse Théberge est absente lors de la prise de la photo.

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# 4215           9 mars 2018

La route d’un livre

On me demande souvent : « Est-ce que c’est payant d’écrire des livres. » La réponse est non.

 

D’abord, quelques remarques :

1. Le marché du livre au Québec est restreint en raison du nombre limité d’acheteurs potentiels.

2. Le fait de vendre 1500 exemplaires au Québec est un succès. En vendre 3000, le livre est considéré comme un best-seller.

3. Un livre publié par une maison d’édition reconnue jouit d’un prestige plus grand que celui publié à compte d’auteur ou même dans un site web.

4. Quand le livre est publié par une maison d’édition, l’auteur profite de l’expertise professionnelle d’artisans dans la production de l’œuvre.

 

Cinq entités collaborent pour amener un livre dans les mains d’un lecteur : l’auteur, l’éditeur, l’imprimeur, le distributeur et le libraire. Le montant payé par le client pour un livre est distribué ainsi :

1. L’auteur reçoit de 6 à 10 % sur le prix de vente. Des auteurs très connus peuvent recevoir plus. Les deux tiers des auteurs reçoivent moins de 5000 $ par année pour leur travail.

 

2. L’éditeur va chercher environ 30 % sur le prix de vente. Sa tâche initiale est d’accompagner l’auteur dans son travail de création. Quand le produit est fini, l’éditeur doit procéder à la révision linguistique, produire une maquette de la couverture, faire la mise en page, assurer la correction d’épreuves. Le produit fini est alors prêt pour l’impression.  Lorsque le livre paraît, l’éditeur doit en faire la promotion. L’éditeur prend tous les risques financiers associés au projet. Généralement, l’auteur n’a pas un sou à débourser.

 

3. L’imprimeur reçoit environ 15 % sur le prix de vente. Il imprime le livre en respectant les exigences de l’éditeur.

 

4. Le distributeur reçoit environ 10 %. Il achemine les livres aux librairies et, dans certains cas, assure leur promotion.

 

5. Le libraire va chercher la part du lion, soit de 30 à 40 % du prix de vente. Tant que les livres se vendront dans un espace physique comme une librairie, ce pourcentage ne pourra pas changer car les librairies ont de la difficulté à tenir le coup.

 

Si vous achetez un livre de 20 $, l’auteur recevra 1,60 $ (8 %), l’éditeur 6 $ (30 %), l’imprimeur 3 $ (15 %), le distributeur 2 $ (10 %)  et le libraire 7,40 $ (37 %).

 

Il est frustrant de constater que l’auteur reçoit le moins. Sans lui, il n’y aurait pas de livre. Par contre, il faut reconnaître que la maison d’édition n’est pas, elle aussi, assez rétribuée vu son travail gigantesque et le risque financier qu’elle prend.

 

Bref, les cinq entités qui contribuent à la mise en marché d’un livre forment une chaîne où chacun contribue ou non au succès du produit.

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# 4190            27 février 2018

Le défrichement d’un lot

Comment cela s’est-il passé au Québec quand des hommes courageux ont décidé d’entreprendre la colonisation du territoire en forêt sauvage presqu’impénétrable ?

 

Selon Antoine Gérin-Lajoie, dans son livre Jean Rivard le défricheur, la première chose à faire quand quelqu’un veut faire de la colonisation, « c’est de choisir un bon lopin de terre, un lot dont la situation et la fertilité promettent une ample rémunération de ses labeurs. »

 

Certains choisissent de s’installer sur un lot dont ils ne connaissent pas le véritable propriétaire. « Les grands propriétaires de ces terres incultes ne sont pas connus aujourd’hui, mais ils se cachent comme le loup qui guette sa proie et lorsque, après plusieurs années de travail, un défricheur industrieux aura doublé la valeur de leur propriété, ils se montreront tout-à-coup pour l’en faire déguerpir. » (Antoine Gérin-Lajoie)

 

Comme l’a fait Michel Jean à Saint-Mathieu-de-Rioux, la plupart achètent une terre en bois debout, souvent loin des habitations. Pour se rendre à ce lot, le colon doit défricher un sentier en abattant arbres et arbustes, et en contournant les rochers. Le sentier peut alors être  parcouru à pied ou à cheval sans voiture. Les provisions de bouche, les ustensiles les plus indispensables, quelques objets d’ameublement et un fusil sont de première nécessité. En attendant la construction de la cabane, le colon doit coucher pendant plusieurs nuits à la belle étoile ou sous une tente improvisée. 

 

Parvenu sur le terrain, la première tâche est d’ériger une petite cabane. « Ces habitations primitives de la forêt sont construites au moyen de pièces de bois superposées et enchevêtrées l’une dans l’autre aux deux extrémités. Le toit qui est plat est pareillement formé de pièces de bois placées de manière à empêcher la neige et la pluie de pénétrer à l’intérieur. L’habitation forme généralement une espèce de carré d’un extérieur fort grossier, qui n’appartient à aucun style connu d’architecture, et n’est pas même toujours très confortable à l’intérieur, mais qui cependant offre au défricheur un abri temporaire contre les intempéries des saisons. À quelques-unes de ces cabanes, la lumière vient par des fenêtres pratiquées dans les côtés, à d’autres elle ne vient que par la porte. La fumée du poêle doit tant bien que mal sortir par un trou pratiqué dans le toit. » (Antoine Gérin-Lajoie)

 

Par la suite, il faut procéder aux travaux de défrichement. On appelle cela « faire de l’abattis. » D’abord, on s’attarde à la coupe des arbres dont certaines parties sont équarries à la hache pour la construction de bâtiments et l’autre partie servira de bois de chauffage. Les branches sont empilées et brûlées.

 

On ramasse les roches facilement transportables et on en fait des tas. On creuse des fossés au besoin pour l’écoulement de l’eau. On fait des chemins pour franchir les coteaux. Quand ces tâches sont accomplies, on laboure et on sème du blé ou de l’avoine à poignées. Suit le hersage à l’aide d’une gratte rudimentaire formée de quatre madriers. Cela permet de briser les mottes de terre, d’égaliser le sol et de couvrir le grain. On utilise parfois un rouleau en bois pour affermir la terre.

 

Dans les premiers temps de défrichement, on contourne les souches, mais quand elles ont suffisamment vieillies, on les arrache à l’aide de chaînes et d’un cheval.

 

Un peu plus tard, on construit une maison et des dépendances comme une grange, un hangar, un poulailler.

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# 4160            15 février 2018

Une récitation en juin 1898

Célina Bérubé, l’épouse de J.-Émile Ouellet, ancien postier à Saint-Mathieu-de-Rioux, a légué à ses descendants le texte d’une récitation qu’elle avait présentée à la fin de l’année scolaire 1898 devant les parents d’élèves. Célina avait alors 8 ans. On notera la densité et la richesse du texte. D’ailleurs, il serait peu probable que, de nos jours, on confie à une jeune de 8 ans d’interpréter un tel texte.

 

C’est en 1968 que Célina a enregistré le texte qu’elle avait présenté 70 ans plus tôt, se souvenant admirablement des paroles malgré le temps passé. Voici ce texte :

 

« Vénéré Pasteur, messieurs les Commissaires, mesdames et messieurs,

 

L’époque de l’examen si redoutable et, en même temps, si désirée est donc passée. Les craintes qui nous agitaient se sont dissipées dès que vos regards bienveillants nous ont donné lieu de croire que votre présence, au milieu de nous, était moins pour nous intimider que pour nous encourager. Et, dans cette conviction, nous n’avons pas craint de fatiguer votre attention en vous montrant les fruits de nos premières années d’étude.

 

L’attention que vous avez bien voulu porter à de pauvres enfants qui n’ont encore franchi que les premières années de l’étude nous a fait comprendre toute l’importance que vous attachez à la science.

 

Sans doute, votre temps aurait passé plus agréablement au milieu d’enfants plus instruits. Mais nous aimons à vous persuader que votre condescendance, au milieu de nous, a été pour nous un puissant encouragement et que nous méritons la continuation de l’intérêt dont vous avez daigné nous honorer jusqu'à ce jour. Puisse votre indulgence excuser les erreurs qui se sont glissées dans notre mémoire.

 

Et vous, bien chers parents, soyez persuadés que vos bienfaits ne tomberont point sur des cœurs ingrats et insensibles. Mais, ils tomberont sur un sol fertile qui, cultivé par vos soins et arrosé par vos fatigues et vos sueurs, produira des immortelles dont le doux parfum montera là-haut et en fera descendre sur vous le plus parfait bonheur. »

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# 4135            5 février 2018

La maison paternelle

À Saint-Mathieu-de-Rioux, la maison qui me vit naître était dans ma vision d’enfant la plus belle de toutes. Dès que j’ouvris les yeux dans la chambre de mes parents, les murs sobrement tapissés m’accueillirent en me tendant les bras. Après quelques heures, les plus âgés de la famille vinrent me souhaiter la bienvenue.

 

Regardez cette maison sur la photo. Son extérieur est ordinaire, mais son intérieur que vous ne pouvez pas voir était un nid douillet. À cinq ans, j’ai dit à ma mère : « Que je suis don bien dans la maiyon à maman. »

 

De ma famille, cette maison vit naître 11 enfants, dont un décédé à la naissance. Auparavant, elle avait accueilli 15 enfants dont deux décédés à la naissance et trois en bas âge. Les parents étaient Philéas Gaudreau et Delphine Dionne.

 

Plusieurs des anciennes maisons étaient construites de façon similaire. On érigeait d’abord un corps principal à deux étages. Quand la famille augmentait, on construisait une annexe qui devenait la cuisine et qui devenait le lieu de rassemblement. Dans certains cas, cette annexe abritait la cuisine d’été où la famille emménageait pendant cette période. On appelle cette annexe un appentis.

 

Quand mon père acheta la terre en 1932, l’annexe à gauche n’était pas finie à l’intérieur. Il n’y avait pas de plancher. L’espace servait comme remise pour les graines de semence et les agrès de toute sorte. La famille de l’ancien propriétaire vivait dans le bâtiment principal à droite. Le deuxième étage n’était pas fini. L’escalier pour y monter était situé au sud tout près de l’annexe.

 

En avant de cette maison, il y a deux entrées. En arrière, on en trouvait une seule. On devait passer par un local appelé tambour, pour accéder à la cuisine. La fontaine d’eau potable se trouvait sous ce local. Au début, le tambour servait de cuisine d’été.

 

Mon père transforma l’annexe en cuisine où il installa le poêle à bois. De nombreuses chaises berçantes complétaient le décor. L’escalier a été déménagé dans le coin gauche de la cuisine du côté sud. Nous couchions alors dans le grenier, soit au deuxième étage de l’annexe.

 

En 1950, mon père divisa le deuxième étage du corps principal en quatre chambres. Fini le grenier pour la nuit. Il deviendra un espace de rangement. L’escalier a été déménagé dans cette partie. Le prélart a été acheté de colporteurs provenant de Rimouski, et ayant été épargné par le grand feu de Rimouski.

 

À la fin des années 1960, le Gouvernement du Québec décide de fermer les rangs 4 et 5 de Saint-Mathieu-de-Rioux. Il est généreux envers ceux qui acceptent de se départir de leur terre. L’une des conditions est de raser toutes les bâtisses y compris la maison. Mon frère Pierre-Paul qui était alors propriétaire de la terre saisit l’occasion et la vend. La maison a été démolie en 1970.

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# 4105            24 janvier 2018

L’éducation des enfants

Si ma mère vivait encore, elle aurait 111 ans aujourd’hui. Je lui dédie ce texte en reconnaissance de tout ce qu’elle a fait pour sa famille qu’elle aimait tant.

 

Je fais partie d’une famille de 10 enfants. Comme dans beaucoup de foyers de l’époque, ma mère veillait non seulement à accomplir toutes les tâches de la maison, mais encore veillait à l’éducation des enfants.

 

Ma mère avait un principe de base dans ce domaine et n’y dérogeait pas. Elle disait souvent : « Il faut prendre les enfants avec douceur et non avec rigueur. » Elle pensait que les affrontements ne pouvaient qu’envenimer les situations parfois délicates. Toutefois, elle se gardait une réserve pour les cas plus difficiles. « Je vais en parler à votre père et c’est lui qui va régler ça. »

 

Que signifiait cette « menace » ? Mon père n’était pas doué pour le dialogue. Pour lui, son intervention, dans ces cas-là, consistait à frapper avec ses mains ou avec la « strap », quoique très rarement et très modérément. Il m’est arrivé une fois de goûter à cette médecine. Je m’étais battu avec mon jeune frère. Quand mon père, arrivé des champs, fut mis au courant, il nous amena chacun notre tour dans le tambour de la maison. Il nous fit baisser nos culottes et donna quelques coups de « strap » sur nos fesses.

 

J’étais insulté par cette punition. Il est vrai que j’avais contrevenu à la règle de ne pas se battre. Si mon père s’était contenté de me montrer des gros yeux et de promettre de ne plus recommencer, ma punition aurait été suffisante pour que je comprenne. Le pire dans tout ça, c’est que j’avais perdu le combat avec mon frère, même plus jeune que moi. J’ai donc vécu une double humiliation. J’en ai voulu à mon père pendant quelques années. J’ai finalement compris qu’il n’était pas outillé pour agir autrement.

 

Revenons à ma mère. Elle avait le sens du dialogue et nous permettait de nous exprimer. Quand elle s’apercevait que nos remarques étaient justifiées, elle baissait la tête sans dire un mot. Nous savions que ma mère réagissait de façon pratique, mais pas par principe. Quand nous voulions quelque chose, nous pouvions argumenter et elle finissait souvent par céder.

 

Mais pas toujours. Il y avait assez souvent des repas chez les frères et les sœurs de mes parents. Chaque fois, mes parents amenaient l’un de nous d’eux. Un jour où c’était mon tour d’accompagner mes parents, ma jeune sœur a manifesté son désir d’y aller. J’ai insisté pour qu’on respecte la tradition. Peine perdue, ma mère a préféré ma sœur.

 

Bref, la patience de ma mère est mémorable. Elle a assuré l’éducation de ses enfants dans le calme et dans le respect. Elle élevait rarement le ton de sa voix.

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# 4065            8 janvier 2018

Les sacres québécois

Depuis plus de 200 ans, paraît-il, les Québécois ont délaissé peu à peu les jurons français pour construire une montagne de sacres qui font référence, pour la plupart, à ce qui est sacré. Pendant ce temps, l’Église réprimait fortement les sacres en invoquant le deuxième commandement de Dieu : « Dieu en vain tu ne jureras, ni autre chose pareillement. »

 

Dans mon enfance, j’ai entendu peu de sacres. Mon père ne sacrait pas. Ma mère acceptait difficilement que des gens sacrent devant elle. À l’époque, même les plus gros sacreurs se gardaient une petite gêne devant les femmes et les enfants. Pour leur part, la grande majorité des femmes ne s’adonnaient pas à cette pratique. Si une le faisait, elle était vue comme une dévergondée.

 

Il était reconnu que les jeunes gens apprenaient à sacrer dans les chantiers. Il n’était pas rare de voir un fils d’agriculteur âgé d’à peine 16 ans partir pour aller bûcher en octobre et ne revenir qu’à Pâques. Le travail dur, les longues soirées d’hiver, la misère quotidienne, l’exploitation anglaise étaient autant d’ingrédients qui influençaient le jeune homme à adopter une forme de langage qu’il n’avait pas connu à la maison. Toutefois, quand le bûcheron revenait chez lui, il se contentait de sacrer devant les personnes qui, comme lui, le faisaient.

 

J’avais 13 ans. Un jour, nous sommes allés aux bleuets à Saint-Simon de Rimouski, ma mère et quelques membres de ma famille. Comme nous nous apprêtions à partir, je vis un jeune garçon d’environ 10 ans qui courait après un papillon. Son père s’écria : « Embarque dans le camion, mon p’tit criss, on s’en va. » Ma mère était outrée, moi aussi d’ailleurs. Je ne pouvais concevoir qu’on utilise un tel langage avec un jeune.

 

Quand j’étais au Séminaire, volontairement devant un maître de salle, j’avais dit : « Ces mots dits, ils s’en allèrent. » Le régent m’a regardé avec un air de désapprobation. Je lui expliqué que je n’avais pas dit « maudit », mais ces « mots dits ». Pour leur part, les élèves se contentaient d’utiliser des mots dérivés de sacres comme batèche (baptême), câline (calice), cibole (ciboire), criffe (Christ), ‘sti (ostie), astic (hostie), mautadit (maudit), mosusse (maudit), tabarnouche (tabernacle).

 

J’admire tous ces bûcherons qui, au fil des ans, ont construit un vocabulaire purement québécois que sont les sacres. C’était pour eux une façon de manifester pacifiquement contre l’emprise que l’Église exerçait sur eux. Non seulement, ils utilisaient les termes honnis, mais encore ils en ont fait des adverbes et des verbes qu’ils conjuguaient à bon escient. Toutefois, l’abus de sacres peut démontrer un manque de vocabulaire chez certains et peut devenir pernicieux. J’ai même entendu dire que, parfois en veillée autour du poêle à bois, on organisait des concours de sacres.

 

Oublions pour un moment le caractère religieux. N’est-ce pas un mode d’enrichissement de la langue qui permet de montrer différents niveaux d’expressivité ? Je peux dire à quelqu’un : « Tu m’énerves en criss. » Cela est plus fort que « Tu m’énerves, pas à peu près. » Je peux dire : « Crisse ton camp » ou mieux encore « Décrisse » en accentuant la dernière syllabe. Il y a aussi la superposition de sacres comme « Crisse de câlice de tabarnak ».

 

Les sacres de chez nous sont de vrais mots qui démontrent notre degré de créativité. Encore faut-il les employer à bon escient et seulement quand le contexte l’exige. Les sacres ont enrichi la langue québécoise, mais leur emploi abusif l’appauvrit.

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# 4045            10 décembre 2017

Émilie Théberge (1892-1915)

Émilie Théberge est née à Saint-Mathieu-de-Rioux le 4 septembre 1892. Elle est la fille d’Alfred Théberge et de Rose Rousseau. Elle a fait son primaire à l’école modèle du village située à l’époque sur la côte à l’ouest de l’église. Par la suite, elle a étudié à l’École normale de Rimouski dirigée par les Ursulines et qui a ouvert ses portes en 1905. Elle a enseigné à Saint-Mathieu-de-Rioux. À l’époque, une institutrice gagnait entre 85 $ et 100 $ par année. Elle demeurait dans la maison voisine à l’est du cimetière. Elle est décédée de la tuberculose le 12 mai 1915. Elle avait 22 ans.

 

À la suite de son décès, ma mère Marie-Laure Théberge, nièce d’Émilie, a trouvé dans une de ses poches de manteau une lettre en pièces détachées. Elle l’a reconstituée et l’a conservée. Cette lettre datée de 1913 était adressée à une de ses compagnes avec qui elle avait étudié à l’École normale de Rimouski. Voici cette lettre :

 

« Oh ! ma bonne Jeanne. Quelle heureuse nouvelle à t’annoncer !

 

Je suis institutrice depuis ce matin dans le village. J’entends ton cri de surprise. Oh ! oui, oui … institutrice. Je n’ose le croire au sortir de ma première journée de classe. [Ce matin], quelle ne fut pas ma joie d’apercevoir de loin, cette jolie maisonnette à demi cachée à travers de grands arbres touffus. Son aspect me plut extrêmement. Et je sens naître au fond de moi le désir d’entrer.

 

J’entre… J’avais une belle salle de classe pourvue de larges fenêtres, et je m’aperçois qu’il y avait là une trentaine de petits marmots qui m’attendaient et qui étaient tous avides de m’entendre parler et qui semblaient faire saluer les rayons de soleil. Au milieu de la classe, était suspendue au mur une croix noire entourée de deux cadres.

 

Et puis, chez toi comment ça va. J’espère que ça va bien. Et moi, de mon côté, je sens des vapeurs de vie religieuse. Et si, tout à coup, j’étais emportée par ces douces brises. Je te laisse sur ces impressions en t’invitant de tout cœur à venir me visiter prochainement.

 

Je te salue révérencieusement. Ton amie intime,

Émilie. »

 

Sur la photo, on aperçoit Émile à gauche et sa sœur Corinne qui, elle aussi a été institutrice. La photo et le texte m’ont été fournis par ma sœur Carmen Jean. Une troisième sœur est, elle aussi, devenue institutrice. Il s’agit de Laura Théberge qui a épousé Eugène Vaillancourt le 5 avril 1910 à Saint-Mathieu-de-Rioux. Le couple a eu 18 enfants.

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# 4010            26 novembre 2017

Apprentissage de l’informatique

Nous sommes à l’automne 1973. Dans le cadre du baccalauréat en mathématiques, l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) offre un cours intitulé Informatique. Je m’y suis inscrit pour démystifier cette nouvelle technologie. En effet, les ordinateurs personnels n’existent pas encore. Seulement, les grandes entreprises et les maisons de savoir sont dotées de ces appareils qui sont gros comme quatre ou cinq réfrigérateurs accolés. La plus grande place est prise par l’énorme batterie qui l’alimente. J’avais alors vu ces ordinateurs seulement sur des photos dans les magazines.

 

Le professeur arrive en classe avec un carton sous le bras. Ce carton a trois ou quatre épaisseurs qui se déplient pour apparaître en trois dimensions. À l’aide de ce carton, le professeur nous explique le fonctionnement d’un ordinateur : input (entrée de données), unité centrale, output (sortie de données). Il nous parle du microprocesseur qui est le cerveau du système, de la zone de mémoire morte (ROM), celle de mémoire vive (RAM), etc.

 

Il nous annonce qu’un des travaux de la session sera de composer un programme. Pour cela, on a besoin d’apprendre un langage de programmation. Le plus populaire à l’époque était le BASIC. On apprend alors une quarantaine d’instructions formées par des mots précis. On nous recommande de numéroter les lignes du programme de 10 en 10 à partir de 100, au cas où on aurait besoin d’insérer des lignes supplémentaires.

 

Avec un copain, nous choisissons de demander à l’ordinateur d’identifier les cols dans un tableau de nombres et de nous en donner la quantité. Un col est un nombre dont les deux voisins horizontalement sont plus petits et dont les deux voisins verticalement sont plus grands.

 

Dans ce cas, l’ordinateur est programmé pour composer et imprimer un tableau 10 × 10 avec des nombres choisis au hasard compris entre 100 et 1000. Par la suite, il doit lire chaque nombre et vérifier si celui-ci est un col. Au fur et à mesure, il écrit les nombres qui sont des cols et les imprime. À la fin, il indique le nombre de cols du tableau.

 

L’ordinateur de l’UQAR est placé dans une pièce dont l’accès est refusé aux étudiants. Dans une salle attenante, il y a une perforatrice de cartes. Après avoir composé le programme, nous nous présentons dans cette dernière salle et nous perforons les cartes, soit une carte par ligne du programme. Voici l’exemple d’une ligne sur une carte perforée :

  

L’ordinateur est disponible pour les étudiants certains après-midis. Une ouverture dans le mur permet de transférer notre paquet de cartes au préposé au début de l’heure. Après une dizaine de minutes d’attente, nous recevons les résultats imprimés sur des longues feuilles. S’il y a des corrections à faire, il faut attendre le début de l’autre heure pour retourner les cartes. Un jour, j’avais interverti deux de mes cartes. L’ordinateur a refusé de faire le traitement et j’ai dû attendre l’heure suivante pour recommencer le processus.

 

Comme quoi, il y a plus d’un monde entre l’ordinateur de 1973 et le portable d’aujourd’hui dont les fonctions sont multiples.

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# 3975             12 novembre 2017

Métier de cordonnier

Avec le temps, plusieurs métiers ont disparu à cause de nouveaux matériaux ou de nouvelles technologies. N’ayant plus de chaussures à réparer, la plupart des cordonniers ont dû fermer leurs portes ou se tourner vers la teinturerie. En effet, déjà au 20e siècle, dans les grandes villes, le métier de cordonnier se faisait en concomitance avec celui de teinturier.

 

Dans les paroisses rurales, les cordonniers et les forgerons pouvaient se partager la tâche de réparer les attelages de chevaux, qui étaient en cuir, même si le métier de  forgeron consistait principalement à ferrer les chevaux et à réparer les voitures à cheval. Au 20e siècle à Saint-Mathieu-de-Rioux, il y avait notamment Joseph Morin et Philippe Gagnon comme cordonniers, tandis que le forgeron était Napoléon Saindon.

 

Aussi loin que je me souvienne, mon père n’a jamais traité avec le cordonnier. Il réparait lui-même les chaussures et les attelages de chevaux. Il fabriquait même des lacets pour nos chaussures avec de la peau séchée d’anguille.

 

Pour mieux comprendre le métier de cordonnier, on peut lire dans la Gazette officielle du Québec de mai 1942 la description des principales fonctions qui lui étaient attribuées :

 

1. Exercer le commerce de manufacturiers et négociants de bottes, souliers, chaussures, mitaines, gants et articles en cuir de toutes sortes et toutes choses en cuir et autres matériels s'y rapportant, et manufacturer, acheter, vendre, importer, exporter et autrement faire le commerce d'effets, articles et marchandises et tous effets et marchandises qui peuvent être avantageusement manufacturés, vendus et négociés en rapport avec iceux.

 

2. Faire le commerce de réparation de chaussures et la réfection de chaussures, et manufacturer, négocier et vendre des crépins, outillage de cordonniers et toutes sortes d'accessoires.

 

3. Teindre, nettoyer, embellir, rénover et réparer toutes sortes de draps, tissus, marchandises, matériels et articles et exercer le commerce de teinturerie et nettoyage en général.

 

4. Laver, repasser, tordre et presser toutes sortes de vêtements, fournitures de maison et autres articles.

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# 3940              29 octobre 2017

Mon premier sermon

Au milieu du 20e siècle, lors de séances paroissiales, les jeunes présentaient souvent des monologues. Le texte suivant a été fourni par Raymond Levasseur qui l’avait obtenu de Léopold Fournier. Il rappellera sans aucun doute des souvenirs chez les personnes ainées. C’est une parodie des prêches des curés de l’époque. L’auteur du texte est inconnu.

 

« Écoutez mon premier sermon.

Il sera court mais bien d’aplomb.

Ah! Par les hommes commençons.

Sans le tabac ni la boisson,

Si ce n’était de vos jurons,

Vous seriez tous des perfections.

 

Par les femmes, continuons.

Bavardes en toutes saisons,

Vous paradant dans les salons,

À la recherche d’évasions.

Revenez vite à la raison;

Demeurez plus dans vos maisons.

 

Vous, jeunes filles, vrais papillons,

Pourquoi ces miroirs, ces flacons ?

Cette poudre au bout du menton ?

C’est une mode à changer, sinon

Vous grillerez dans l’enfer profond,

Aussi laides que des démons.

 

Et vous, petits et grands garçons,

Coquins, batailleurs, polissons,

Priez mieux, sachez vos leçons

Pour éviter la damnation.

 

Mes frères, demandez pardon

Et vivez donc d’autre façon.

Alors, au ciel tous nous irons

Rejoindre un jour nos saints patrons.

C’est la grâce que je vous souhaite

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Amen. »

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# 3910               17 octobre 2017

Un nouveau livre d’énigmes

Les Éditions Goélette viennent de publier un nouveau livre d’énigmes de mon crû. Le titre est Énigmes et devinettes du jeudi, tome 2. Il fait partie d’une collection intitulée Les jeux de la semaine. Il est en vente dans les librairies du Québec. Le prix de détail suggéré est de 5,95 $.

 

Sur son site, l’éditeur a écrit : « C'est jeudi et c'est l'heure de relever un défi ? Mettez votre logique à l'essai et tentez de résoudre ces casse-têtes et devinettes en tous genres ! ».

 

Les livres que j’ai publiés sur papier depuis 2010 sont :

365 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Goélette, 2010.

1001 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2010.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2012.

500 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Coup d’œil, 2015.

Saint-Mathieu-de-Rioux raconte son histoire, Édité par la municipalité, 2016.

Énigmes et devinettes du jeudi, Les Éditions Goélette, 2016.

675 énigmes, Les Éditions Goélette, 2017.

 

En avant-propos, j’ai écrit :

« Les 110 énigmes de ce livre

ont été conçues

pour donner à vos méninges

encore plus de vitalité.

 

Tout en parcourant le livre,

vous serez surpris de constater

que votre capacité à résoudre des énigmes

s’améliore constamment.

 

Amusez-vous bien ! »

 

Un cadeau de Noël pour jeunes et moins jeunes !

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# 3890               9 octobre 2017

Le bonheur

Quand j’étais jeune, nous étions riches, non pas de biens matériels, mais de bonheur. Nous étions successivement 5, 6, 7, 8, 9 et 10 enfants. J’ai été le cinquième. La maisonnée grouillait de larmes, de pleurs, de cris, de ripostes, de rivalités, de rires, de taquineries, d’entraide. N’est-ce pas cela le bonheur ?

 

Jusqu’à 9 ans, j’ai eu froid pendant les nuits d’hiver où des vents redoutables fouettaient la maison. Nous n’avions pas de fournaise pour chauffer la maison, si ce n’est qu’un poêle à bois. Nous couchions dans un grenier séparé en deux par des rideaux : un espace pour les filles et un autre pour les garçons. Le froid peut-il tuer le bonheur ? La réponse est non. Quand on se lève le matin et qu’on peut se réchauffer près d’un poêle qui a chauffé toute la nuit, on est revigoré. Nos mains froides reprennent de la chaleur et nous envoient une synergie de bonheur.

 

Ma mère était une femme douce et aimante. Elle s’occupait de ses enfants comme une maman oiseau. Elle les protégeait et leur montrait le chemin de la vie. Elle faisait tout à la maison et, malgré ses occupations, elle trayait les vaches et allait même jusqu’à tondre les moutons. Elle était heureuse quand ses enfants croissaient en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes. Elle nous transmettait son bonheur.

 

Mon père était plutôt indifférent avec nous, mais il semait, il hersait, il construisait, il faisait la fenaison, il bûchait. En hiver, il mettait trois paires de bas de laine tricotés par ma mère dans ses bottes achetées au magasin coopératif pour travailler au grand froid. Il avait un talent pour la menuiserie et il s’en servait. Il était heureux quand il pouvait subvenir aux besoins de la famille. Il laissait peu voir son bonheur, mais on le sentait.

 

Pour un enfant, rien de plus souhaitable que d’être bien nourri. C’était le cas. Rassemblés autour de la table familiale, nous ingurgitions une nourriture variée allant des légumes du potager de ma mère jusqu’à la viande de bois récoltée par mon père. Chaque automne, mon père tuait un porc et un veau. Une partie de la viande était congelée dans le tambour, l’autre partie était mise en conserve par ma mère. Les seules rations qui existaient étaient sur les tartes et les gâteaux. Autrement, ma mère aurait passé son temps à cuisiner des desserts. N’est-ce pas le bonheur que de bien manger avec certaines restrictions ?

 

Dans notre bulle familiale qui était, lors de mes premières années, exempte de la radio et de la télévision, nous n’avions pas à supporter le poids du monde. Nous avions peu de biens matériels, car, sans électricité, les grille-pains et les réfrigérateurs de ce monde n’ont aucune utilité. Ce qui existait dans la maison était en bois, un matériau rafraîchissant et près de la nature.

 

Autour de la maison, la nature était vaste et prenait toute la place. Les champs ensemencés, les champs affectés par la moutarde sauvage respiraient de fraîcheur. Les pointes de forêt qui avaient résisté à l’abattage étaient un terrain de jeux formidable surtout pour les garçons. Les animaux faisaient partie de notre vie.

 

Bref, j’ai vécu le bonheur avec peu d’objets matériels qui proviennent de manufactures souvent déshumanisées.

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# 3845                21 septembre 2017

Quatre ans déjà

Ce blogue a été mis en ligne le 20 septembre 2013. Il a fêté son quatrième anniversaire hier. Ce qui est quand même honorable pour un blogue. Jusqu’à ce jour 3845 articles ont été publiés.

 

Aspect personnel

Dans ce blogue, on trouve 54 contes, un roman, 111 poèmes, les mémoires de Marie-Ange Jean, 95 articles sur la généalogie, 142 de souvenirs, 170 sur Saint-Mathieu-de-Rioux et 107 sur le Séminaire de Rimouski.

 

Récréations

On y trouve  plus de 2500 récréations : 312 défis logiques, 374 énigmes, 309 problèmes anciens, 689 divertissements mathématiques, 457 trucs mathématiques, 348 distractions de mots et 36 mots siamois, sans compter les 1645 questions de quiz mathématiques.

 

Ajoutons à cela 108 articles de propos mathématiques, 54 de réflexions, 37 sur Rimouski et 63 sur le Québec en général. De plus, on y trouve 5 livres.

 

Le nombre de visiteurs est d’environ 2500 par mois : ce qui donne une moyenne de 80 visites par jour. Le point culminant s’est étendu sur deux jours consécutifs : 158 visites le 18 juillet 2015 et 177, le lendemain.

 

Pendant la dernière période de 30 jours, les visiteurs sont répartis dans 30 pays. Les pays qui fréquentent le plus le blogue sont dans l’ordre : Québec-Canada, France et États-Unis.

 

Les visiteurs sont répartis dans 173 villes. Les villes les plus présentes sont dans l’ordre : Montréal, Paris et Port Louis (Île Maurice).

 

Sous l’aspect personnel, les trois pages les plus consultées sont dans l’ordre : généalogie, Saint-Mathieu-de-Rioux et contes. Sous l’aspect récréatif, ce sont : défis logiques, énigmes et divertissements mathématiques.

 

Les blogues ont une vie relativement courte pour diverses raisons : manque d’inspiration de la part de l’auteur, bris de motivation, manque de disponibilité, etc. Espérons que Les Charleries pourront encore se faire entendre le plus longtemps possible.

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# 3840                19 septembre 2017

Les noisettes

Quand j’étais jeune, en milieu rural, l’arrivée de septembre signifiait quatre choses pour moi : le début des classes, le ramassage du grain, le ramassage des pommes de terre et la cueillette de noisettes. Les deux points qui me concernaient étaient l’école et les noisettes.

 

En septembre 1951, alors que j’avais 10 ans, l’école n’ouvrit pas ses portes à la date règlementaire. La raison est que le commissaire d’école du rang n’avait pas trouvé de jeune fille pour tenir la classe. La nouvelle m’a fait plaisir, mais pas à ma mère. Par ailleurs, je dois dire que j’avais quand même un pincement au cœur parce que cette situation risquait de se prolonger et ainsi je pourrais perdre mon année scolaire.

 

Étant donné que j’avais beaucoup de temps libres, je partais avec ma petite chaudière. J’allais sur les tas de roches ou sur les clôtures non loin de la maison là où il y avait des noisetiers. Quand j’avais terminé de remplir mon récipient, j’épluchais une noisette ou deux et je la cassais avec une moyenne roche sur une des grosses roches qui foisonnaient alors.

 

J’ai vite compris que la noisette était encore plus frileuse que moi. Elle était revêtue d’un manteau d’hiver qui était hérissé de piquants. Une double protection. Mes petits doigts même piqués d’épines ne craignaient pas de la découvrir. Sous ce manteau, apparaissait une coque dure. Une fois éclatée, cette coque laissait entrevoir une noix protégée par une mince pellicule que je devais extraire avec mes petits doigts. La frilosité de la noisette me faisait penser aux nuits froides où je devais dormir en pyjama et en bas de laine sous une chaude peau d’ours.

 

Parvenu à la maison, pour l’épluchage, je prenais une poche vide en jute qui avait servi à entreposer la moulée pour les vaches. J’y plaçais une vingtaine de spécimens. J’allais au fenil et je frappais sur le plancher de toutes mes forces par des coups répétés. Cela noircissait le plancher et la poche, mais ce n’était pas grave. La noisette était alors dégagée partiellement de son écorce. Je faisais le reste à la main. Par la suite, je déposais mes noisettes dans un tiroir de bureau. Elles n’y restaient pas très longtemps.

 

Une fois, j’ai commencé à faire un chapelet avec des coques, mais j’ai abandonné le projet préférant les manger que de leur donner une deuxième vie, fut-elle religieuse.

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# 3755                21 juin 2017

Les lacs de Saint-Mathieu

En lisant la monographie Saint-Mathieu-de-Rioux se raconte publiée par la municipalité en 2016, plusieurs personnes ont été surprises d’apprendre que le territoire de la paroisse était constitué de 16 lacs. Personnellement, je ne savais pas qu’il y en avait autant. C’est en visitant le site de la commission de Toponymie du Québec que j’ai fait cette découverte.

 

Comme tout le monde, je connaissais les deux lacs Saint-Mathieu à cause de leur situation géographique non loin de l’église. Ma mère nous a raconté une aventure sur le Petit lac Saint-Mathieu. Quand elle avait 6 ou 7 ans, un beau dimanche, elle avait embarqué dans une chaloupe pour y faire une promenade. À un moment donné, l’eau a commencé à entrer dans la chaloupe à cause du trop grand nombre de personnes y ayant pris place. De peine et de misère, l’embarcation a atteint le rivage. Plus de peur que de mal. Par la suite, ma mère n’a jamais voulu faire des randonnées sur l’eau.

 

Je connaissais le lac du Cinquième, qu’on appelait le lac du Cinq, pour y avoir fait un pique-nique quand j’étais en quatrième année. C’est l’institutrice Bibiane Jean qui avait organisé cette excursion à la fin de l’année scolaire. J’y étais retourné en hiver avec quelques camarades après le dîner à l’école.

 

Je connaissais le lac Neigette pour être déjà allé à la cabane à sucre d’Adrien Ouellet.

 

Je connaissais certains autres lacs seulement de noms, car les uns n’étaient pas très loin où mes parents demeuraient. Mon père était un fervent de pêche. Une ou deux fois par année, il allait taquiner la truite dans un de ces lacs avec le deuxième voisin, Joseph Lagacé.

 

Un dimanche d’été où le temps était sombre, mon père refusa d’aller à la messe, disant qu’il était trop fatigué de sa semaine et qu’il filait mal. Peu après le dîner, monsieur Joseph vint chez nous. Il demanda à mon père s’il aimerait l’accompagner au lac Alarie. Avec un grand sourire, mon père a répondu oui. Toute sa fatigue s’était évanouie comme par miracle. Ma mère n’était pas étonnée.

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# 3680                18 mai 2017

Les lucioles de Ville-Marie

Guidés par Pierre de Maisonneuve et Jeanne Mance, les premiers colons français venant de Québec arrivent à Montréal le 17 mai 1642. Ils commencent par construire une clôture. Le lendemain, dimanche le 18 mai, la messe de fondation a lieu. Le nouveau territoire est consacré à la Vierge et prend le nom de Ville-Marie.

 

Quand j’allais à la petite école, on nous racontait que, pour cette première messe, on manquait de cierges. Alors, Jeanne Mance aurait eu l’idée de recueillir des lucioles dans deux bocaux de vitre qui étaient posés de chaque côté de l’autel. Je me souviens d’avoir vu dans un manuel scolaire une représentation de cette scène.

 

Il semble probable qu’il s’agit d’une légende. Je vous soumets un texte de l’historienne québécoise Marie-Claire Daveluy (1880-1968). Ce texte est intitulé : Les lucioles de Ville-Marie.

 

« Jeanne Mance, la grande infirmière de Montréal, aimait beaucoup entretenir et orner l’autel, dans la chapelle d’écorce des premiers colons. Or, il arriva qu’un jour, Jeanne, voulant renouveler l’huile dans la lampe du sanctuaire, s’aperçut que la provision était épuisée. Nulle part elle n’en put trouver la moindre quantité. Son cœur se serra. Comment remplacer le liquide précieux ?

 

Soucieuse, Jeanne se rendit auprès de l’aumônier du Fort à qui elle raconta son embarras. Le jésuite hocha la tête. Comme il réfléchissait, on entendit soudain le bourdonnement d’une grosse mouche qui se mit à voler autour d’eux avec insistance. Préoccupé, le Père laissa l’insecte arpenter à son aise la page de bréviaire qu’il avait interrompue à l’entrée de l’infirmière. La bestiole montait et descendait le long d’un psaume avec une joie évidente. Soudain la petite bête cessa toute rumeur, nettoya longuement ses pattes, et ne bougea plus. Jeanne regardait, intéressée, ce manège à la fois respectueux et familier.

 

Tout à coup, le jésuite et l’infirmière relevèrent ensemble la tête. Un même éclair d’intelligence traversait leurs prunelles.

- Mon Père, dit Jeanne, cet insecte, mais c’est une luciole !

- Oui, chaque soir, elle ou une autre vient gentiment éclairer les petites antiennes de mon bréviaire. La luciole se laisse saisir par les ailes. Elle devient, pour un moment, ainsi que la flamme d’un cierge.

- Mais alors, elle pourrait …

- Oui, mademoiselle, je pense comme vous, elle pourrait remplacer l’huile qui nous manque. Non pas une seule luciole, bien entendu, mais plusieurs groupées ensemble. Seulement comment saisir en nombre ces capricieuses petites créatures ?

- Ni vous ni moi n’y réussirons, sans manquer un peu de dignité, répliqua Jeanne en riant doucement. Mais nous avons ici trois petits enfants : Françoise, Mathurine et Nicolas Godé, vous les connaissez, mon Père ? Désormais, à notre demande, ces petits n’iront plus à la chasse aux papillons, mais à la poursuite des mouches à feu, selon leur expression. Les bestioles qu’ils nous rapporteront seront enfermées dans un bocal de fin cristal que nous déposerons devant l’autel du Maître.

 

Les enfants firent ce que Jeanne Mance avait dit. Et c’est ainsi qu’un jour, les lucioles de Ville-Marie, ces mouches particulièrement lumineuses, eurent l’honneur de remplacer la lampe du sanctuaire dans la chapelle des premiers colons. » (Fin du texte cité)

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# 3655                8 mai 2017

Les vaches

Bon an, mal an, mon père possédait  7 à 10 vaches. C’était peu, mais c’était dans la moyenne. Chaque printemps, la plupart donnaient naissance à un veau. À voir ceux-ci gambader dans les champs, sautiller et foncer sur nous pour s’amuser, c’était un cadeau de la vie. Quand on arrivait avec une chaudière de lait, ils manifestaient leur satisfaction de façon éloquente. Nous les humains, on appelle cela le bonheur.

 

Par observation, j’ai appris que chaque animal avait sa personnalité propre. Les vaches en étaient un exemple frappant.

 

L’une était timide. Elle manquait d’audace et avait peur du risque. Elle se cachait derrière les autres. Elle s’organisait pour passer inaperçue.

 

L’autre était envieuse. Elle désirait obtenir une reconnaissance exclusive de notre part faisant signe de la tête aux autres de dégager. Elle désirait l’herbe du pré du voisin et n’hésitait à sauter la clôture pour y aller paître.

 

L’une était gourmande. Elle cherchait les meilleures herbes du pré et s’activait à les consommer avant que quelqu’une d’autre ne les remarque. Plus souvent qu’autrement, elle manifestait son impatience quand elle en voyait d’autres s’approcher de son trésor.

 

L’autre était friande de pouvoir. Elle se complaisait à diriger le troupeau et se plaçait en première place lors des déplacements vers l’étable. Gare à celle qui voulait lui voler sa place.

 

L’une était sauvage. Elle protégeait son aura et se tenait éloignée des autres. Elle n’aimait pas se faire traire même si c’était pour elle une délivrance.

 

L’autre était douce. Elle ne connaissait pas la brusquerie. Elle aimait se faire flatter. Quand elle se faisait traire, elle n’était jamais impatiente même si la personne qui remplissait cette tâche était plutôt gauche et prenait un temps démesuré.

 

L’une était frivole. Elle aimait s’amuser loin des autres. Elle rejoignait le troupeau seulement quand cela lui tentait ou quand le désir d’être soulagée de son lait l’emportait.

 

L’autre était peureuse. Une personne qui arrivait subrepticement à ses côtés la faisait sursauter. Quand elle voyait un fouet, elle comprenait et était d’une docilité exemplaire.

 

L’une était triste. Elle marchait toujours la tête baissée se demandant sans doute ce qu’elle faisait dans cette galère. Elle n’appréciait pas les marques de reconnaissance qu’on pouvait lui prodiguer.

 

L’autre était curieuse. Quand elle voyait un objet qu’elle ne connaissait pas, elle s’y en approchait et tentait avec sa langue d’en saisir la substance.

 

L’une était impulsive. Elle ne « réfléchissait » pas aux conséquences de ses actes. Elle réagissait spontanément et manifestait sa joie de façon exagérée.

 

L’autre était sournoise. Elle dissimulait sa colère ou son impatience de façon insidieuse et donnait un bon coup de patte de manière inattendue.

 

L’une était capricieuse. Elle dédaignait la paille qui lui était donnée pendant l’hiver se contentant de la mâchouiller au risque d’avoir faim.

 

L’autre était hautaine. Elle se mêlait peu au troupeau comme si elle avait été d’une race supérieure aux autres et qu’elle les méprisait.

 

Bref, comme on peut le voir, les vaches éprouvent des sentiments qui ressemblent à ceux des humains. Il s’agit de pouvoir les décoder. Quelle belle leçon de vie qui nous est offerte sur une ferme !

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# 3605                 16 avril 2017

 

La fête de Pâques

Cette année, la fête de Pâques est le 16 avril. C’était la même date en 1995 et en 2006. Ce sera la même date en 2028 et en 2090. Au cours du 20e et du 21e siècle, cette date arrive huit fois. Au plus tôt, la fête de Pâques arrive le 22 mars et au plus tard, le 25 avril. Elle s’étale sur une période de 35 jours.

 

En 2017, Pâques arrive assez tard. La date est conditionnée par la pleine lune. Il existe des calculs savants pour déterminer cette date. En effet, la fête est célébrée le premier dimanche suivant la pleine lune, soit celle qui arrive après l’équinoxe du printemps. Il y a donc une corrélation avec la température.

 

Quand j’étais jeune, la fête de Pâques signifiait la fin du carême qui débutait le mercredi des Cendres. Pendant 40 jours, sauf les dimanches, le jeûne était à l’honneur pour les personnes de 21 ans et plus. Les mercredis et les vendredis, la viande était interdite. C’était le poisson qui était à l’honneur.

 

Dans les faits, je ne sais pas pourquoi, le carême durait 39 ½ jours. Il se terminait le samedi saint à midi, soit la veille de Pâques. Dans ma famille, le dîner se prenait vers midi et trente pour ne pas être astreint aux règles du jeûne et de l’abstinence.

 

Au préalable, il y avait de longs offices à l’église. Le vendredi saint, jour le plus triste de l’année dans la chrétienté, marquait la commémoration de la mort de Jésus. À cet effet, à la question « Où et comment Jésus-Christ est-il mort », le petit catéchisme donnait la réponse que nous avions apprise par cœur : « Jésus-Christ est mort cloué à une croix sur le Calvaire, entre deux voleurs ». Un office religieux avait lieu à 15 heures dans toutes les églises. On y faisait la lecture du récit de la Passion selon saint Jean.

 

Le samedi saint, un long office religieux avait lieu à 8 heures du matin. Ce jour-là, la communion n’était pas permise, sauf pour les malades.

 

Enfin, le dimanche de Pâques arrivait. Compte tenu de l’étalement de la date de cette fête, certaines années, il arrivait que les chemins fussent encore traînants. Le clou de la fête n’était pas religieux, mais profane. Les femmes et les jeunes filles profitaient de la grand’messe de Pâques pour étrenner un chapeau qui faisait fureur ou était la risée. Le dîner pascal servait de prétexte pour des réunions de familles. L’après-midi, c’était souvent la randonnée à la cabane à sucre. Cette tradition existe encore, au moins dans ma paroisse natale.

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# 3525                 15 mars 2017

 

Message de Marsha

Le 5 juin 2016, je publiais dans ce blogue un message de Marsha Hodgson, fille de Barbara Belsaguy, une cousine de New York, et la petite-fille d’Antoinette Jean, la sœur de mon père. J’ai reçu un second message de Marsha. Devant l’intérêt qu’il présente et après l’avoir traduit en français, j’ai pensé vous en livrer de larges extraits.

 

………

 

J'avais 15 ans quand, pour la dernière fois, je suis allée à Montréal. C’était pour le mariage de Raymond, fils de Rosanne Jean et d’Archie Perrin. Ce mariage a été une grosse affaire, mais je me souviens seulement de visages flous. C'était tout un voyage pour moi, étant donné que, parmi les gens que j'ai rencontrés, peu parlaient anglais et que je ne parlais pas français ...

 

Ma grand-mère et moi sommes restés chez tante Valentine Jean et son mari Doria Valin. L’eau chaude n’était pas disponible pour prendre son bain. Toutefois, nous avons mangé des rôtis garnis de beurre d’érable. J’ai alors bu mon premier verre de sherry.

 

Quelques jours avant le mariage, nous sommes allés rendre visite à tante Rosanne où j’ai fait la rencontre de l’agréable Claude qui parlait anglais.

 

Après le mariage, j'ai été confiée à une famille Gravel qui m'a emmenée dans leur maison de campagne pendant quelques jours. Je devais me rendre seul par le beau métro de Montréal pour une courte distance. Les Gravel ne parlaient à peu près pas l’anglais. Pourtant, j'ai passé un merveilleux temps avec leur famille. Un jour, j'étais en chaloupe avec les deux gars plus âgés sur un lac bizarre car on y voyait à la surface des corps d’arbres morts. Toute heureuse, je jouais avec mes doigts dans l’eau pendant qu’ils ramaient. L’ainé me répétait un mot en français que je ne comprenais pas, jusqu'à ce qu'il remue le bras pour le décrire : serpents ! ce que j'ai compris. Nous avons tous bien ri !

 

Tout en me remémorant des moments passés, j'ai trouvé une photo de Mme Pierrette Gravel, et de ses quatre fils ... mais, honnêtement, je n'ai aucune idée si j’ai un lien de parenté avec eux. Cela m'a amenée à faire une recherche sur internet. J’ai essayé de trouver cette famille quelque part dans la généalogie des frères et des sœurs de ma grand-mère Antoinette.

 

Il y a quelques mois, ma sœur Vivian s’est inscrite à la compagnie 23andMe, une société de biotechnologie qui propose une analyse du code génétique des clients. Plusieurs parmi les 1400 parents auxquels elle a été appariée génétiquement ont des noms de famille que je reconnais dans la généalogie des Jean et des Boucher. Un certain nombre d'entre eux sont apparemment classés comme de la troisième et de la quatrième génération. Malheureusement, tout cela est perdu dans le temps. Cela me surprendrait qu’un jour je rencontre l'un d'eux.

 

Je suis surprise du fait que seul un de ces cousins porte actuellement le nom de famille Jean ! Il s'appelle Frédéric. Pourtant, une quinzaine d'autres ont des ancêtres Jean. Parmi eux, se trouvent les patronymes Brunelle, Rousseau, Ross, Fortin, Gagnon, Renard, Potvin, Daigle et Savaria. Alors que la question de nos liens de parenté avec ces personnes me semble pertinente et après avoir lu un peu de votre blogue aujourd'hui, je peux facilement voir comment les liens peuvent aller au-delà de Théophile et de Melchior ... peut-être aussi loin que l’ancêtre Vivien, comme vous l’avez dépeint dans votre blogue. Votre implication à la recherche a permis à des cousines ​​perdues comme moi d’avoir accès à un trésor de notre histoire, ainsi qu’à des fragments de faits intéressants. Je dois vraiment vous remercier pour cela. C'est malheureux que la vie nous a relégués comme des cousins ​​perdus dans le temps.

 

Après avoir retrouvé une photo défraîchie de la famille Gravel, je suis retournée sur le site 23andMe pour trouver un A. J. Gravel parmi nos références d'ADN répertoriées. Mon cerveau de 64 ans essaie de se rappeler les noms de certains des enfants Gravel que je me souviens avoir rencontrés, mais je ne peux pas me fier à mes souvenirs. Était-ce André ? Bernard ? Claude ? Je me souviens seulement que la jolie mère s’appelait Pierrette, sans avoir même la moindre idée du prénom de son mari. Il y a presque 50 ans déjà. (Note de l’auteur du blogue. Si jamais un membre de cette famille Gravel se reconnaissait, il peut communiquer avec moi.)

 

Il y a tellement d'informations perdues dans le temps. Ma grand-mère Antoinette est décédée en 1973, peu de temps après que mes parents ont eu leur dernier enfant, Jon, sur l'île de la Jamaïque. Plus jeune, j’aurais aimé comprendre l'importance de poser des questions sur notre famille.

 

J'ai été élevée à Brooklyn. Jusqu'au décès de ma grand-mère, nous avons visité tante Marguerite à Hillsdale, New Jersey, au moins une fois l’an. J'ai vu pour la dernière fois sa fille, Jean, dans les années 1990.

 

Je vis à Staten Island, NY. J’ai été mariée deux fois. Pendant 35 ans, j'ai travaillé, avant et après notre séparation, pour une entreprise de sylviculture appartenant à mon premier mari. Mon deuxième mari merveilleusement gentil et créatif, Ronnie Ardito, était un musicien auteur-compositeur. Il est décédé d'un cancer en 2008. Nous avions un groupe de rock - Yoko Gomez - autour des années 2000. Pendant quelques années, nous avons eu du plaisir en jouant à New York. Notre groupe était peu célèbre, mais son groupe de Brooklyn, The Shirts, était très populaire.

 

J'ai deux fils, l'un a 39 ans, l'autre 26 ans. Aucun n’est marié. L'aîné, Chris, a des problèmes complexes de développement et un trouble génétique du sang, bien que la plupart des gens qui le rencontrent ne le remarquent pas. Le plus jeune, Rob, occupe un poste au sein du Gouvernement et vit avec sa petite amie. Ils sont à la fois charmants, gentils, très intéressants ... Ils me visitent si souvent que je peux à peine faire mon travail !

 

Ma sœur Vivian, née en avril 1954, a épousé John Burns, un enseignant du New Jersey, où elle a élevé un fils et une fille qui ont maintenant 31 et 27 ans. Il y a plus de 10 ans, elle a déménagé à Jacksons Gap en Alabama. Elle a un petit-fils, nommé Charlie, du mariage antérieur de son fils, tandis que sa fille est nouvellement mariée.

 

Mon frère Charlie, né en 1958, était un génie. Il a épousé une jeune fille de Brooklyn, Susanne, et a emménagé à Woodstock en Géorgie, il y a 25 ans, où ils ont élevé un fils et une fille ni encore mariés, maintenant âgés de 27 et de 23 ans. Mon frère est tristement décédé d'une longue et inhabituelle suite de cancers. Il avait seulement 54 ans. Son idole était Albert Einstein. Il a été un programmeur de systèmes informatiques toute sa vie, avec une passion pour la mécanique quantique ... qu'il a partagée avec moi. Nous avons passé des heures à discuter de sujets qui intriguaient notre famille. Il me manque terriblement, d'autant que je n'ai plus personne pour exciter ma matière grise, comme il l'a fait.

 

Mon frère Jon Carl est né en Jamaïque quand j'avais presque 21 ans. Il a habité au New Jersey avec sa petite amie Meaghan. Il a finalement déménagé à Springfield dans le Missouri pour être proche de la famille de son amie dont le père a une ferme bovine. Ils ont un adorable fils de deux ans et un autre en chemin. Jon travaille pour une société informatique internationale, Riverbed Technology. Il voyage à travers le monde.

 

Ma mère Barbara, une policière à la retraite de New York, est maintenant âgée de 84 ans et vit toujours en Jamaïque. Mon père Charlie qui a été arboriculteur à la ville de New York est décédé en 2014, ayant presque atteint son 90e anniversaire. Maman a prononcé des vœux en tant que religieuse carmélite et a quitté il y a 20 ans. Elle a été très impliquée dans l’église catholique locale pendant des décennies. Au moment de la rédaction de ce document, elle est en visite chez Vivian.

 

Hé bien, cousin Charles ... J'espère ne pas vous avoir ennuyé avec mon histoire et mes souvenirs. Encore une fois, je voudrais vous remercier pour les merveilleux renseignements que vous avez mis en ligne. Ils réussissent à combler tellement de lacunes pour des gens comme moi, non seulement en préservant des informations qui pourraient autrement être perdues à jamais, mais encore - comme le montre votre blogue – ils révèlent qu'une grande partie de notre monde est entrelacée de façon que nous n'ayons jamais pu imaginer.

 

Je vous félicite et je suis très heureuse d’avoir la chance de communiquer avec vous ... même si c’est seulement pour un court moment.

 

Sourires et pensées heureuses vous accompagnent. D’une parente par le sang en dehors du temps et des lieux,

 

Marsha Hodgson (Fin du texte cité)

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# 3515                 11 mars 2017

 

Le temps des pommes

Au milieu du 20e siècle, l’abbé Charles-Émile Gadbois (1906-1981) a contribué plus que tout autre à enrichir la culture québécoise musicale notamment par la production de neuf albums de La Bonne Chanson.

 

La morale de l’Église catholique étant très rigide à l’époque, il a dû modifier, supprimer ou censurer des couplets ou des phrases des chansons folkloriques qu’il choisissait. Toutefois, il s’est repris dans ses propres compositions en allant à contre-courant de l’enseignement de la majorité des membres du clergé. Par exemple, il a évoqué même timidement la sexualité en ne faisant  que l’effleurer. Mais c’était déjà trop dans ce temps-là.

 

Ses paroles décrivent la vie de tous les jours et parfois traitent des relations amoureuses : un sujet tabou, surtout venant d’un prêtre. Il n’hésite pas à décrire des marques d’affection. Comme on l’a écrit, ses paroles sont « plaisantes, qu’on pourrait dire de laïc folâtre » et « sans bondieuserie des amours naissants ».

 

 

Je me souviens d’avoir entendu souvent, dans les années 1950, la chanson Le temps des pommes écrite par l’abbé Gadbois quelques années plus tôt. Jugez vous-même si le texte est un accroc aux bonnes mœurs :

 

C'était au temps des pommes

Colin avait douze ans

Mais il faisait son homme

Comme un garçon de vingt ans

Un jour avec Colette

La fille du voisin

Ils faisaient la cueillette

Des pommes du jardin

 

À peine à l'ouvrage

Il voulut un baiser

Mais Colette étant sage

Crut bon de refuser

Elle ajouta quand même

Je te le donnerai

Si tu remplis toi même

Ton panier le premier

 

Le père de la belle

Caché non loin de-là

Suivit d'un œil fidèle

Ce qui s'y déroula

Il vit que sa Colette

Des pommes pleins les mains

En mettait en cachette

Dans le panier d'Colin

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# 3455                 15 février 2017

 

Course en taxi

L’autre jour, j’ai pris un taxi. Il m’a offert de m’asseoir en avant. J’ai accepté. Je lui ai dit : « Rue Ste-Catherine Est. Il y a la station de métro Papineau, puis à l’Est l’épicerie Métro. Encore plus à l’Est une pharmacie. C’est là que je vais ». J’ai senti qu’il avait cessé de m’écouter à un moment donné.

 

D’après son physique, il était probablement originaire du Proche-Orient, mais il parlait québécois. Il m’a mentionné que la température était en dents de scie, que la neige tombait abondamment une semaine et fondait l’autre semaine. Je me suis dit : « Puisqu’il parle de température, il est totalement intégré à la culture québécoise ». Bref, c’était un homme charmant qu’on rencontre plutôt rarement chez les taxis de Montréal.

 

Parvenu presqu’en face de l’épicerie Métro, il s’est arrêté devant une pharmacie. Je lui ai dit : « C’est plus à l’Est. » Il m’a répondu : « Je connaissais cette pharmacie et je pensais que c’était elle ». Mes soupçons venaient de se confirmer. Dans sa tête, au moment où je parlais, il avait repéré la fausse pharmacie et avait senti qu’il n’avait plus besoin d’entendre la suite.

 

Voilà un fait banal, s’il en est un. Mais, il nous arrive parfois de tomber dans le même piège, soit de penser avoir compris avant de laisser terminer l’interlocuteur.

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# 3385                 18 janvier 2017

 

Mère au foyer

Dans les années 1950 et bien avant, le rôle de l’homme et de la femme dans la société était clair. L’homme était le pourvoyeur. Il travaillait dur parce que les outils étaient rudimentaires. La femme était reléguée au foyer. Elle avait la tâche de nourrir la famille, d’entretenir la maison et d’éduquer les enfants. Chez les cultivateurs, elle devait, tant que les enfants n’étaient pas en âge de travailler, participer aux travaux des champs et faire la traite des vaches.

 

C’est le rôle que ma mère, comme épouse de cultivateur, a tenu sans jamais rechigner. Elle le savait. Elle était au service de son mari et de ses enfants. Elle avait accepté d’agir ainsi. Elle y trouvait un bénéfice personnel. Plus souvent qu’autrement, elle outrepassait son rôle en prenant et en assumant à peu près toutes les décisions du couple. Elle faisait semblant que mon père décidait, mais dans la pratique c’est elle qui était l’initiatrice et la réalisatrice de la plupart des projets.

 

Évidemment, le curé qui était nourri et dorloté par une servante préconisait la soumission de la femme à son mari. Cela n’a pas empêché ma mère d’être heureuse et de conduire sa barque selon ses propres valeurs.

 

La femme de l’époque avait plusieurs enfants. Ma mère en a mis 11 au monde. On peut difficilement aujourd’hui imaginer cette situation : être enceinte pendant 11 fois 9 mois. D’ailleurs, quand son dernier enfant est né, elle avait 47 ans et 6 mois.

 

On ne parlera jamais trop de ce que ces femmes au foyer, comme ma mère, ont vécu : perte d’un enfant à la naissance ou par maladie, inquiétudes pour être certaines de nourrir convenablement la famille, désir que les enfants aient une éducation suffisante pour qu’ils soient heureux et aient une vie à leur mesure. Les femmes au foyer ont contribué à stabiliser la famille. Les enfants se sentaient en sécurité parce qu’une adulte en prenait soin à plein temps.

 

Certaines femmes auraient pu apporter une contribution significative à la société et non seulement mettre des enfants au monde pour la patrie. Elles ont toutefois aidé leur mari à prospérer davantage en leur suggérant des pistes pour améliorer le sort de la famille.

 

De nos jours, la situation a bien changé. Elle n’est pas meilleure, ni pire ; elle est différente. Dans le passé, si on avait fait appel aux femmes dans diverses professions, l’équilibre aurait été meilleur. Il était indécent de négliger des talents qui auraient été un plus pour la société.

 

Si ma mère avait vécu 50 ans plus tard, il est fort probable que je ne serais pas là, parce que je suis le sixième enfant (ce qui dépasse 2 ou 3), mais elle aurait davantage exploité ses talents de leadership et d’organisatrice.

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# 3340                 31 décembre 2016

 

Le Jour de l’An

Quand j’étais jeune, ma mère avait acheté un gramophone qui était placé sur un petit bureau dans la cuisine. Nous avions quelques disques de La Bolduc. En particulier, dans le temps des Fêtes, nous écoutions la chanson « C’est dans l’temps du jour de l’an » qui décrit une autre époque. Voici les paroles de cette chanson :

 

Préparons-nous son père pour fêter l’jour de l’an
J’vas faire des bonnes tourtières, un bon ragoût d’l’ancien temps

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Peinture ton cutter, va ferrer ta jument
On ira voir ta soeur dans l’fond du cinquième rang

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Va t’acheter une perruque, fais toé poser des dents
C’est vrai que t’as rien que moi à plaire mais tu s’rais plus ragoûtant

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Dis bien à ton n’onc’ Nazaire douè ben v’nir au jour de l’an
Mont’-z-y ton savoir
-faire comme tu dansais dans ton jeune temps

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Tâche pas de pardre la tête comme t’as fait il y a deux ans
T’as commencé à voir clair quand t’avais pus d’argent

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ça arrive rien qu’une fois par année

 

Y en a qui vont prendre un verre, y vont profiter de c’temps-là
Aujourd’hui, ça coûte si cher, y a pas d’monde qui travaille pas

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Il y en a qui sentent la pipe et d’autres qui sentent les oignons
J’aime bien mieux vous le dire tout de suite, la plupart sentent la boisson

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ça arrive rien qu’une fois par année

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# 3320                 23 décembre 2016

 

À la table

Quand j’étais jeune, les repas se prenaient autour d’une table rectangulaire que mon père avait fabriquée. Cette table faite en bois franc pouvait accueillir au moins 10 personnes. Un long banc était disposé du côté Ouest. Il accueillait les garçons qui prenaient toujours la même place par ordre d’âge. Mon père s’assoyait du côté nord au bout de la table, ma mère, à ses côtés et les filles, du même côté que ma mère.

 

L’idée de placer les filles du côté Est s’expliquait par le fait que les filles, mais aussi ma mère, faisaient le service. Les garçons, eux, n’avaient pas le droit de se lever. Il fallait toujours demander lorsqu’il nous manquait quelque chose, comme un ustensile.

 

Au début de chaque repas, avant que nous prenions place, nous récitions le bénédicité : « Bénissez-nous, ô mon Dieu, ainsi que la nourriture que nous allons prendre. Au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. » C’était la prière recommandée par le petit catéchisme.

 

Les repas satisfaisaient toujours notre faim. Rien ne battait les bouillis de légumes à l’automne, étant donné que les légumes étaient fraîchement cueillis. En hiver, quoi de plus savoureux que le lièvre. Nous allions même jusqu’à manger la cervelle. Les tartes ou les gâteaux en portion limitée suivaient.

 

S’il arrivait que nos jeunes estomacs aient encore un petit coin à satisfaire, des bouchées de pain à satiété trempées dans de la mélasse ou du sirop doré ne rataient jamais leur coup.

 

Après le repas, nous récitions une autre prière : « Merci, mon Dieu, pour le bon repas que nous avons pris et pour ceux qui l’ont préparé. Au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. » Cette prière qui est différente de celle du petit catéchisme a probablement été inventée par ma mère ou encore elle provenait de ses parents. Nous pouvions alors quitter la table ou encore continuer à jaser.

 

Le dimanche midi, c’était plus solennel. Le menu était plus diversifié que les autres jours et ma mère remplaçait le bénédicité par l’Angélus en latin. Ma mère disait la partie marquée V et nous répondions par la partie R. Voici cette prière :

 

V. Angelus Domini nuntiavit Mariæ,
R. Et concepit de Spiritu Sancto.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum. Benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris tui, Jesus.

Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ.

V. Ecce Ancilla Domini.
R. Fiat mihi secundum Verbum tuum.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum …

V. Et Verbum caro factum est.
R. Et habitavit in nobis.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum …

V. Ora pro nobis, Sancta Dei Genetrix.
R. Ut digni efficiamur promissionibus Christi. Amen.

 

L’Ave Maria est la version latine du Je vous salue Marie. C’était une des premières prières que nous apprenions en latin à l’école.

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# 3260                 29 novembre 2016

 

La sécurité

De temps à autre, j’entends des gens dire que, depuis qu’un événement malheureux s’est passé dans le voisinage, ils ferment leurs portes à clef le soir.

 

Quand j’étais jeune dans les années 1940 en campagne, mon père qui pourtant n’était pas peureux tenait à ce que les portes de la maison soient fermées à clé pendant la nuit. Le jour, c’était différent. Dans le va-et-vient des membres de la famille, il aurait été impensable de barricader les portes.

 

Quand mes parents partaient pour une soirée à l’extérieur, l’ainée de mes sœurs nous gardait. Elle était avertie qu’il fallait barrer les portes dès leur départ. Un soir que nous étions seuls et que nous étions à jouer au bureau de poste, un homme frappa à la porte du tambour. Ma sœur alla répondre sans ouvrir la porte :

- Qui est là ?

- C’est Joseph Lagacé.

- Mes parents ne sont pas là.

 

M. Joseph venait voir son bon ami, mon père. Il est retourné bredouille.

 

Il est étonnant que personne de notre famille ne fût blessé de façon importante lors des travaux de l’étable et des champs. Il y aurait eu 1000 occasions de vivre ces malheurs. Que ce soit la fourche qui emplissait le voyage de foin et qui aurait pu malencontreusement atteint un bras ou même la figure. Que ce soit les vaches qui, lors de la traite, auraient pu ruer de façon énergique. Que ce soit les chevaux quand on les faisait boire et qu’il fallait entrer dans leur crèche. C’était autant d’occasions où le danger était réel.

 

Que ce soit, lors des voyages à l’église, où les chevaux devaient cohabiter avec les automobiles ou les camions. Que ce soit les ours quand nous allions aux fraises ou que nous allions porter le diner de mon père. Que ce soit les glissades en toboggan ou en traîneau. Que ce soit le bœuf qu’on devait écarter pour ne pas qu’il vienne à l’étable pour la traite des vaches. Que ce soit les jeunes veaux à qui on apportait des chaudières de lait et qui avaient tendance à foncer sur nous, plutôt par jeu. C’était autant d’occasions où le danger était réel.

 

Mes parents étaient conscients des dangers, mais nous les jeunes en étaient plutôt indifférents. Ma mère surtout veillait, sans exagération, à ce que notre environnement soit le plus sécuritaire possible.

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# 3245                 23 novembre 2016

 

Un nouveau livre

Les Éditions Goélette viennent de publier un nouveau livre d’énigmes de mon crû. Le titre est Énigmes et devinettes du jeudi. Il fait partie d’une collection intitulée Les jeux de la semaine. Il est en vente dans les librairies du Québec. Le prix de détail suggéré est de 5,95 $.

 

Sur son site, l’éditeur a écrit : « C'est jeudi et c'est l'heure de relever un défi ? Mettez votre logique à l'essai et tentez de résoudre ces casse-tête et devinettes en tous genres ! ».

 

Les derniers livres que j’ai publiés sont :

365 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Goélette, 2010.

1001 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2010.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2012.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2015.

Saint-Mathieu-de-Rioux raconte son histoire, Édité par la municipalité, 2016.

 

En avant-propos, j’ai écrit :

« Les 110 énigmes de ce livre

ont été conçues

pour donner à vos méninges

encore plus de vitalité.

 

Tout en parcourant le livre,

vous serez surpris de constater

que votre capacité à résoudre des énigmes

s’améliore constamment.

 

Amusez-vous bien ! »

 

Un cadeau de Noël pour tous ceux et celles qui aiment les divertissements intellectuels !

 

(L’image appartient aux Éditions Goélette.)

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# 3210                 9 novembre 2016

Coutumes d’autrefois

Je vous présente certaines coutumes qui existaient au Québec en 1950 et avant. Il n’est pas dit que les personnes qui vivaient à cette époque ont toutes connu ces coutumes.

 

• Au 1er de l’an, quand la famille était rassemblée le matin ou après la messe, le père debout bénissait mère et enfants qui étaient à genoux. Il disait : « Je vous bénis, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Certains ajoutaient des souhaits.

 

• En la fête de l’épiphanie, le 6 janvier, il y avait un souper réunissant la parenté. La ménagère avait fabriqué un immense gâteau où elle avait caché deux fèves. Les deux personnes qui trouvaient les fèves dans leur portion de gâteau étaient reine et roi de la soirée.

 

• Le soir du Mardi-Gras, des personnes vêtues de costumes souvent vieillots et la figure cachée passaient de maison en maison pour une dernière fête avant le carême.

 

• À l’automne, les épluchettes de blé d’inde étaient courues. Les jeunes hommes rêvaient de piger un épi rouge pour pouvoir donner un bec à celle qu’il reluquait.

 

• Lorsque les hommes étaient endimanchés, ils portaient un chapeau de paille ou de feutre selon les saisons. Ils devaient enlever leur chapeau dans l’église.

 

• Lorsque les femmes étaient endimanchées, elles portaient un voile sur la tête ou un chapeau de style divers. En tout temps, elles devaient conserver leur coiffure dans l’église.

 

• Lors des cérémonies religieuses, la plupart des familles occupaient leur propre banc qui avait été loué pour l’année. Les hommes prenaient la première place du côté de l’allée. Si le père était absent et qu’un adolescent était présent, c’est ce dernier qui occupait la première place.

 

• Lors des fréquentations, c’est toujours le futur époux qui visitait la jeune fille au domicile de celle-ci. Il n’était pas bien vu de faire ses rencontres pendant la semaine de travail. Pour faire une sortie à l’extérieur de la maison ne serait-ce qu’aller prendre une marche, le prétendant demandait la permission aux parents de la jeune fille. Ceux-ci acquiesçaient à la condition qu’un membre de la famille agisse à titre de chaperon.

 

• La demande en mariage se faisait souvent au père de la future épouse. Pour l’occasion, le prétendant avait eu soin de revêtir ses plus beaux habits.

 

• À 25 ans, une jeune fille encore célibataire devenait une vieille fille. On les appelait les catherinettes. Certaines trouvaient quand même maris par la suite, parce que tous les hommes ne se mariaient pas avant cet âge.

 

• Le parapluie était utilisé seulement par les femmes. Il n’était pas de bon ton de voir un homme sous un parapluie.

 

• Lorsque les gens avaient un problème d’articulations, ils allaient voir un ramancheur. Celui-ci acceptait les dons.

 

• Les parents faisaient peur aux enfants pour qu’ils se couchent tôt, soit au plus tard à 7 heures du soir. Le personnage menaçant était le Bonhomme Sept Heures qui risquait de les enlever.

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# 3150                 16 octobre 2016

 

Mon père semait

Nous sommes en 1950. J’avais neuf ans. Après avoir lu les bandes dessinées du journal l’Action catholique assis dans une chaise de la cuisine, je m’approchai de la fenêtre du nord. Je vis mon père en train de semer de l’avoine dans le clos face à la maison.

 

J’ai été surpris de voir que mon père répandait les grains à la main. Je me disais : « Il me semble qu’il devrait y avoir des instruments pour effectuer cette tâche. » En même temps, je me suis rappelé le texte du semeur de l’évangile que nous avions appris à l’école où Jésus disait : « []Un semeur sortit pour semer. Et comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux, étant venus, ont tout mangé. Mais, d'autres sont tombés sur de la bonne terre et ils ont donné du fruit au centième. »

 

J’espérais que la récolte soit centuplée. En même temps, je me demandais comment mon père faisait pour répartir les grains de blé d’une façon convenable. Quand mon père se rapprocha de la maison, je constatai qu’il ne semait pas avec ses mains, mais qu’il avait une curieuse poche en bandoulière sur une épaule.

 

La poche était de couleur blanche tirant sur le gris et elle était de toile assez épaisse. Sur le haut, une fermeture éclair bouclait la poche. Sur le bas, il y avait une bande de métal qui faisait la largeur de la poche. Sur cette bande était attachée une manivelle. Il s’agissait pour mon père de tourner la manivelle, tout en se déplaçant de façon ordonnée pour couvrir l’ensemble du sol.

 

J’ai fait des recherches sur internet pour voir des photos de ce semoir manuel. Je n’ai rien trouvé. Serait-il possible que cet instrument ait été fabriqué de façon artisanale par un forgeron ? Une chose est certaine. Il y a toujours eu des patenteux au Québec.

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# 3110                 30 septembre 2016

 

Veillées chantantes

Avant l’avènement de la télévision, la plupart des loisirs, surtout en hiver, se passaient autour du poêle à bois. Ma mère, voulant promouvoir le chant dans la famille, a acheté un piano d’une dame de Mont-Joli le 6 novembre 1951. Lors de veillées spéciales à la maison, comme pour les noces ou les anniversaires, le piano était là pour accompagner les chanteurs plus ou moins expérimentés.

 

La même année, ma mère a acheté les sept tomes de La Bonne chanson, et plus tard les tomes 8 et 9. L’auteur de ces albums était l’abbé Charles-Émile Gadbois, né en 1906 près de Saint-Hyacinthe. En 15 ans, l’auteur a composé et recueilli plus de 500 chansons. Son leitmotiv était : « Un foyer où l’on chante est un foyer heureux. »

 

Le seul fait de lire les textes de ces albums et de regarder les images propres à chaque chanson constituait pour moi un vrai voyage vers le passé et un peu vers l’avenir. On y trouvait des chansons du folklore français, de même que de nombreuses autres dont les paroles et la musique étaient de l’abbé Gadbois.

 

En 1938, le Conseil de l'instruction publique recommanda à toutes les commissions scolaires d’acheter les albums de La bonne chanson et de les diffuser dans toutes les écoles. Toutefois, je ne me souviens pas d’avoir vu de ces recueils à l’école du rang où j’allais.

 

En même temps, le Conseil incita fortement les familles à se les procurer. L’œuvre de l’abbé Gadbois a même reçu une bénédiction papale. Ces gestes contribueront grandement au succès commercial  des albums puisqu’en 20 ans la vente s’élèvera à 30 millions d’exemplaires, alors que le Québec comptait un peu plus de 3 millions d’habitants à cette époque.

 

Chez nous, lors des veillées de familles, les chansons étaient puisées dans les albums de La Bonne Chanson qui trônaient sur le piano de la cuisine. Parallèlement, elles ont fait rapidement partie de la culture populaire québécoise au milieu du siècle dernier.

 

Quel souvenir merveilleux que de se remémorer ces belles chansons ! L’abbé Gadbois a réussi son pari, lui qui voulait contrer l'influence grandissante de la chanson française ou américaine dans les foyers et à la radio.

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# 3085                 20 septembre 2016

 

Les amis d’enfance

Dans mon enfance, je n’ai pas eu d’amis en dehors de ma famille. La raison est simple. Il n’y avait pas de jeunes de mon âge dans les environs du domicile de mes parents. À l’époque, dans la partie Ouest du rang 5 où je demeurais, il y avait une seule famille qui avait des enfants. Le plus jeune avait 10 ans quand j’avais 6 ans et 15 ans quand j’avais 11 ans. Les âges nous séparaient.

 

Dans ma famille, j’avais une sœur quatre ans plus âgée que moi et un frère deux ans plus jeune. Ce dernier n’avait pas les mêmes intérêts que moi.

 

Sur le chemin de l’école, j’étais toujours avec des membres de ma famille. Nous étions trois ou quatre selon les années à marcher contre vents et froid vers l’école sur une distance de moins d’un kilomètre.

 

À l’est de l’école, il y avait une seule famille qui avait deux enfants de près de mon âge. D’ailleurs, la mère de ces enfants était la cousine de ma mère. Nous nous rencontrions en classe, mais comme, la plupart du temps, le silence était de rigueur, il était difficile de tisser des liens d’amitié.

 

Le seul moment où il était possible de fraterniser, c’était sur l’heure du dîner quand nous prenions notre repas à l’école en hiver lors de grands froids. Bien sûr que des rapprochements s’opéraient, mais ce n’était pas suffisant pour en arriver à une certaine complicité.

 

Quand j’ai marché au catéchisme à 11 ans, j’ai pu m’entretenir avec des jeunes de mon âge. Encore là, la durée des échanges ne permettait pas d’établir une relation approfondie.

 

Ce n’est qu’à 12 ans, lors de mon entrée au Séminaire, que j’ai pu me faire de véritables amis. La première année, nous étions 160 élèves à entreprendre des études classiques. Dans ce groupe, il y en avait une bonne douzaine qui était à peu près de mon âge. Les autres plus âgés avaient tendance à me considérer comme un bébé.

 

Si j’ai eu peu d’amis dans mon enfance, mes confrères ont largement compensé et encore aujourd’hui nous nous rencontrons assez souvent dans le cadre d’une amitié durable. D’ailleurs, certains de mes confrères plus âgés m’ont déjà admis qu’ils auraient aimé mieux me connaître dans le temps.

 

Qu’on le veuille ou non, l’âge est un critère de sélection très important dans la possibilité de se faire des amis.

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# 3035                 31 août 2016

 

Les chevaux

Mon père a toujours eu deux chevaux. Cela était nécessaire, car il fallait en avoir deux pour tirer la faucheuse. Chacun était placé de chaque côté d’un pôle. Après le fauchage, l’un servait à faire le râtelage à l’aide d’un grand râteau et l’autre à tirer la charrette de foin.

 

Quand j’étais jeune, mon  père avait une jument grise qu’on appelait la Grise. Elle était douce et facile à conduire. Elle aimait se faire voir et, lors des déplacements vers le village, elle était pleine d’exubérance. Elle aimait galoper. Mon père avait aussi un étalon de couleur brune appelé le Pitou. Celui-ci était plutôt paresseux. Les deux formaient quand même une bonne « team », comme on disait à l’époque.

 

Quand la Grise eut 12 ou 13 ans, mon père décida de s’en départir. Il l’échangea contre un cheval qui était estampé comme venant de l’Ouest canadien. C’était probablement un cheval sauvage qu’on avait capturé. Quand ma mère a vu ce cheval qui s’appelait le Black, elle a dit à mon père : « Tu as fait une mauvaise transaction. Ce n’est pas un cheval pour toi ». Autant ma mère était bonne en affaires, autant mon père avait de la difficulté dans ce domaine.

 

Quelques jours plus tard, mon père est allé au sixième rang pour charroyer des billots. Croyez-le ou non, le Black s’est dételé et, à la course, s’est enfui vers l’étable. C’est une distance d’au moins deux milles. La porte de l’étable étant en deux parties et la partie la plus basse étant fermée, il a attendu le cou sur le cadre de la porte. L’intuition de ma mère venait de se confirmer.

 

Mon père est allé voir le maquignon et il a échangé le Black contre une jument qu’on appelait la Nelle. Cette jument avait été mal domptée. Elle ne comprenait pas les ordres « hue » ou « ya ». Bien plus, il ne fallait pas tirer sur les cordeaux pour l’arrêter, car elle partait à la course. Le seul ordre qu’elle comprenait, c’était lorsqu’on tirait à droite ou à gauche sur les cordeaux.

 

Lors de quelques étés, j’ai été assigné au grand râteau et c’est la Nelle que je devais conduire. Au début des foins, c’était très difficile. Le grand râteau étant très large, lorsqu’on entrait dans un champ, il ne restait qu’un ou deux pouces de chaque côté de la clôture. Il fallait que je vise le centre, sinon la clôture aurait été arrachée.

 

J’ai compris rapidement qu’il fallait l’épuiser pour qu’elle se calme. À la fin de la saison, elle était plus facile à diriger. Un jour que je devais descendre une grande côte le râteau levé, elle est partie à la course. Je ne pouvais pas la retenir comme, c’était normal pour elle, en tirant sur les cordeaux. J’ai baissé rapidement le râteau et j’ai tiré de toutes mes forces vers la droite. Elle a dû interrompre sa descente, mais j’avais eu le temps d’avoir peur.

 

Qu’est-il advenu de la Grise ? Un après-midi d’août, j’ai vu passer devant la maison un garçon de 14 ou 15 ans qui la tenait par la bride et qui l’amenait à la ferme de son père, un M. Belzile, qui demeurait au troisième rang de Trois-Pistoles. Je ne sais pas si l’adolescent était venu à pied. Peut-être son père l’avait-il amené en automobile ? Une chose est sûre, le jeune garçon a dû parcourir une distance de près de 10 milles pour son retour.

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# 2975                 21 juillet 2016

 

Mariage de mes parents

Le 30 mars 1932 à 7 heures du matin, mon père Edmond Jean et ma mère Marie-Laure Théberge se marie en l’église de Saint-Mathieu-de-Rioux devant le curé Joseph Gauvin.

 

La famille Théberge est là de même certains membres de la famille Jean et de la famille adoptive. Les témoins sont le père adoptif d’Edmond, Ludger Ouellet, et le père de Marie-Laure, Émile Théberge. Outre les époux et les témoins, Léo Théberge, frère de Marie-Laure, appose sa signature sur l’acte de mariage.

 

Le dîner de noces a lieu chez Émile Théberge. En après-midi, les jeunes époux montent dans la carriole tirée par un cheval et se rendent au rang 5 dans leur nouvelle résidence, sur une ferme achetée quelques mois auparavant de Philéas Gaudreau. La soirée de noces est prévue pour le même soir, mais mon père décide en arrivant chez lui qu’il ne veut pas y aller. Alors, mes parents ne se présentent pas. Ma mère qui aime beaucoup les relations sociales et familiales est très déçue.

 

Voici ce que Marie-Ange Jean, la sœur de mon père, a écrit dans son autobiographie :

« Pendant ma deuxième année d'enseignement à Saint-Mathieu, mon frère Edmond acheta la terre de Philéas Gaudreau. Comme il était seul, il me demanda pour aller rester avec lui. Je quittai ma pension chez M. Bérubé pour aller rester avec lui. Je m'avisai de faire du grand ménage par les soirs et les fins de semaine, me voilà lavant murs et plafonds. Après quelques jours, j'avais de la peine à me tenir droite, j'avais mal aux reins, j'avais les muscles endoloris. C'était le fun pour la petite maîtresse d'école, ah ! ah ! ».

 

« Mon frère se maria quelques mois après avec Marie-Laure Théberge, une fille très bien qui prit sa place comme maîtresse de la maison. Je pris pension chez eux pour finir l'année scolaire. »

 

Selon la coutume, mes parents ne firent pas de voyages de noces. C’est beaucoup plus tard en 1965 qu’ils firent leur premier voyage ensemble. Voici ce que ma mère a écrit à ce sujet :

 

« Oui, nous avons fait notre voyage de noces. Ça faisait 33 ans que nous étions mariés. Papa, la maladie l’a pris en montant. Rendus à Montréal − Mont-Laurier, on a pu se rendre à Val d’Or où il a été hospitalisé. Il a subi une opération de la prostate. Il a été un mois à l’hôpital. […] On a été 6 jours à notre voyage, nous sommes allés à Barraute et Amos. C’est le premier voyage que nous faisions, partis le 18 août 1965 ».

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# 2935                 5 juillet 2016

Médaille du scapulaire

Il y avait autrefois des pratiques religieuses encouragées par l’Église qui peuvent aujourd’hui nous surprendre. Quand j’étais jeune, ma mère nous faisait porter une médaille du scapulaire.

 

À l’origine, le scapulaire était un vêtement religieux de couleur brune, formé d’une seule pièce. Il était percé en son centre pour permettre à la tête de passer. Un côté pendait sur la poitrine et l’autre, dans le dos. On raconte que la Vierge Marie, lors d’une apparition à Simon Stock en 1251, lui avait donné un scapulaire en lui disant : « Quiconque meurt revêtu de ce scapulaire sera préservé des flammes éternelles. » Cette promesse a été interprétée par l’Église comme une certitude de ne pas aller en enfer à la mort et d’être délivré du purgatoire le samedi après la mort, sans compter la protection constante, durant la vie, dans tous les dangers de l'âme et du corps.

 

Comme ce vêtement était peu pratique pour les laïcs, il a été remplacé par  deux morceaux de laine brune de forme carrée. Les morceaux étaient reliés par un cordon dont un morceau était porté sur la poitrine et l’autre, sur le dos.

 

Plus tard, le scapulaire a été remplacé par deux petits carrés de tissu  en laine sur lesquels étaient cousues l'image du Sacré-Cœur de Jésus et  l'image de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il se portait alors sur la poitrine.

 

Si je me souviens bien, le scapulaire que ma mère avait confectionné était composé d’un morceau d’étoffe brune de forme carrée sur lequel était attachée une médaille du Sacré-Cœur. Un court cordon relié au tissu pouvait être épinglé à notre camisole. Il est probable que la médaille avait été bénie par un prêtre.

 

L’Église recommandait de porter ce scapulaire en tout temps, mais ma mère l’exigeait seulement pour les sorties à l’extérieur de la maison, comme pour la messe et les autres cérémonies religieuses. Elle craignait alors que nous ayons un accident lors des déplacements. Le scapulaire était alors une protection. S’il arrivait malheur, au moins nous ne mourrions pas en état de péché mortel et nous irions rapidement au paradis. Nous demeurions alors à environ trois milles et demi de l’église.

 

Personnellement, je n’ai jamais cru aux bienfaits du scapulaire. Dès mon retour à la maison, il se retrouvait dans un tiroir de mon bureau. Le port du scapulaire dans ma famille n’a pas duré très longtemps, probablement à cause de notre indifférence.

Un fait inusité, Jean-Paul II qui a  été pape de 1978 à 2005 avait toujours deux scapulaires en sa possession : un qu'il portait de jour comme de nuit et un second plastifié qu'il portait lors de sa toilette quotidienne dans le but de rester continuellement sous la protection de la Vierge Marie. J’aimerais connaître l’opinion du pape François sur le port du scapulaire.

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# 2895                 19 juin 2016

Grange de mon père

Les granges-étables d’autrefois étaient construites à peu près sur le même modèle. La structure était de bois. Elles comportaient deux étages. Le rez-de-chaussée qu’on appelait étable abritait les animaux d’élevage comme les chevaux, les bœufs, les porcs et les moutons. Le deuxième étage constituait la grange qui servait à stocker les récoltes de foin ou de grain et à remiser certains instruments agricoles.

 

Mon père a bâti une grange-étable neuve en 1946 (voir ci-contre). Elle était dans la direction est-ouest au nord du chemin. Voici sa description :

 

Sur la devanture, il y avait deux portes : l’une pour faire circuler les chevaux et l’autre, les vaches. Le plancher était de ciment. Transversalement, il y avait deux allées. L’une était au même niveau que le plancher et était destinée à la circulation. L’autre était basse de trois ou quatre pouces et servaient à recueillir le fumier des animaux comme les chevaux et les vaches.

 

Du côté ouest, au nord on comptait trois crèches pour les chevaux et au sud un clos pour les cochons et un petit clos pour la saillie. En face de la première porte de l’ouest, il y avait le « corps à l’eau » et une porte pour entrer dans la remise. À l’est, au nord se trouvaient une dizaine de crèches pour les vaches et une autre porte pour atteindre la remise. Au sud, un autre clos à cochons et trois crèches pour les taurailles.

 

Au nord, il y avait la remise. Une allée constituée d’un plancher en bois permettait aux personnes de circuler pour soigner les chevaux et les vaches. Le foin et la paille étaient entassés plus au nord.

 

À l’extrémité Ouest de la remise, il y avait une porte qui conduisait à la bergerie, endroit où les moutons passaient l’hiver en libre mouvement.

 

Sur la photo de la grange, on voit à gauche une annexe pour cacher le fumier et à droite l’entrée du fenil.

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# 2860             5 juin 2016

Message de Marsha

J’ai reçu dernièrement un courriel d’une petite-cousine qui vit à New York où elle est née. Le message était accompagné de trois photos qui apparaissent à la fin de ce texte. Personnellement, je n’avais jamais vu de photo de ma grand-mère Élise Boucher. Même tante Marie-Ange Jean, sa fille, n’a jamais vu de photo de sa mère. J’ai traduit le message en français. Le voilà.

……………….

 

Bonjour cousin !
Mon nom est Marsha Hodgson. Je suis la fille de Barbara Belsaguy, une cousine de New York dont le nom est mentionné dans les mémoires de Marie-Ange Jean. Barbara est la fille de Marie Antoinette qui est la sœur de Marie-Ange. Pendant 2 ans et demi, Barbara a vécu à la ferme de sa tante (située au rang 3 Ouest à Saint-Mathieu-de-Rioux).

Barbara est devenue policière à la ville de New York. Plus tard, elle a prononcé des vœux dans l'ordre des Carmes Déchaux. Elle a maintenant 83 ans et elle vit sur l'île de la Jamaïque dans les Antilles. Elle est très impliquée dans son église paroissiale.

Quand j'avais environ 5 ans, vers 1957, j'ai eu la chance de visiter la ferme de tante Marie-Ange dont je garde beaucoup de bons souvenirs qui sont encore chers à mon cœur.

Pour une jeune enfant vivant dans un petit appartement de Brooklyn, cette maison de ferme semblait être un grand manoir.

Après toutes ces années à avoir compté seulement sur ma mémoire, c’est tout un régal de voir les photos de Marie-Ange, sa famille et la ferme. C’est exactement comme je me souviens. Je souhaiterais que vous puissiez voir à quel point je suis souriante en ce moment ... aussi, avec quelques larmes aux yeux !

Puis, il y a la photo de la charrette à foin. Oh mon Dieu ! Lors de ma visite, nous étions possiblement dans la même charrette pour aller, soit au foin, soit  à la cueillette de framboises.

Au retour à la maison, tante Marie-Ange m'a donné un panier et m’a demandé d'aller ramasser les œufs au poulailler. J'étais heureuse qu’on m’assigne des tâches, mais celle-ci a été très excitante et satisfaisante pour une jeune enfant.

Dans sa merveilleuse cuisine, tante Marie-Ange préparait des tartes aux framboises cueillies ce jour-là. Nous, tout petit, étions juste à côté d'elle, la regardant attentivement, attendant avec impatience notre tour de faire nos propres petites tartes.

Elle a donné à chacun un couvercle de pot en métal, qui allait bientôt être utilisé comme assiette à tartes.

Après que tante Marie-Ange eut terminé la découpe des morceaux de pâte nécessaire pour ses tartes, elle a donné aux enfants des restes de morceaux pour nos petits moules, puis elle nous a aidés à les remplir de framboises. Aujourd’hui, je peux presque sentir et goûter ce précieux régal.

Ce fut une expérience merveilleuse pour une enfant de la ville. C’est, d’ailleurs, une histoire que j’ai souvent racontée.

La lecture des mémoires de Marie-Ange m’a fait chaud au cœur. Il y a des histoires que j'avais entendues en partie, et un grand nombre que j’ignorais, par exemple, qu'elle était enseignante.

Il est particulièrement agréable de constater son sens de l’humour, ce qui est quelque chose que ma grand-mère Marie Antoinette possédait aussi.

Ma grand-mère m’a raconté que, dans sa jeunesse, un jour, elle était assise sur une balançoire à deux bancs en face d'un charmant jeune homme. Au cours de leur conversation, leurs genoux se sont frappés ... et, grand-mère a passé quelques semaines terribles en espérant qu'elle n'était pas tombée enceinte ! Bien que les histoires qu’elle me racontait touchaient peu au temps de sa vie au couvent après que leur mère soit malheureusement décédée, cette histoire de balançoire montre comment elle a été mal préparée à la vie, elle qui a vécu son enfance sans la chance d'avoir sa mère à ses côtés. Voilà une autre raison pour laquelle je trouve les mémoires de Marie-Ange si poignante.

Tante Marguerite est la sœur de ma grand-mère dont je me souviens le plus. Elle avait un accent français très prononcé. Le plus souvent lors de nos visites en vacances, elle passait la plupart du temps à cuisiner. Son mari était John Russo, avec qui j’ai vraiment passé plus de temps. Leur famille était très proche et aimante. J’aurais aimé que nous n’ayons pas perdu le contact après le décès de ma grand-mère, mes parents ayant déménagé au loin.

Quand j'avais 15 ans, en 1967, je suis allée au Canada pour la dernière fois, accompagnant à Montréal ma grand-mère au mariage de Raymond Perrin, fils cadet de sa sœur Rosanne. La découverte de sa maison fut un choc culturel pour moi ! Rideaux de velours, un salon pour recevoir de la compagnie et pauvre tante Rosanne qui semblait un peu frêle de corps, mais certainement pas d'esprit.

Lors de cette promenade, je fis la connaissance d’un fringant jeune homme. C’était son fils Claude. Claude ? « C-L-A-U-D-E » ?

Eh bien, à cause de l'accent prononcé de ma propre grand-mère, je pensais que les noms de mes deux cousins ​​étaient Glode et Ramo. Cette petite histoire a fait rire Claude. Des années plus tard, sa fille Caroline et moi, nous nous sommes rencontrées brièvement sur internet. Ce fut triste d'apprendre le décès de Claude.

Au cours d’un voyage à Montréal, lors de l’Expo '67, grand-mère et moi demeurions chez sa sœur Valentine. Ce fut la première fois que je pris un verre d'alcool, juste un petit verre de Sherry. Leur voisin avait un animal de compagnie, un singe-araignée. Je pensais que c’était à la fois bizarre et cool. Au petit déjeuner, nous avons mangé des rôtis avec BEURRE D’ÉRABLE. Oh mon Dieu ! Aujourd’hui, j’aimerais en avoir, mais c’est beaucoup trop cher pour s’en délecter sur une base quotidienne.

Ensuite, il y a l'oncle Léo. Quelle grande présence il manifestait ! Il nous a fait profiter des merveilles de l’Expo 67 pendant trois jours, mais il a fallu attendre les derniers moments de notre dernière visite là-bas pour qu'il acquiesce finalement à ma demande constante d’aller au pavillon britannique. Je suppose que cela illustre oncle Léo, euh, et ses sentiments sur l'espoir éternel du Québec à la souveraineté.

Un après-midi, ma grand-mère et moi, nous sommes allés à un restaurant pour luncher. Elle parlait en anglais et elle m’a indiqué que les employés derrière le comptoir se moquaient de nous. Alors, je demandai à ma grand-mère de me raconter une histoire en français. Quand elle sourirait, je dirais « Oui ! ». Quand elle froncerait les sourcils, je dirais « Non ! ». Eh bien, les hommes derrière le comptoir sont devenus mal à l’aise ... ce qui m'a permis de profiter d’un deuxième morceau merveilleux de tarte aux framboises canadienne-française, cette fois avec les compliments du restaurant. J’ai toujours eu bien du plaisir avec ma grand-mère.

Désolé de m’être emportée à vous raconter tant de mes propres souvenirs.

Après avoir lu les mémoires de Marie-Ange, j’espère que les autres membres de la famille
ont eu la chance d’en faire autant.

Je suis tombée sur des photos de Théophile Jean et d’Élise Boucher. Je les joins ... juste au cas où vous n’auriez pas encore eu le plaisir de voir à quoi ils ressemblaient.

Désolé de ne pas vous avoir écrit en français !

Votre cousine qui vit au loin,

Marsha, Staten Island, New York

(Staten Island est l’un des cinq arrondissements de New York)

 Dans l'ordre, on voit Élise Boucher, Théophile Jean et Marsha Hodgson.

                            

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# 2845            30 mai 2016

Les indulgences

Quand j’allais à l’école primaire autour des années 1950, les indulgences étaient liées au sacrement de pénitence. Le prêtre en confession pardonnait les péchés, souvent imaginaires, dont nous nous accusions. À l’école, on nous disait que ce pardon effaçait le péché. Mais, une nuance que je n’avais pas saisie à l’époque, le pardon n’enlevait pas la peine temporelle due au péché. Cette peine temporelle devait se traduire par un temps de purgatoire qui ne pouvait être atténué ou effacé que par des actes de charité ou encore par des indulgences.

 

Une indulgence était dite partielle ou plénière. Lorsqu’elle était partielle, elle se comptait en nombre de jours, de mois et d’années. C’était donc une remise de peine qui nous était offerte. Dans notre petite tête, nous comprenions que ce serait un temps en moins au purgatoire.

 

Une indulgence était plénière lorsqu’elle libérait totalement de la peine due au péché. Nous pensions alors être exemptés totalement du purgatoire. Nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait acquérir des indulgences plénières à répétition.

 

Les indulgences partielles étaient accordées suite à la récitation d’une prière généralement très courte. Les prêtres ou les religieuses diffusaient des images de saints ou de saintes. Sur l’endos, on y trouvait une prière et le temps gagné en rémission de peine. Les indulgences partielles étaient aussi liées à des paiements de messe ou à des travaux au bénéfice de l’église locale.

 

On pouvait gagner des indulgences plénières, par exemple, en récitant le chapelet dans une église seul ou à plusieurs, en adorant le Saint-Sacrement pendant une demi-heure au moins, en faisant un chemin de croix, en priant pour les défunts lors d’une visite dans un cimetière.

 

Il fut un temps où des indulgences étaient accordées aux personnes qui faisaient des dons en argent au Vatican. La période de remise de peine variait à la hauteur de la contribution. Ce marchandage éhonté, de même que l’obtention d’indulgences importantes pour des prières courtes, ont provoqué un phénomène d’inflation qui a détruit peu à peu le système inventé par les papes successifs.

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# 2800            11 mai 2016

Sur la Côte-Nord

Quand j’ai œuvré pour le ministère de l’Éducation au début des années 1980, j’étais posté à Sept-Îles. J’ai pris l’avion plus de 100 fois. Le territoire de la Côte-Nord est vaste. À part la Basse-Côte-Nord, trois villes n’étaient pas reliées par une route. C’était Fermont, Schefferville et Gagnon. Cette dernière ville existait encore à l’époque. Dans chacun de ces endroits, j’y suis allé deux fois. La plupart de ces voyages se faisaient dans un petit avion.

 

Un jour, je suis allé à Gagnon dans un avion à quatre places permettant trois passagers. J’avais le vertige en pensant à l’éventualité que le pilote perde connaissance pour une raison ou pour une autre. Je me suis assis derrière lui. Dix minutes après le décollage, son siège se disloqua vers l’arrière. Je dis à haute voix : « Ça commence de même. » La dame qui était à mes côtés devient blanche de peur. J’ai tout de suite regretté mes propos. Le mal était fait. Comme pour me punir, j’ai dû tenir le siège du pilote pendant le reste du voyage.

 

Une fois que j’étais à Gagnon, pour le retour, la directrice de l’école vérifia pour moi et deux de mes collègues l’état de nos réservations. Mon nom n’apparaissait plus sur la liste. Nous nous sommes précipités à l’aéroport. Le commis m’a dit : « Il n’y a pas d’autre place. Une seule personne n’est pas encore arrivée. Si elle n’est pas ici 15 minutes avant le départ, je pourrai vous transférer sa réservation. » J’ai fait le pied de grue devant le comptoir pendant au moins 20 minutes. Il fallait que je parte. Je regardais ma montre presqu’à toutes les minutes. Le délai arriva. Le commis valida mon billet d’avion. L’opération à peine terminée, un homme se présenta. Sa réservation avait été annulée. Il était furieux.

 

Un autre jour en hiver, je suis allé à Schefferville dans un avion d’une dizaine de places. Il faisait au moins -25 degrés à l’extérieur. C’était le matin et il n’y avait pas eu de chauffage pendant la nuit. À cause de l’humidité, il faisait plus froid que dehors.

 

Dans mes deux voyages à Fermont, je n’ai pas eu de pépin. Toutefois, quand je me promenais le soir après le souper dans le Mur, je me demandais ce que je faisais là. Le Mur, long de 1,3 kilomètre et haut de 50 mètres, est un vaste complexe qui sert d’écran afin de protéger le reste de la ville des forts vents en provenance du nord. Il regroupe les commerces et les services aux citoyens. On y retrouve, par exemple, une épicerie, des magasins, un bureau de poste, une école, les bureaux de la ville et de la commission scolaire, ainsi qu'un hôtel et diverses installations sportives. À l’époque, tous les services y étaient regroupés, excepté l'unique station d’essence et un salon funéraire. Ceux qui résidaient en permanence à l’hôtel pouvaient ne jamais sortir dehors s’ils travaillaient dans le Mur.

 

J’ai fait quelques voyages en petits avions dans l’axe Sept-Îles−Baie-Comeau. Un jour, j’étais seul avec le pilote. Nous avons voyagé tout au long au-dessus du fleuve Saint-Laurent. Je n’osais pas regarder en bas et je me demandais ce que je ferais si le pilote ne pouvait plus remplir sa tâche. En regardant les nombreux cadrans devant moi, je devenais étourdi.

 

Un autre jour, je revenais de Montréal vers Sept-Îles. Quand nous sommes parvenus à destination, l’avion a tournoyé autour de l’aéroport pendant près d’une heure. À un moment donné, le pilote a dit : « Il est impossible actuellement d’atterrir à Sept-Îles à cause de la brume. Nous retournons à Montréal. » Avant l’atterrissage, l’hôtesse a répété sa formule habituelle : « Bienvenue à Montréal. » Personne n’a trouvé ça drôle. Une clameur de mécontentement s’est élevée.

 

Un autre jour, je revenais encore de Montréal vers Sept-Îles. Le pilote nous fit descendre à Baie-Comeau. Le lendemain, nous avons voyagé vers Sept-Îles en autobus scolaire. Qui a connu, à l’époque, les méandres de la route qui séparait les deux villes, sait que faire 250 kilomètres dans un tel véhicule n’est pas de tout repos. Quand j’arrivai à Sept-Îles, je pris un taxi pour me rendre chez moi, alors que je demeurais à moins de cinq minutes de marche. J’étais exténué.

 

Mon plus beau souvenir, c’est lorsque j’ai fait le trajet Sept-Îles−Baie-Comeau dans l’avion du Gouvernement en compagnie du ministre de l’Éducation de l’époque, Camille Laurin.

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# 2730              6 avril 2016

Les moutons

Bon an mal an, mon père élevait au moins une douzaine de moutons. En 1937, à Saint-Mathieu-de-Rioux, on comptait 1000 moutons. De ce nombre, 600 bêtes ont suivi le chemin de l’abattoir et 75 ont servi aux besoins domestiques. Le revenu moyen par cultivateur a été de 30 $. À cette époque, la viande de mouton avait mauvaise réputation. Je ne me souviens pas que mon père ait abattu des moutons pour leur chair. Il vendait l’animal vivant à des commerçants.

 

Chez nous, pendant l’été, les moutons paissaient dans des enclos loin de la maison. Ces enclos étaient défrichés seulement en partie, comme au sixième rang. Les bêtes étaient parfois la proie des ours ou d’autres prédateurs parce qu’ils étaient presqu’en forêt. Je me souviens d’avoir vu au moins une fois la carcasse d’un mouton dans une clairière d’épinettes. Pendant l’hiver, les moutons étaient gardés dans une annexe de la grange, évidemment non chauffée, qu’on appelait la bergerie.

 

La raison première pour faire l’élevage des moutons était la laine qui servait totalement à l’usage domestique. Au printemps, la tonte s’effectuait. Je me souviens d’avoir vu au moins une fois ma mère accomplir cette tâche. Mon frère ainé tenait l’animal et, avec l’aide de grands ciseaux, elle enlevait sa toison.  Par la suite, la laine était débarrassée d’impuretés visibles et elle était placée dans des récipients qui contenaient de l’eau chaude. Après avoir été trempée, la laine était « bouillie » sur le poêle à bois. Cela donnait une senteur épouvantable dans la maison parce que la laine contenait encore, notamment, du suint et de la graisse.

 

Une fois cette opération terminée, ma mère faisait des paquets et envoyait le tout par la poste à l’Isle-Verte où il y avait une filature. Au bout de quelques semaines, le tout revenait en boudins. Ma mère sortait son rouet et filait la laine. Le dévidoir servait à emmagasiner temporairement le fil de la bobine du rouet pour constituer un écheveau. Par la suite, on distribuait la laine à la main en faisant des pelotes. Les fils pouvaient alors servir pour le tricot ou le tissage.

Avec la laine, ma mère confectionnait notamment des bas, des gilets, des couvre-tête, des camisoles, des pantoufles, des foulards, des sacs d’école, des revêtements de coussins.

 

La photo du dévidoir a été prise sur le site Kijiji.

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# 2685              19 mars 2016

Les véhicules motorisés

Selon Marie-Ange Jean dans ses mémoires, Eugène Vaillancourt fut le premier à Saint-Mathieu à acheter une automobile en 1917. À ce moment, les véhicules motorisés n’étaient pas équipés de clignotants. Pour indiquer qu’on tournait à gauche ou à droite, il fallait que le conducteur lève la vitre et sorte son bras gauche. Selon la position du bras, l’automobiliste qui suivait décodait l’intention du conducteur. Ce n’est que dans les années 1950 que tous les véhicules possédèrent des clignotants.

 

Jusqu’en 1950, les véhicules motorisés étaient rares à Saint-Mathieu. Il y avait cependant de gros camions, comme des 26 roues, qui servaient principalement à transporter les billots de bois. Pendant l’été, j’en voyais passer tous les jours ouvrables. Ils allaient chercher le bois sur réserve forestière du rang 6 et du Lac-Boisbouscache.

 

Avant que mon père achète sa camionnette en 1952, ma mère cultivait des fraises de jardins. Ses clientes résidaient au village. Une de mes sœurs avait la tâche de livrer les seaux de fraises. Elle hélait le gros camion de transport de bois et se rendait ainsi au village. Pendant que le camionneur allait vider son voyage au moulin à scie, elle faisait le tour des clientes et revenait en camion à la maison.

 

Quand les routes ont été rendues roulantes pendant l’hiver à Saint-Mathieu, il fallait à l’occasion mettre des chaînes aux roues d’en arrière pour pouvoir franchir les côtes jusqu’au rang 5. Les déneigeurs faisaient leur possible, mais leurs équipements n’étaient pas toujours adéquats. La route qui mène à Saint-Simon a connu des épisodes où les automobilistes ont littéralement pris le champ.

 

Les tableaux de bord des véhicules d’autrefois étaient réduits à leur plus simple expression. Il contenait quelques indicateurs comme ceux de la vitesse et du millage (aujourd’hui kilométrage) parcouru. Les témoins d'alarme, d'alerte et de signalisation étaient inexistants au début.

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# 2640              18 février 2016

Les personnes noires

Mon père ne portait pas de jugement sur les personnes qui l’entouraient. Il aurait vendu des billots à un noir qui en faisait le commerce. Ma mère avait plus tendance à juger les races ou les différences. Elle n’aimait pas les Protestants. Toutefois, quand un de ses cousins qui était prêtre devint pasteur protestant, elle l’accueillit à bras ouverts. Quand on était ratoureux, elle nous traitait de petits Juifs. Ce qualificatif était sans malice.

 

Quand j’étais au Séminaire de Rimouski dans les années 1950, j’ai vu des noirs en personne pour la première fois. La télévision était dans ses débuts et elle présentait rarement des noirs, surtout pas dans les téléromans et dans les émissions d’affaires publiques. Les jeunes noirs que j’ai vus en personne venaient d’Afrique et étaient inscrits à l’école de Marine, parce qu’à l’époque cette école était la seule institution francophone en Amérique du Nord qui préparait des marins. Ils venaient prendre leur repas à la cafétéria du Séminaire.

 

En 1962, je demeurais à Longueuil. J’ai eu des problèmes d’estomac et j’ai décidé de consulter un médecin. Comme je n’en connaissais pas, j’ai pris l’annuaire téléphonique. Je suis tombé sur un toubib de patronyme Jean. J’ai obtenu un rendez-vous. Pas longtemps après mon arrivée, un homme est sorti de son bureau et a dit mon nom. C’était un noir. J’ai eu un moment de recul. Rapidement, j’ai accepté la situation. J’étais un peu impressionné parce que c’était la première fois que j’entrais en contact avec un noir. Inutile de dire que ce Haïtien m’a donné un excellent service.

 

Dernièrement, j’ai écrit un conte : Un noir dans la paroisse. Je voulais imaginer les réactions de l’arrivée d’un jeune noir dans une paroisse rurale de la moitié du 20e siècle. Je vous invite à le lire dans le cadre du mois des Noirs. Voir :  http://www.charleries.net/contes.htm#2565.

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# 2580              26 janvier 2016

Le tas de fumier de Job

Quand j’étais à la petite école dans les années 1947-1953, l’histoire sainte était une matière importante. Dans l’ordre, elle venait après le catéchisme. L’histoire sainte se résumait à des petites histoires que l’institutrice nous racontait. L’une de ces histoires qui m’a le plus impressionné est celle de Job.

 

Job est un homme très riche et très pieux. Il vénère Dieu et le comble d’offrandes. Un jour, Dieu et Satan se rencontrent. Voici leur conversation de façon romancée, mais conforme aux écrits de la Bible :

Dieu. – Job est mon meilleur serviteur. Il est intègre et droit. Il ne manque jamais une occasion de démontrer son estime et son admiration à mon égard.

Satan. – Depuis longtemps, tu le protèges. Il a une belle maison, une belle famille et ses troupeaux couvrent le pays. Mais, ce que tu ne sais pas, par ses offrandes, il fait semblant de te vénérer alors qu’il te maudit. Je suis certain que, s’il perdait tous ses biens, tu verrais son attitude changer.

Dieu. – Tu es complètement dans les patates. J’ai confiance en cet homme.

Satan. – Alors, laisse-moi lui infliger des épreuves et tu verras.

 

Satan se met à l’œuvre. Les serviteurs de Job sont assassinés, ses troupeaux sont volés et ses enfants sont écrasés dans l’effondrement de sa maison. Job n’a plus rien. Abandonné de tous, il doit se résigner à vivre sur un tas de fumier. Malgré ces catastrophes, Job conserve sa confiance en Dieu. Dans la Bible, on peut lire que Job déclare alors : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! »

 

Satan déçu et fâché revient à la charge et, cette fois, il s’attaque à Job lui-même. Ce dernier est frappé par la lèpre. Il est couvert d’ulcères des pieds jusqu’à la tête. Même sa femme lui conseille de renier Dieu. Mais Job ne bronche pas dans sa foi.

 

Dieu est ému par son attitude. Il lui rend la santé et le double de ce qu’il avait perdu. Heureusement l’histoire se termine bien : « Job vécut après 140 ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu'à la quatrième génération. Et Job mourut âgé et rassasié de jours. »

 

Pour un écolier, le tas de fumier est une image très forte qui est à la fois troublante et choquante, car ce n’est pas très ragoutant. Si on ajoute les plaies qui couvrent Job, c’est pas mal dégoutant. Ce jour-là, en revenant de l’école, je regardais le tas de fumier à l’ouest de la grange, et j’y voyais mon père.

 

Depuis ce temps, j’ai appris que Job est aussi cité dans le Coran. D’ailleurs, preuve que l’histoire de Job a frappé l’imaginaire, il existe une expression : « Être pauvre comme Job. »

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# 2535              7 novembre 2015

Le texte d’un écolier

En février 1953, j’ai marché au catéchisme pendant un mois les avant-midis. L’après-midi, je n’allais pas à l’école, vu la distance trop grande à parcourir du village au rang 5. Mon institutrice, Marie-Rose Boulanger, me donnait des travaux à effectuer et je les faisais sur la table de cuisine de grand-père Émile Théberge.

 

Lors d’une semaine, elle m’a demandé de rédiger une composition sur le carême. J’ai écrit un texte dont le titre est : « La Pénitence ». Le voici intégralement :

 

« Oh ! que je le mangerais ce chocolat si aujourd’hui était hier. Il est d’un beau brun, il est tendre et bon. Aujourd’hui, c’est le mercredi des Cendres, je me rappelle, le prêtre m’a mit (sic) de la cendre sur la tête en disant : « Souviens-toi ô homme que tu es poussière et que tu reviendras en poussière. » Il est si tendre, si bon ce chocolat, je le met (sic) sur ma lèvre. Hier, en mangeant mes autres, s’il ne saurait (sic) pas cacher (sic), il serait manger (sic). Je vais essayer de faire ce petit sacrifice pour notre Seigneur, lui il a jeûné pendant quarante jours. Il n’a pas bu ni manger (sic). Oh ! que l’on est faible. »

 

J’avais réussi à faire six fautes dans un court texte. Qui a dit que les jeunes de fin du primaire des années 1950 maîtrisaient mieux leur langue que ceux d’aujourd’hui ?

 

Notez que l’empreinte religieuse est très présente dans le texte.

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# 2490              4 octobre 2015

Marcher au catéchisme

Il existait autrefois une coutume qu’on appelait « marcher au catéchisme ». Au début du 20e siècle, cette activité est une préparation à la première communion. Le chanoine Lionel Groulx a raconté que, lorsqu’il était jeune, marcher au catéchisme était vu comme un geste solennel. L’enfant qui y participait jouissait d’une haute considération de la part de tous, ce qui était une façon de l’obliger à avoir une attitude presque d’adulte.

 

Quand j’étais jeune, cette activité préparait à la communion solennelle. La cérémonie consistait à faire une profession de foi, c’est-à-dire à renouveler les engagements pris au baptême en notre nom, par notre parrain et par notre marraine et sans notre consentement. Aujourd’hui, cette profession de foi se fait lors de la confirmation.

 

C’est le curé qui était responsable de prodiguer l’enseignement religieux à des jeunes de 7e et de 8e année. J’ai marché au catéchisme pendant un mois, soit du 23 février au 20 mars 1953 trois heures par jour, soit en avant-midi. J’avais alors 11 ans. Nous étions 64 participants à cette activité et j’étais un des plus jeunes.

 

Que nous enseigne le curé ?

Les enseignements du curé Alfred Bérubé touchent l’ensemble du catéchisme de l’époque et, à certains égards, ressemblent à des cours de droit canonique.

 

Nous apprenons les critères d’empêchement de mariage, les sortes de péchés : originels et actuels, mortels et véniels, les commandements de Dieu et de l’Église, le catalogue des indulgences. Nous apprenons que le péché de nos premiers parents a obscurci notre intelligence et affaibli notre volonté, en nous donnant une inclination au mal. Pas très rassurant pour un enfant de 11 ans qui ne réussit pas à identifier les péchés qu’il fait.

 

Nous apprenons, notamment, comment faire pour ne pas tomber dans l’ivrognerie : « Ne pas aller au cabaret ; ne prendre aucune boisson enivrante entre les repas ; fuir la société de ceux qui aiment à boire ; s’engager dans la société de tempérance et en suivre les règles. » Que comprend un enfant de 11 ans qui ne sait même pas ce qu’est un cabaret et qui n’a jamais goûté à une boisson alcoolisée et qui, plus est, n’a jamais vu personne boire de l’alcool, sauf le curé à la messe ?

 

J’ai aimé cette expérience que j’ai trouvée quand même ardue. En effet, j’avais de la difficulté à me concentrer n’ayant jamais était amené à l’école à suivre un cours magistral de plus de deux ou trois minutes.

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# 2470              20 septembre 2015

Deux ans déjà

Ce blogue a été mis en ligne le 20 septembre 2013. Il fête donc son deuxième anniversaire aujourd’hui. Depuis le début, le blogue a progressé. Jusqu’à ce jour, j’ai publié 2470 articles.

 

Aspect personnel

On y trouve 36 contes, un roman, 86 poèmes, les mémoires de Marie-Ange Jean, 73 articles sur la généalogie, 109 de souvenirs, 98 sur Saint-Mathieu-de-Rioux et 80 sur le Séminaire de Rimouski.

 

Récréations

On y trouve  1761 récréations : 212 défis logiques, 280 énigmes, 201 problèmes anciens, 221 quiz mathématiques comportant chacun cinq questions, 298 divertissements mathématiques, 273 trucs mathématiques, 240 distractions de mots et 36 mots siamois.

 

Ajoutons à cela 79 articles de propos mathématiques, 33 de réflexions, 25 sur Rimouski et 43 sur le Québec en général.

 

Le nombre de visiteurs varie de 2000 à 3000 par mois : ce qui donne une moyenne d’un peu plus de 80 visites par jour. Le point culminant s’est étendu sur deux jours consécutifs : 158 visites le 18 juillet 2015 et 177 le 19 juillet suivant.

 

Pendant la dernière période de 30 jours, les visiteurs sont répartis dans 40 pays. Les pays qui fréquentent le plus le blogue sont dans l’ordre : France, Québec-Canada, Suisse, Belgique, États-Unis et l’Île Maurice.

 

Les visiteurs sont répartis dans 188 villes. Les villes les plus présentes sont dans l’ordre : Montréal, Paris, Zurich, Boulogne, Bruxelles et Rimouski.

 

Sous l’aspect personnel, les cinq pages les plus consultées sont dans l’ordre : généalogie, Saint-Mathieu, contes, Rimouski et Séminaire. Sous l’aspect récréatif, ce sont : défis logiques, trucs mathématiques, divertissements mathématiques, quiz et énigmes.

 

Les blogues ont une vie relativement courte pour diverses raisons : manque d’inspiration de la part de l’auteur, bris de motivation, manque de disponibilité, etc. Espérons que Les Charleries pourront encore se faire entendre le plus longtemps possible.

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# 2440             3 septembre 2015

Le chapelet à la radio

Le chapelet à la radio a marqué la plupart des jeunes du diocèse de Rimouski, y inclus ceux de Saint-Mathieu dont les parents ont rapidement mis en pratique les exhortations de leur curé.

 

Dans les années 1950, chaque jour à 19 heures, l’Archevêque de Rimouski, Mgr Charles-Eugène Parent, récitait le chapelet à la radio. Cette émission provenait de la station CJBR de Rimouski, affiliée à Radio-Canada.

 

Dans ma famille, comme dans beaucoup d’autres, toutes les activités cessaient pour dire le chapelet en famille. Agenouillés devant la croix noire, signe de tempérance, nous répondions aux prières de Mgr Parent.  Nous trouvions le temps long car le chapelet durait 15 minutes. Quand nous manquions l’émission, surtout l’été à cause des travaux de la ferme, la récitation du chapelet par ma mère ne dépassait pas 10 minutes.

 

C’est que Mgr Parent passait des messages en commentant les mystères reliés au chapelet. En effet, chacune des cinq dizaines était précédée de l’énoncé commenté d’un mystère parmi 15. Ceux-ci étaient partagés en trois classes : mystères joyeux (lundi et samedi), mystères douloureux (mardi et vendredi) et mystères glorieux (mercredi, samedi et dimanche).

 

Pour ceux qui ne connaissent pas le chapelet, le tout commençait par un signe de croix, suivi d’une intention de prières, du Je crois en Dieu, d’un Notre Père, de trois Je vous salue Marie et du Gloire soit au Père. Suivaient cinq dizaines. Chacune comprenait un Notre Père, 10 Je vous salue Marie et un Gloire soit au Père.

 

À la suite du chapelet, ma mère en profitait pour nous guider dans la récitation des prières comme le Je confesse en Dieu, les neuf actes, les 10 commandements de Dieu, les sept de l’Église, etc. C’était en même temps une façon d’apprendre ces textes par cœur.

 

Au Québec, le Chapelet en famille est mis en ondes le 1er octobre 1950. L'initiative de ce projet revient à l'évêque de Rimouski, Mgr Courchesne. Il suggère à Mgr Paul-Émile Léger, du diocèse de Montréal, de se faire connaître des fidèles de son diocèse en obtenant 15 minutes par semaine de temps d'antenne à la radio. Celui-ci fait le projet de réciter le chapelet à la radio tous les jours. Le directeur des programmes à CKAC, Ferdinand Biondi, accorde un essai d'un mois. La grande aventure du Chapelet en famille commence et dure plusieurs années.

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# 2395              3 août 2015

Les oreillons

C’était le 23 décembre 1947, le dernier jour de l’école avant les vacances de Noël. J’avais six ans. La journée scolaire se déroula comme d’habitude.

 

Quand j’arrivai à la maison, ma mère me regarda et vit que le bas de mes joues commençait à enfler. Elle me dit : « Tu as les oreillons. »

 

Deux de mes sœurs plus âgées que moi étaient déjà alitées. Mère avait fait déménager un demi-lit dans une petite pièce attenante à la salle à manger. Dans ce temps-là, nous couchions dans le grenier, une pièce située au-dessus de la cuisine et qui était peu chauffé, si ce n’est que par une bouche percée dans le plafond vis-à-vis du poêle à bois.

 

Ma mère, qui était une femme débrouillarde, me dit : « Tu vas coucher dans le même lit que tes deux sœurs malades. » Je me retrouvai alors au pied du lit, mais de travers.

 

Quand la soirée du 24 décembre arriva, j’entendis des voix dans la cuisine. J’écoutai attentivement ce qu’on disait : des bonbons, une orange, etc. C’était mon père et ma mère qui préparaient des bas de Noël.

 

Grâce aux oreillons. j’appris qu’on ne me disait pas la vérité quand on me faisait croire que le contenu des bas provenait directement du Père Noël.

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# 2350              25 juillet 2015

Pluies acides

Quand j’étais jeune, mon père avait deux terres : une au rang 5 et l’autre au rang 6 de Saint-Mathieu. Pour se rendre au rang 6, on empruntait la même route que les touristes prenaient pour atteindre le Lac-Boisbouscache, un territoire non organisé. Près de la barrière installée à l’année pour empêcher les curieux d’aller plus loin, un chemin en forêt avait été tracé vers l’est.

 

On franchissait environ un kilomètre en passant sur la partie concédée à la Brown Corporation, puis on atteignait la terre du rang 6.

 

Il y avait là un lopin de terre qui avait déjà été habité par Ferdinand Rousseau au début du 20e siècle. Plus au sud, un autre lopin avait été défriché par François Ouellet. Sur ce dernier lopin, j’ai vu les souches qui prenaient de l’âge. Mon père les a arrachées. Il est arrivé que les moutons passent leur été un peu au sud de ce dernier lopin.

 

En continuant vers le sud dans la forêt et après avoir franchi un pont de construction artisanale, on atteignait un immense terrain plat. Nous appelions ce terrain Les prairies. La raison est que, vers l’ouest, il y avait un lac, soit le lac des Prairies. Le terrain était entouré de forêts et était borné au sud par le Lac-Boisbouscache.

 

Au nord de ce terrain, il y avait un très petit camp composé de deux bancs, face à face. On y allait pour prendre le lunch du midi. Tout à côté, il y avait une vieille grange, d’ailleurs très petite, où mon père pouvait décharger ses voyages de foin, car on était à au moins trois kilomètres de la maison. Faire l’aller-retour avec un voyage de foin tiré par un cheval prenait un temps considérable. Pendant la saison morte, mon père allait chercher le foin qui y avait été remisé.

 

Devant le petit camp, il y avait une source d’eau qui nous permettait de nous désaltérer. Toutefois, quand j’ai eu 10 ans, soit en 1951, mon père nous défendit de boire cette eau. La raison était que la pollution engendrée par les usines des États-Unis pouvait avoir contaminé l’eau. Étant donné que l’eau provenait d’une source souterraine, il est peu probable que cela était le cas, mais il fallait agir par précaution.

 

Cette expérience avec la pollution qui provoquait des pluies acides jusque sur nos terres québécoises a été un choc pour moi. Je me disais qu’il y avait des « méchants » qui ne se souciaient pas de notre santé en déversant des résidus toxiques sur des terres jadis pures. Une seule raison semblait exister. « Il est important de faire de l’argent sans se préoccuper de la nature. »

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# 2295              30 juin 2015

La fenaison à l’ancienne

Dans les années 1940, la récolte de foin commençait vers le 15 juillet dans la région du Bas-Saint-Laurent. Alors que les cultivateurs voisins avaient commencé à faucher, mon père préparait sa faucheuse. Il démontait les pièces de l’instrument, les huilait abondamment et les replaçait en les vissant solidement. Ma mère n’était pas contente de son retard et le lui reprochait.

 

Pendant cette journée où mon père bossait sur la faucheuse, il était heureux. Il appréhendait le début des récoltes, car il n’aimait pas travailler sur la terre.

 

Voici comment se faisait la fenaison sur la ferme familiale :

1. Le fauchage

La première opération consistait à faire le tour du champ pour faucher une lisière avec la petite faux, afin de ne pas écraser indûment le foin. Par la suite, mon père attelait ses deux chevaux à la faucheuse. Cet instrument avait un long manche composé de lames coupantes qui avaient été soigneusement aiguisées. En faisant le va-et-vient, les lames coupaient le foin. Il fallait surveiller les roches, car dans ce temps-là, on disait, à la blague, que les roches poussaient comme l’herbe.

 

2. Le fanage

Le foin coupé était laissé sur le sol un ou deux jours. À mesure que la saison avançait, le foin était plus sec. La période de fanage était plus courte. Quand la pluie s’invitait, le foin restait plus longtemps. Si la pluie persistait, il fallait au moyen d’une fourche faire des tas. Cela protégeait une grande partie du foin. Parfois, il fallait le retourner pour éviter les moisissures.

 

3. L’andainage

Sauf dans les terrains marécageux, l’andainage se faisait avec un grand râteau tiré par un cheval. Les dents recourbées du râteau emmagasinaient le foin. À un moment donné, il s’agissait de faire basculer le râteau et de produire ainsi un alignement de foin qu’on appelle andain. Cette tâche revenait généralement au plus vieux de la famille.

 

4. Le ramassage

Après le passage du grand râteau, le foin était prêt à être ramassé. Mon père ou les garçons à partir de 14 ans utilisaient une fourche pour remplir la charrette tirée par un cheval. Il fallait un jeune à partir de 8 ou 9 ans pour fouler le foin afin d’en mettre le plus possible dans le « rack ». Derrière celui qui ramassait le foin, ordinairement les filles, munies d’un petit râteau, ratissaient les brindilles qui restaient sur le sol. Mon père était très exigeant pour cette dernière opération.

 

5. L’entreposage

La charrette se dirigeait vers le fenil de la grange où, au moyen d’une fourche, le foin était déchargé dans des tasseries qui partaient du sol. Quand le foin débordait sur le fenil, il fallait qu’un jeune soit sur la tasserie pour pousser le foin dans les extrémités et le fouler au besoin. Cette opération était difficile pour les poumons car la grange devenait vite remplie de poussières de foin.

 

On aura remarqué que tout se fait à la force des bras, aidé de fourches et de râteaux. Avant la venue de la faucheuse et du grand râteau, le travail se faisait avec une serpe ou une petite faux pour le fauchage et avec une fourche et un petit râteau pour l’andainage et le ramassage. Le cheval servait uniquement pour le transport du foin.

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# 2250              21 juin 2015

Mes deuils patrimoniaux

On dit parfois qu’il ne faut pas être nostalgique, mais cela fait du bien à l’occasion de revoir les endroits où l’on a vécu. Voici ce qui s’est passé dans mon cas :

 

• La maison où je suis né, au rang 5, a été démolie en 1970, de même que toutes les dépendances.

 

• Les arbres fruitiers qui s’y trouvaient ont disparu un à un en raison de l’élargissement de la route ou de leur âge.

 

• La maison où mes parents ont habité à leur retraite a brûlé après qu’elle ait été vendue.

 

• L’école du rang où j’ai fait mes études primaires a été remplacée par une autre en 1954, qui à son tour a été démolie.

 

• Le rang où je suis né était habité par des cultivateurs. Aujourd’hui, il n’est plus cultivé. La forêt y reprend tranquillement les droits qu’on lui avait aliénés.

 

• La terre du rang 6 de mon père n’est plus qu’une immense forêt. Impossible d’avoir des points de repère pour s’y reconnaître.

 

• Le Séminaire où j’ai fait mes études secondaires et collégiales a été transformé en cégep. La bâtisse est encore là, mais elle a subi de nombreuses transformations.

 

Je suis conscient de ne pas être le seul dans ce cas, loin de là. Une paroisse comme Saint-Mathieu-de-Rioux a subi de nombreux changements au cours du 20e siècle.

 

Si j’ai recensé mes « deuils », ce n’est pas pour me plaindre, c’est pour mieux comprendre le passé. Perdre ses souvenirs est toujours navrant, mais cela ne nous empêche pas de vivre.

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# 2205              12 juin 2015

Les sous noirs

Il y a 100 ans et plus, le sou noir avait une valeur marchande relativement importante. Il y eut le sou de la Propagation de la foi et le sou de la Sainte-Enfance. Dans son Catéchisme des Caisses populaires, Alphonse Desjardins insiste sur le sou et organise de petites caisses dans les écoles où les jeunes pourront déposer leur sou noir.

 

Depuis une cinquantaine d’années, l’argent circule plus au Québec. Aussi, il y a quelques années, le Gouvernement fédéral a aboli le sou noir parce qu’il était devenu encombrant.

 

Voici le coût de certains produits en 1887, puisés dans le site Ligne du temps :

1 livre de pain : 4 sous

1 livre d’orge : 4 sous

1 livre de farine : 4 sous

1 livre de sucre : 6 sous

1 livre de lard : 10 sous

1 livre de graisse : 12 sous

1 livre de jambon : 14 sous

1 douzaine d'œufs : 15 sous (En 2015, 1 douzaine d’œufs coûte autour de 5 $)

1 boîte de saumons : 16 sous

1 pinte de mélasse : 19 sous

1 livre de beurre : 22 sous

1 poche de 60 livres de pommes de terre : 70 sous

 

Le menu du jour dans un restaurant coûtait alors 25 sous. On imagine que les moins bien nantis donnaient 1 ou 2 sous noirs de pourboire et que les riches étalaient un gros cinq cents blanc sur la table.

 

Notez qu’une livre équivaut à 453 grammes ou à près d’un demi-kilogramme.

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# 2155             2 juin 2015

Mathieu Ouellet (1921-2000)

Mathieu Ouellet est le fils de J.-Émile Ouellet et de Célina Bérubé. Il est le cousin germain de ma mère. Il est né le 12 octobre 1921. Il fait son cours classique au Séminaire de Rimouski en même temps que son frère aîné Ulric. Les deux frères sont ordonnés prêtres le 6 février 1949 à Rimouski par Mgr Georges Courchesne.

 

En août 1953, alors qu’il assiste à la soirée de noces d’une de mes sœurs mariée avec son frère, Mathieu Ouellet m’a invité à l’écart. Je venais de m’inscrire au Séminaire. Il m’a demandé si je voulais devenir prêtre. J’ai répondu dans l’affirmative. Il a conclu en disant : « De toute façon, il te reste huit ans pour y penser. » J’ai senti dans son regard qu’il n’était pas certain d’approuver mon choix.

 

Au milieu des années 1950, les Mathéens apprennent qu’il a quitté la prêtrise, qu’il est parti avec une femme à Montréal et, comble de tout, il est devenu pasteur protestant. Ce fut un choc épouvantable dans la paroisse. Certains disaient que c’était à cause de cette femme. On le sait, à l’époque, la femme était considérée comme un « objet » de péché. D’autres étaient scandalisés du fait qu’il avait quitté l’Église catholique. Un citoyen très respectable de Saint-Mathieu m’avait dit : « Mathieu Ouellet, il va brûler en enfer et pour longtemps. » Ces propos étaient énoncés avec une telle vigueur et une telle rage qu’ils n’admettaient aucune réplique. » Dans tout ça, ma mère était très éprouvée, mais elle a toujours dit qu’il ne fallait pas le juger.

 

Pour ajouter au rejet, Mgr Charles-Eugène Parent est venu voir ses parents à Saint-Mathieu et leur a défendu de laisser entrer leur fils dans la maison paternelle, à moins que ce soit pendant la nuit. Pourtant ces parents avaient donné, à part lui, deux fils et une religieuse à l’Église.

 

À l’entrée principale du couvent, il y avait un cadre qui montrait individuellement les fils prêtres de la paroisse depuis ses débuts. Un jour, je suis allé au couvent. J’ai été surpris et fâché qu’on ait découpé maladroitement et enlevé la photo de Mathieu, laissant là un trou.

 

En 1966, quand Mgr Parent a su que j’écrivais l’album-souvenir, il m’a fait venir à l’archevêché. Après les politesses d’usage, il m’a dit : « Mathieu Ouellet, tu n’en parles pas dans l’album. Pour nous, il est mort. » J’ai obéi de reculons, parce que je faisais ainsi un accroc à l’histoire. » Quand j’y pense aujourd’hui, connaissant la mentalité de l’époque, je me pardonne.

 

En 1987, Mathieu Ouellet prend sa retraite et s’installe à Saint-Mathieu. En 1991, alors que Saint-Mathieu fête son 125e anniversaire, Claire Pelletier, son épouse, m’avait demandé d’écrire le texte de la soirée historique. Le couple avait acheté une maison au village lorsque Mathieu avait pris sa retraite.

 

Un après-midi, je me suis rendu chez le couple. À brûle-pourpoint, Mathieu m’a demandé pourquoi je n’avais pas cité son nom dans l’album-souvenir du centenaire. J’étais mal à l’aise. J’ai réfléchi deux secondes et j’ai enchaîné : « Mgr Parent est maintenant décédé. Je peux vous raconter ce qui s’est passé même si c’était une conversation privée. » Je lui ai dit textuellement ce que l’archevêque m’avait dit. Il a baissé la tête, sans dire un mot. J’ai ajouté : « Pour le 125e, je vais me racheter et j’ai déjà décidé de vous nommer comme prêtre. »

 

Mgr Parent a été très sévère dans ce dossier, mais cela ne lui enlève par ses qualités humaines et spirituelles.

 

Mathieu est décédé le 28 avril 2000. Il repose dans le cimetière catholique de Saint-Mathieu. Signe que les temps ont changé. En 2004, un livre a été publié sur les prêtres du diocèse. Le nom de Mathieu Ouellet y apparaît.

 

Mathieu Ouellet a subi les pires humiliations. Il a été rejeté, mais il a vécu contre vents et marées toutes ces épreuves s’appliquant à vivre la vie qu’il désirait. Pour moi, c’est un héros.

 

Les jeunes qui liront cette histoire vraie auront sûrement de la difficulté à comprendre comment des personnes pourtant honnêtes et vertueuses ont pu le lapider sur la place publique et manifester une telle hargne à son égard. Ils diront : « Qu’avait-il donc fait de si grave ? ».  

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# 2115             25 mai 2015

Jean-Baptiste Paradis (1863-1956)

Jean-Baptiste Paradis est le fils de Joseph Paradis et de Lucrèce Michaud. Il épouse Géraldine Ouellet, fille d’Étienne Ouellet et de Rachel Lévesque, le 21 octobre 1884 à Saint-Mathieu.

 

Le 1er janvier 1953, je m’en allais à la messe avec ma mère. Je chantonne : « C’est dans le temps du Jour de l’An. » Le trottoir n’est pas déblayé. Quand une voiture à cheval passe, il faut grimper sur le banc de neige. Tout à coup, je vois un vieillard se diriger vers nous. Ma mère se tourne vers moi et dit : « C’est mon grand-oncle Jean-Baptiste Paradis. » J’étais fort surpris. Je n’avais jamais entendu parler de lui. Je connaissais les oncles et les tantes de ma mère, mais un grand oncle, pas.

 

J’avais 11 ans et cet homme me paraissait un vieillard. Ma mère, toujours aussi charmante, l’interpelle :

– Bonjour, mon oncle Jean Baptiste.

– Je pense que tu es la fille à Marie-Luce, ma nièce, de reprendre Jean-Baptiste.

– Oui et comment va votre santé, de répondre ma mère ?

– Tu sais, Marie-Laure, j’ai 90 ans. À part quelques troubles d’estomac, ma santé est bonne. Je pense que le bon Dieu ne veut pas de moi au paradis (ricanement).

 

En se tournant vers moi, il poursuit :

– C’est ton gars ?

– Oui, il veut aller au Séminaire en septembre et faire un prêtre.

– C’est bien. Le clergé a besoin de relève. Mais comment va ton père, Émile Théberge ?

– Il commence à être en enfance. Certains jours, il fait des fugues. Il veut aller trouver son père pour faire du sucre. Vous savez que son père est mort depuis une trentaine d’années.

– Pourtant, il n’est pas vieux.

– C’est vrai, il n’a que 71 ans.

 

Pendant la messe, j’ai eu la réflexion suivante : « Si mon arrière grand-oncle a 90 ans, il est né en 1863. Il avait quatre ans quand la Confédération a vu le jour. Il avait 55 ans quand la première guerre mondiale a éclaté. » J’étais de plus en plus étonné. C’est probablement le plus vieil homme que j’avais déjà rencontré. Toutefois, j’avais de la difficulté à comprendre que lui, mon arrière grand-oncle, qui était né en 1863, vivait encore alors que mon grand-père Jean était décédé depuis 31 ans.

 

Au retour de la messe, ma mère m’a expliqué que son grand-oncle avait épousé une fille d’Étienne Ouellet qui était le grand-père de sa mère. Il n’en fallait pas davantage pour que je le trouve encore plus vieux.

 

Jean-Baptiste Paradis est décédé le 19 janvier 1956 à 93 ans, trois ans après cette rencontre. Je n’ai pas connu son épouse, car elle est décédée en 1944.

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# 2080             18 mai 2015

La pulpe

Produire de la pulpe était une opération différente de celle de faire des billots. Mon père choisissait les sapins ou les épinettes de taille plus petite ou encore dont la croissance se faisait plutôt vers le bas. Une fois abattu au moyen d’un godin (scie à archet), l’arbre était taillé en billes de quatre pieds, que nous appelions pitounes. Il fallait enlever l’écorce. Cette tâche nous revenait à partir de 9 ou de 10 ans. Nous commencions par faire une saignée dans l’écorce avec une palette de fer recourbée en une extrémité légèrement coupante. Cet outil avait probablement était fabriqué par le forgeron du village.

 

Par la suite, nous tirions sur l’écorce pour que des lanières se forment. La première lanière était la plus difficile à extirper. Les autres suivaient en soulevant l’écorce toujours avec la palette. Cette opération d’épluchage était appelée pleumer de la pitoune.

 

J’aimais beaucoup accomplir cette tâche. Nous étions en pleine forêt dont la senteur est idyllique. Il y avait toutefois deux inconvénients : la gomme de sapin ou d’épinette et les mouches noires ou les maringouins. Les mains brunissaient rapidement au contact de cette gomme sur laquelle s’agglutinaient les poussières d’écorces. Il était alors plus difficile de chasser les insectes ravageurs.

 

Un été, l’oncle Léo Jean qui vivait à Montréal est venu passer une semaine chez mes parents. Il en a profité pour venir scier quelques pitounes et en faire le pleumage avec nous. C’était, pour lui, pas mal différent que la vie en ville.

 

Le 27 juillet 1951, mon père a vendu du bois de pulpe pour 350 $. C’est donc dire qu’on en a pleumé des pitounes cet été-là, qu’on s’est fait piquer par les mouches à profusion et que nos mains se sont transformées plusieurs fois en un résidu brunâtre mêlé de gommes et de poussières d’écorce.

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# 2010             26 avril 2015

Un enfant perdu

Nous sommes en 1946. J’ai 5 ans. Mes deux sœurs ainées décident d’aller cueillir des framboises sur la terre de Cyprien Plourde, aujourd’hui Bernard Vachon. Je veux aller avec elles, mais celles-ci ne veulent pas m’emmener prétextant que je serais un embarras.

 

Je sors de la maison en même temps qu’elles. Elles font le tour de la maison et font semblant d’emprunter la route du rang 6. Je m’engage dans cette route. Quand je m’aperçois que je ne les vois pas, je reviens sur mes pas. Parvenu au coin de la maison, une surprise m’attend. Elles ne sont pas sur la route du rang 5. Je me rappelle très bien de ma mine déconfite quand je réalisai qu’elle s’était volatilisée.

 

J’emprunte alors la route du rang 6. Pour le reste, je n’ai aucun souvenir, mais on me l’a raconté si souvent que j’en connais les détails.

 

Je me sens probablement perdu. À 100 mètres de la maison, je me couche le long du chemin et je me mets à pleurer. Combien de temps ai-je été dans cette position ? Je n’en ai aucune idée.

 

À un moment donné, la voisine Hélène Jean, l’épouse d’Hormidas Gaudreau, dont la maison était à un arpent de celle de mes parents, entend des pleurs. Elle vient voir ce qui se passe et, toute heureuse, me ramène à la maison.

 

Les parents de ce temps-là ne s’inquiétaient pas outre mesure pour leurs enfants. Cette route du rang 6 voyait passer souvent des camionneurs qui transportaient des billots du Lac-Boisbouscache à la scierie Dionne située sur la rive nord du Petit lac Saint-Mathieu. Il est certain que si un camionneur m’avait vu à cet endroit, il aurait arrêté son véhicule et m’aurait conduit chez mes parents.

 

Les enlèvements d’enfants étaient, à l’époque, un phénomène rare. Les gens qui circulaient dans les chemins du rang 6, comme les touristes par exemple, étaient des gens honnêtes qui n’auraient jamais pensé profiter de la situation. Du moins, tout le monde le pensait alors.

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# 1975             19 avril 2015

Les petits Chinois

Quand j’étais au primaire, il y avait annuellement un événement qui frappait notre imagination et qui nous séduisait : c’était l’achat de petits Chinois.

 

Un petit Chinois coûtait généralement 25 sous. À mon école de rang, nous pouvions en avoir deux pour 25 sous. Quand nous avions accumulé les 13 sous pour un enfant, c’était un exploit. Alors, il ne m’est jamais venu à l’idée d’acheter deux petits Chinois.

 

On nous remettait alors une image sur laquelle on pouvait inscrire le prénom de baptême de l’enfant qu’on voulait faire entrer dans l’Église. Évidemment, on lui donnait un prénom français. C’était une expérience unique. À 8 ou 9 ans, avoir réussi à acheter un enfant et lui assurer le salut éternel nous donnaient des frissons. Par le fait, nous devenions parrain ou marraine de cet enfant. Quelle responsabilité !

 

L’institutrice nous disait alors que la Chine était située vis-à-vis de nous et que si, on creusait un immense trou dans la terre, on aboutirait dans ce pays. On faisait des gorges chaudes : « Pourquoi ne pas leur faire passer les sous par ce trou ? »

 

D’où nous venaient les sous ? Je ne me souviens pas que, dans mon enfance, j’aie acheté des friandises. Nous avions chacun une tirelire et chaque sou gagné à gauche ou à droite y était entreposé. Si le montant requis n’était pas atteint pour acheter un petit Chinois, on demandait à nos parents de combler le tout. Si nous n’avions pas les 13 sous, nous pouvions placer quelques sous dans une petite boîte en carton sur le bureau de l’institutrice.

 

Ma mère nous expliquait que l’achat de petits Chinois était une activité de l’œuvre de la Sainte-Enfance. Les montants reçus servaient non seulement à sauver les âmes des petits Chinois par le baptême, mais aussi à les éduquer de façon chrétienne de façon à éviter qu’ils brûlent éternellement en enfer.

 

Quand on demandait à l’institutrice ce qu’on faisait de nos dons, elle se contentait de dire que l’argent était versé à des missionnaires québécois en Chine. Cette réponse nous décevait parce que, dans notre tête d’enfant, le petit Chinois acheté nous appartenait et c’est pour lui seul qu’on acceptait de donner. On avait l’impression de faire vivre un petit Chinois pour 13 sous, alors que, dans la pratique, il en fallait plus pour leur venir véritablement en aide.

 

J’imagine (!) que les petits Chinois que nous avons achetés et rachetés et qui, aujourd’hui, sont septuagénaires sont en train de mettre en branle une activité qui consiste à acheter et racheter des petits Québécois dont les parents ou les grands-parents, pour la plupart, ne s’intéressent pas à l’Église.

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# 1935             11 avril 2015

Une rencontre inoubliable

Nous sommes au début de juillet 1948. J’avais 7 ans. Le soleil plombe ses chauds rayons sur la campagne. Les oiseaux piaillent tout autour de la maison. Après le train et la prière du matin en famille, ma mère décide que nous irions aux petites fraises au rang 6 sur la terre d’Hormidas Gaudreau. Elle prépare notre dîner.

 

Ma mère sait que Philéas Gaudreau, alors âgé de 72 ans, et Delphine Dionne, 74 ans, séjournent dans un petit camp pour une partie de l’été sur la terre de leur fils, Hormidas. Alors, elle nous recommande de leur demander la permission d’y cueillir des fraises.

 

Je pars avec mes trois sœurs plus âgées. Après une bonne vingtaine de minutes de marche, nous passons à travers bois et nous atteignons le petit camp situé à l’orée de la forêt. Nous cognons à la porte. Ils nous reçoivent aimablement comme les paysans de l’époque savaient le faire. Nous nous présentons. L’un d’eux a dit : « Ah ! les enfants d’Edmond Jean ». Ils connaissaient très bien mon père car Philéas était le cousin germain de mon père et c’est à lui qu’ils avaient vendu leur terre du rang 5 et une partie de leur terre du rang 6 en 1932, soit 16 ans plus tôt.

 

C’était impressionnant de voir ces deux vieillards – c’est ainsi qu’on appelait les gens de 70 ans et plus à l’époque – qui semblaient très heureux de vivre dans la nature, loin du village où ils résidaient. Le camp était très petit, probablement deux mètres sur trois mètres. Au centre, il y avait un petit poêle. Autour du poêle, deux chaises berçantes ; au mur, deux ou trois tablettes pour déposer la vaisselle et des chaudrons vieillots accrochés sur des clous ; derrière le poêle, un lit.

 

Ils nous ont autorisés à cueillir des fraises à la condition qu’on leur laisse un certain périmètre autour de leur camp. Ils avaient l’habitude d’en cueillir pour leurs repas. Nous avons respecté leur exigence même si on devait laisser de côté de beaux ronds.

 

C’était la première fois que je voyais le couple et ce fut la dernière. Delphine est décédée en septembre 1949, un an plus tard, et Philéas, en avril 1952.

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# 1895             3 avril 2015

Les anges gardiens

Quand j’étais dans la petite enfance, ma mère me racontait que chaque personne avait un ange qui le surveillait et le protégeait. Quand j’entendais le chant de Noël Les anges dans nos campagnes dont la première strophe était : « Les anges dans nos campagnes ont entonné l'hymne des cieux et l'écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux. », je me disais avec satisfaction que les anges savaient aussi chanter.

 

Personnellement, je n’ai jamais senti un ange sur mon épaule et je ne pouvais réussir à y croire. Toutefois, à l’école, l’institutrice tenait les mêmes propos que ma mère. Elle nous enseignait que « les anges étaient de purs esprits créés à l’image et à la ressemblance de Dieu pour l’adorer et le servir ». Elle ajoutait : « Les anges s’occupent de nous ; ils ont souvent été envoyés par Dieu à l’homme comme messagers, et ils nous sont aussi donnés comme gardiens et protecteurs. »

 

Je pensais en moi-même : « C’est bien ce que ma mère disait ». Pour préciser sa pensée (ou la pensée du petit catéchisme), l’institutrice confirmait que chacun avait son propre ange gardien. « Dieu, disait-elle, a donné à chacun de nous un ange gardien pour nous préserver du mal et nous aider à être de bons chrétiens. Nous devons respecter sa présence, lui témoigner notre reconnaissance pour les soins charitables qu’il prend de nous, l’invoquer avec confiance dans les tentations, et éviter tout ce qui peut déplaire à Dieu et l’éloigner de nous ».

 

Cette suite de mots n’avait aucun sens pour moi. Comment pouvais-je croire en une entité dont la présence réelle n’existait pas ? Comment se faisait-il qu’à l’école les plus grands faisaient des mauvais coups et désobéissaient à l’institutrice ? N’avaient-ils pas eux aussi un ange gardien et pourquoi cet ange n’intervenait-il pas ?

 

Par la suite, l’histoire devenait à la fois plus intéressante, mais plus troublante. En effet, l’institutrice ajoutait que, lorsque les anges ont été créés, ils étaient bons et heureux, mais que certains, par orgueil, avaient désobéi à Dieu et avaient été précipités en enfer. Ils étaient devenus des mauvais anges ou des démons.

 

La question que je me posais alors : « Mon ange gardien, s’il existe, fait-il partie du groupe des bons ou des mauvais anges ou peut-il en même temps être bon ou mauvais ? » Je n’ai jamais eu de réponse à cette interrogation.

 

En fait, cet enseignement servait beaucoup plus à troubler nos jeunes cerveaux qu’à nous amener à une bonne conduite.

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# 1810             17 mars 2015

Tante Candide Théberge

Tante Candide Théberge est née le 23 mai 1912, soit cinq ans après ma mère qui était sa sœur. Elle est demeurée catherinette toute sa vie ; elle n’a jamais voulu se marier. On a souvent demandé à ma mère la raison de ce choix. La réponse fut toujours évasive. Elle disait qu’il en fallait une dans une famille pour prendre soin de ses vieux parents. L’oncle Paul-Émile Bérubé, qui était marié avec sa sœur plus jeune qu’elle, la taquinait souvent sur son statut, mais, peine perdue, elle le repoussait.

 

Quand j’avais 5 ou 6 ans, tante Candide est venue relever ma mère. Relever était une expression qui signifiait qu’une personne remplaçait la mère pour une période déterminée après l’accouchement. Moi et mon frère plus jeune, nous la suivions dans la maison pour la faire choquer, parce qu’on sentait qu’elle n’avait pas d’autorité sur nous.

 

Quand j’avais 8 ou 9 ans, un 1er novembre, j’étais au village avec ma mère en après-midi et je vis tante Candide sortir de l’église et entrer aussitôt. Je demandai à ma mère pourquoi elle faisait cela. Ma mère me répondit qu’en ce jour de la Toussaint si une personne visitait trois fois l’église, elle gagnait une indulgence plénière. Comme je ne savais pas ce que cela voulait dire, ma mère m’expliqua que même si le péché est effacé par la confession, cela n’enlève pas la peine temporelle due à la faute, qui se traduit par un séjour au purgatoire. En gagnant, une indulgence plénière, tante Candide pouvait penser qu’elle éviterait le purgatoire après sa mort.

 

Plus tard, quand j’ai marché au catéchisme, je suis demeuré chez elle pendant un mois. Elle était très attentive et me traitait avec beaucoup de soin. Un jour qu’elle m’avait demandé de faire une commission au magasin coopératif, elle me donna un sou comme récompense. J’étais content. Une trentaine d’années plus tard, je lui rappelai ce fait et elle me dit : « Aujourd’hui, je t’en donnerais beaucoup plus. » J’avais regretté de lui avoir raconté ce souvenir.

 

Après la mort de sa mère en 1945, elle emménagea avec son père dans le haut-côté de la maison paternelle. Elle n’avait aucune ressource financière si ce n’est les redevances de l’oncle Georges qui avait hérité de la terre de grand-père et la pension de vieillesse de son père. Chaque dimanche, elle recevait aimablement notre famille avant et après la messe.

 

Elle s’occupa de son vieux père jusqu’à sa mort en 1960. Quand celui-ci mourut, il légua à tante Candide, outre ses biens, 1500 $. Les autres enfants ont reçu 170,94 $. Un de mes cousins me racontait que son père, Léo Théberge, lui avait remis son chèque pour la remercier des bons soins qu’elle avait apportés à leur père. Je ne sais pas si ma mère ou d’autres ont fait de même.

 

Dans les années 1990, tante Candide s’est fracturé une hanche en tombant de sa chaise. Elle a alors décidé de ne plus jamais remarcher. Elle a fini ses jours au Centre hospitalier de Trois-Pistoles. J’ai conservé un excellent souvenir d’elle. Je suis certain que les indulgences plénières qu’elle a gagnées lui procurent une belle place dans l’au-delà.  

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# 1770             9 mars 2015

Le bûchage du bois

Quand j’étais jeune, mon père avait deux terres : l’une au cinquième rang de Saint-Mathieu et l’autre au sixième rang. Peu à peu, mon père défrichait des lots en vue de la culture ou du pâturage. À un moment donné, il décida de conserver le peu de forêt qui lui restait en abattant seulement les plus gros arbres ou encore ceux qui en empêchaient d’autres de progresser en taille. Sans connaître le concept, il rationalisait sa production.

 

Mon père n’avait aucun instrument mécanique pour abattre les arbres et pour les découper en billots ou en billes. Avec une hache, il faisait une entaille du côté où l’arbre penchait, même légèrement, tout en tenant compte des arbres des alentours. Il visait à le faire tomber dans une clairière, si peu large soit-elle. Pour les petits troncs, un godin (scie à archet) était suffisant. Il était alors manié par une seule personne. Pour les plus gros troncs, il fallait utiliser un godendart qui est une scie à large lame avec une poignée à chaque extrémité. Deux personnes étaient alors nécessaires.

 

Il fallait être très prudent quand l’arbre tombait. On ne pouvait pas prévoir de façon certaine sa trajectoire car la trace de scie plus ou moins horizontale dans le tronc pouvait faire dévier le mastodonte. Il était de mise aussi de ne pas scier complètement le tronc. Autrement, le bas de l’arbre pouvait être projeté vers l’arrière où d’ordinaire nous nous étions réfugiés. Par contre, il fallait que la trace de scie soit suffisamment complète pour qu’une partie ne demeure pas sur la souche et fendille le tronc en l’éclissant : ce qui pouvait faire rater un beau billot.

 

Quand l’arbre était abattu, il était ébranché à la hache et était transformé en billots qui devaient mesurer chacun 12 pieds. Les billots étaient enchaînés et, à l’aide d’un ou de deux chevaux, étaient traînés dans un endroit où un gros camion pouvait les récupérer. Ils étaient vendus ou encore acheminés à un moulin à scie pour en faire des planches ou des madriers. C’est ainsi que pour la construction de sa grange en 1946, mon père a pu utiliser le bois de sa terre.

 

Les billots étaient vendus en lots. Le prix fluctuait selon l’offre et la demande. Le 12 mars 1951, mon père a vendu 500 billots à Désiré Dionne pour un montant de 425 $ : ce qui équivaut à 4063,65 $ en 2015. À cette époque, les ouvriers gagnaient un dollar l’heure. À titre d’exemple, le salaire de base des mineurs de Noranda, en 1953, était de 1,05 $ l'heure et leur semaine était de 48 heures. Ils ont fait la grève et demandaient une augmentation de 22 cents l'heure et la semaine de 44 heures.

 

Pour les cultivateurs, le bois constituait un revenu d’appoint très important, sans compter que ceux-ci produisaient plus de 90 % de la nourriture de la famille et pouvaient compter sur le bois de chauffage pour passer à travers les rigueurs de l’hiver.

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# 1730             1 mars 2015

Omer Ouellet

Omer Ouellet est le fils d’Adélard Ouellet et d’Emma Ouellet. Il est né le 19 mars 1914. Mon père avait alors 9 ans et il vivait dans la même maison que le couple parce qu’il avait été adopté par Ludger Ouellet et Philomène Lévesque, les parents d’Adélard.

 

Après la naissance d’Omer, mon père vécut dans cette maison jusqu’en 1932. Il a donc vu grandir Omer qui avait 18 ans quand mon père se maria. Ils demeurèrent toujours en contact. C’est d’ailleurs Omer qui fut le contremaître lorsque mon père fit construire une nouvelle grange en 1946. En 1953, Omer décida d’aller s’établir à Amos en Abitibi. Il partit avec sa famille, y compris ses parents, de même que son frère Réal et sa famille.

 

Plus tard, quand Omer pris sa retraite, il écrivit son autobiographie. À quelques occasions, il y parla de mon père. Voici ce qu’il dit :

 

« Mon grand-père m’a donné une bicyclette à pédales de seconde main. Elle appartenait à Edmond Jean et c’est moi qui en ai hérité. J’ignore la façon dont s’est faite la transaction. »

 

« Deux ans après ma naissance, soit le 29 mars 1916, est née une sœur Adrienne ... Comme l’accouchement se faisait à la maison, il fallait envoyer les enfants chez le voisin. J’étais seul avec Edmond à passer la nuit chez Majorique Lagacé, et le lendemain matin on est venu nous chercher. » (Mon père avait 11 ans)

 

« À la fin de juin 1924, je suis allé chez mes parents pour les vacances et ne suis plus jamais retourné à l’école du village. J’ai terminé mes études à l’école du rang. Comme l’école était située à un mille et demi de chez moi, l’hiver, je voyageais en voiture. C’est Edmond qui venait me conduire le matin, et le soir c’est le voisin qui venait me chercher ...» (Mon père avait 19 ans. Quand les grands-parents d’Omer ont déménagé au village, Omer les a suivis.)

 

« Je n’ai jamais dit à ma mère ... que j’avais allumé la pipe du père Ferdinand Dionne avec du gros tabac canadien très fort. J’ai fumé par la suite avec la pipe d’Edmond Jean. Il fumait du tabac Alouette beaucoup moins fort. »

 

« Un beau dimanche, Edmond est venu avec ma tante Alma. De temps en temps, il parlait de Marie-Anne à Quénouche, toujours avec humour. Il semblait ne pas la haïr ; mais, il trouvait qu’elle avait les yeux trop blancs. Ils ont passé une veillée agréable dans la balançoire. »

 

Le 20 avril 1926, Adélard va chercher Rosaire à Montréal qui sort de l’hôpital. La saison des sucres semble bien terminée. Le 22 avril, il tombe une neige mouillante et les érables se mettent à couler. Voici ce qu’Omer écrit :

 

« Ma mère prit panique (je n’avais que 12 ans) et demanda à Edmond Jean s’il voulait bien aller ramasser l’eau avec moi. Nous sommes montés à la cabane et dans peu de temps, nous avons ramassé 500 à 600 gallons d’eau. Nous sommes revenus à la maison après avoir rempli tous les vaisseaux que nous avions. Il aurait fallu coucher là pour consommer, mais moi j’étais trop jeune pour avoir conscience des conséquences et Edmond, étant certain que c’était du bénévolat, n’était pas trop intéressé, car à l’époque il était autonome. » (Mon père avait 21 ans. Il a nié ces derniers faits.)

 

En 1934, soit deux ans après le mariage de mes parents, Omer Ouellet a épousé Rose-Aimée Ouellet qui était la fille de Thomas Ouellet et de Rose Théberge. Cette dernière était la sœur de mon grand-père Émile Théberge. Rose-Aimée était donc la cousine germaine de ma mère.

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# 1695             22 février 2015

La modestie

Ma mère a souvent raconté avec quel zèle l’abbé Delphis-Salomon Giguère, curé de Saint-Mathieu de 1919 à 1931, exigeait la modestie chez les femmes à l’église, mais aussi hors de l’église. Il considérait qu’il y avait indécence lorsque la tête, les épaules, la gorge, les genoux et les bras étaient découverts ou couverts de voiles transparents.

 

Selon lui, la femme devait porter des robes très longues dépassant largement les genoux. Un dimanche, lors du sermon, il avait dit : « Dimanche prochain, avant la messe, je serai sur le parvis de l’église avec mon bréviaire (livre de prières pour le prêtre qui mesurait à peu près 12 centimètres de longueur). Si une femme se présente avec une robe pas suffisamment longue, je vais mesurer la distance au sol avec mon bréviaire, sinon elle ne pourra pas entrer dans l’église. »

 

Ce Monsieur Giguère, qui a été curé de Saint-Mathieu pendant 12 ans, était un homme très autoritaire. Il a marqué les paroissiennes de cette époque dont ma mère qui avait entre 12 et 24 ans pendant sa cure. Il n’hésitait pas à faire des remontrances aux femmes et aux jeunes filles sur leur habillement. Voici ce qu’écrit tante Marie-Ange Jean dans ses mémoires : « M. le curé Giguère venait souvent à la classe, s'il y avait un élève qui était en punition, il le ramassait, le mettait ventre en bas sur ses genoux et lui tapait les fesses. Nous autres, les filles, nous étions effrayées. Moi, pour ma part, j'avais peur de le rencontrer. Étant donné que nous étions orphelines, il avait toujours des reproches à nous faire.

 

Un bon après-midi, quand arriva à l'école M. le curé, il m'aperçut portant une robe dont les manches étaient aux coudes. Il m'apostropha disant: "Tu me fais penser à une laveuse. Je ne veux plus te voir avec cette robe-là". Ça m'a fait mal. » (Fin de la citation)

 

Ma mère est demeurée marquée par les exhortations du curé Giguère. Elle ne permettait pas aux plus vieilles de la famille de porter des pantalons soit pour travailler sur la ferme, pour faire la cueillette de petits fruits et encore moins pour aller à l’école. Imaginez en hiver, parcourir plus d’un kilomètre par temps froid et par vent mordant en robe.

 

Le curé Alfred Bérubé (1949-1959) était lui aussi obsédé par l’habillement des femmes et la promiscuité. Un été, dans un sermon, il a raconté qu’il avait été témoin d’une scène intolérable pendant les jours précédents. « Une femme, disait-il, a traversé le village en pantalons courts (bermudas). Quel scandale ! Elle est passée devant l’église, la maison du Seigneur, et même devant le presbytère qui est une maison sainte, soit celle du prêtre. » À l’occasion, il s’insurgeait du fait que des jeunes filles en costume de bain allaient se baigner dans le lac, accompagnées de jeunes garçons.

 

En 1979, j’ai commencé une chronique dans Le Lundi, une revue populaire. J’étais tout fier d’apporter le premier numéro à ma mère et de lui en donner un exemplaire. En voyant la page couverture, ma mère est allée rapidement déposer l’exemplaire dans une armoire sans le feuilleter. Sur le coup, je me demandais pourquoi elle réagissait ainsi. J’ai finalement compris. Sur la page-couverture, on pouvait voir la comédienne Dominique Michel en costume de bain. J’étais déçu. Il est probable que, par l’intervention de ma mère, la revue a brûlé dans les flammes … du poêle.

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# 1650             13 février 2015

La poste

Avant l’arrivée du téléphone, toute communication extérieure se faisait par la poste. Il y avait bien le télégraphe, mais c’était un moyen peu connu. La poste annonçait toutes les nouvelles d’une naissance à un décès. Aussi, son service était reconnu comme essentiel si bien que le camion postal avait priorité sur les routes, comme aujourd’hui une ambulance ou une voiture de police.

 

Quand j’étais au Séminaire, on nous recommandait d’écrire au moins une fois par mois à nos parents. J’en profitais pour décrire quelque peu ce que je vivais au collège et pour demander quelques sous. Au retour, ma mère plaçait dans sa lettre un billet ordinairement d’un dollar, me disant qu’elle aurait voulu m’en envoyer plus mais qu’elle n’en avait pas les moyens. Il en coûtait alors quatre sous pour un timbre.

 

À l’entrée de la salle d’études, il y avait une boîte où nous devions déposer nos lettres. Au moins à la Petite salle, l’enveloppe ne devait pas être cachetée. À ma première année au Séminaire en 1953, sur demande de ma mère, j’avais écrit une lettre à Mgr Charles-Eugène Parent en vue d’obtenir une bourse de 100 dollars. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, quelques jours plus tard, ma lettre où le directeur des élèves avait corrigé les fautes et me demandant de la reprendre.

 

Dans mes huit années de Séminaire, soit de 1953 à 1961, je n’ai jamais reçu d’appel téléphonique de ma mère. On communiquait toujours selon la méthode éprouvée, soit par la poste. Quand on nous informait de la date de sortie pour un congé, j’écrivais d’avance à ma mère.

 

Il y avait des petits futés qui contournaient le règlement en confiant leurs lettres à des externes qui les déposaient au bureau de poste. On comprendra que ce n’était pas alors une lettre à leurs parents.

 

Autrefois, quand on écrivait une lettre à un fonctionnaire, par exemple, on avait soin d’écrire à la fin Merci d’avance. On ne pouvait se permettre de dépenser quatre sous et une enveloppe pour faire ses remerciements.

 

Aujourd’hui, la poste est en déclin. Les communications personnelles se font par internet. C’est un réel plaisir de pouvoir expédier un courriel qui est reçu instantanément.

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# 1605             4 février 2015

Chicanes de sites

Autrefois, dans plusieurs paroisses, il y eut des chicanes pour déterminer l’emplacement des édifices publiques.

 

À Saint-Mathieu-de-Rioux, le site de la chapelle fut l’objet de vives controverses. Dès 1852, les habitants de la paroisse réclamaient la construction d’une chapelle. Ce ne fut que six ans plus tard que l’évêque de Québec agréa la demande. Lors d’une réunion, avec le curé de l’Isle-Verte alors délégué par l’évêque, il fut proposé que la chapelle soit fixée sur la terre d’Élie Dionne où se trouve aujourd’hui la route qui conduit  aux chalets du Lac Saint-Mathieu. Une croix y fut plantée. Élie Dionne défendit avec vigueur ce choix appuyé par les gens du haut de la paroisse.

 

Les gens du bas de la paroisse proposaient que la chapelle soit située plus à l’est, soit à peu près où se trouve l’église actuelle. Ces derniers y plantèrent une croix. Le curé de Saint-Simon était favorable au site des gens d’en bas. Les deux croix furent arrachées par les partisans du clan adverse. Finalement, le choix des gens d’en bas fut approuvé par l’évêque.

 

J’ai connu un épisode de disputes à propos de l’école du rang 5. Au début des années 1950, le Gouvernement du Québec avait décidé d’y construire une nouvelle école. Les gens de l’ouest où nous vivions favorisaient le même emplacement que l’ancienne école. Les gens de l’est voulaient que le site soit situé à environ six arpents plus à l’est disant que la nouvelle école serait alors plus au centre du rang. D’ailleurs, la majorité des enfants se trouvaient maintenant dans ce secteur.

 

Ma mère avait une sœur qui vivait à l’est. Pendant le temps de la controverse, les deux sœurs ont cessé complètement de se voir, voulant éviter des affrontements inutiles. Pour aller au village, les habitants de l’est devaient passer devant notre maison. Ils détournaient parfois la tête. Le dimanche, les deux sœurs et leur famille se rencontraient chez grand-père Théberge au village. Il n’était jamais question de ce problème.

 

Finalement, le Gouvernement a décidé que la nouvelle école serait construite à quelques pas à l’est de l’ancienne.

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# 1570             28 janvier 2015

La femme d’autrefois

Dans les années 1970, il était acquis que la femme devait être soumise à son mari. D’ailleurs, l’officier de l’Église, le prêtre, l’affirmait sans gêne lors de la cérémonie du mariage. Je vous raconte trois faits vécus en ce temps-là.

 

Lors d’une élection provinciale, le bureau de votation était presqu’en face de chez moi et il fermait à 17 heures. Dix minutes avant la fermeture, je me présentai au bureau. Comme j’allais entrer, un jeune couple me barra le chemin. Le Monsieur, si on peut appeler cela un monsieur, tenait sa femme par le cou. Il la traînait littéralement en lui disant : « Tu vas venir voter, ma ch… et tu vas voter comme moi. » J’étais scandalisé.

 

Un autre jour, alors que mes voisins étaient assis au bord de leur piscine, j’ai entendu la dame dire à quelqu’un d’autre : « Je suis allée à la banque pour emprunter en vue de partir une boutique de vêtements. Le prêt m’a été refusé. On m’a dit que je devais avoir la signature de mon mari. » La dame qui voulait devenir autonome exprima alors sa frustration.

 

Quand j’ai acheté ma première maison, le propriétaire, un père de neuf enfants, a dû la mettre en vente parce qu’il n’arrivait pas à payer ses termes. Je revois encore sa dame qui était assise près de moi dans la salle d’attente du notaire. Elle m’a dit : « Si je n’avais pas eu autant d’enfants, on aurait pu conserver notre maison. J’avais dit au prêtre au confessionnal que je voulais arrêter la famille, mais il m’a dit que je n’en avais pas le droit et que je devais satisfaire mon mari. » J’ai presque regretté d’avoir consenti à cet achat.

 

En ce temps-là, certaines femmes se rebellaient et refusaient d’obéir à leur mari ; mais la plupart trouvait cela normal, croyant fermement qu’elles devaient faire ce sacrifice pour obtenir une place confortable au ciel.

 

Heureusement que des femmes se sont levées pour faire cesser cette exploitation et qu’ainsi les temps ont changé. La femme d’aujourd’hui n’est plus du tout celle de ce temps et la société s’en porte mieux. Pourtant, on remonte seulement à une quarantaine d’années.

 

Chez nous, ma mère a toujours contourné la règle d’obéissance en nous faisant croire que c’est mon père qui décidait, comme dans plusieurs foyers d’ailleurs.

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# 1540             22 janvier 2015

Les travaux des champs

Quand on est élevé en campagne, on se frotte rapidement à la dure réalité des travaux des champs. Dès l’âge de 7 ou 8 ans, on est déjà invité à faire sa part.

 

1. Les patates

Au printemps, c’était la semence des patates. Quand il n’y avait pas d’école, on était invité à découper les patates et à les mettre en terre. Pendant l’été, il fallait arroser les plantes pour détruire les mouches à patates qui rongeaient les tiges. À l’automne, c’était la récolte de ces pommes de terre.

 

2. Les petits fruits des champs

Pendant le mois de juillet, quand il n’y avait pas de travaux de foin, nous partions quatre ou cinq pour aller cueillir des fraises et des framboises, souvent avec le dîner. Les premières journées, c’était magnifique. Le soleil de juillet, les vastes espaces entourés d’arbres, la senteur des plantes, la compétition d’être le meilleur cueilleur, tout nous fascinait et nous faisait vivre des moments inoubliables comme si on était dans un monde irréel. Mais, avec la succession des jours à accomplir la même tâche, cela devenait beaucoup moins grisant. Nous étions heureux de voir la pluie s’inviter parce que cela signifiait un congé de cueillette.

 

3. Les fraises de jardins

Dès que la neige disparaissait et que le sol se réchauffait, il fallait procéder au sarclage des fraisiers. C’était une tâche difficile, surtout quand le sol était dur. Tout en faisait attention pour ne pas arracher les plants, il fallait détruire le plus possible les mauvaises herbes en extirpant les racines quand c’était possible. J’ai peu participé à la cueillette de ces fruits car ma mère se réservait cette tâche délicate. Toutefois, lorsque la cueillette était terminée, il fallait procéder au désherbage toujours à la main et muni d’un sarcloir, outil qui ressemblait à une fourchette mais dont les branches étaient recourbées.

 

4. Le foin

Dès l’âge de 7 ou 8 ans, on était invité à fouler le foin. Mon père emplissait la charrette et il fallait marcher sur le foin pour le tasser le plus possible. Avec les années, on pouvait utiliser la fourche pour déplacer le foin au besoin. À 11 ans, j’ai été engagé par le voisin Hormidas Gaudreau pour faire ce travail. L’année suivante, j’ai effectué la même tâche chez Simon Plourde. Là le travail était plus exigeant, car il fallait aussi fouler sur la tasserie de la grange parmi la poussière de foin qui me faisait tousser.

 

En vieillissant, nous pouvions manier le petit râteau. Il s’agissait alors de ratisser les brins de foin qui restaient sur le champ après que la fourche en ait pris la plus grande partie. Puis, c’était le grand râteau et le ramassage de foin à la fourche pour charger la charrette et faire, à la grange, le déchargement. Mon père n’a jamais eu d’instrument aratoire mécanisé. Tout se faisait à la force des bras. Je me souviens qu’à 18 ans, à la rentrée au Séminaire, un maître de salle est venu me demander si j’avais passé l’été à la plage, tellement j’étais hâlé.

 

5. Les grains

J’ai peu participé aux travaux de ramassage des grains car cela se faisait en septembre alors que j’étais au collège. Toutefois, il m’est arrivé d’aider au battage dans la poussière de la grange pendant les vacances de Noël.

 

Bref, j’ai beaucoup participé aux travaux des champs. Par contre, j’ai peu exécuté de tâches dans l’étable. Je n’ai jamais tiré (trait) une vache. J’ai soigné à l’occasion les porcs, les vaches et les chevaux mais rarement. Par ailleurs, le travail à la maison n’était pas exigé des garçons. C’était les filles qui occupaient ces fonctions.

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# 1495             13 janvier 2015

Jeunesse de mon père

Avant son mariage, mon père Edmond Jean a eu un parcours atypique. Il est né le 2 mars 1905. Quand il avait 5 ans, sa mère décéda laissant 11 orphelins : huit filles et trois garçons. Sa mère avait 41 ans. Elle était mariée depuis 17 ans à Théophile Jean qui avait alors 65 ans. La plus vieille, Adélia, avait 16 ans.

 

Son père fit annoncer au prône qu’il était prêt à donner un de ses garçons. Ludger Ouellet qui était cultivateur au rang 4 se présenta avec son épouse Philomène Lévesque. Le couple choisit mon père. Grand-père Jean accepta et mon père fut adopté sans autre formalité.

 

Le couple Ouellet-Lévesque avait une seule fille, Emma, qui avait alors 29 ans. Celle-ci épousa Adélard, son cousin germain, en 1904 à Newmarket, dans l’état du New Hampshire aux États-Unis. À Saint-Mathieu-de-Rioux, le curé Réal Cayouette avait refusé de les marier à cause du lien de parenté. La rumeur circula qu’il était allé se marier dans ce pays parce que sa future était enceinte. Toutefois, en 1910, au moment de l’adoption de mon père, Adélard n’avait pas encore d’enfant. Son premier fils naîtra en 1914.

 

Quelques mois après l’adoption, le couple Ouellet-Lévesque décida de s’expatrier aux États-Unis. Allait-il rejoindre leur fils Adélard ? Probablement. Une chose est certaine : mon père les accompagnait. Il vécut aux États-Unis environ deux ans où il apprit quelques mots d’anglais ; mais il n’alla pas à l’école pendant ce temps.

 

À leur retour à Saint-Mathieu, mon père avait 8 ou 9 ans. Il commença sa première année à l’école du Faubourg du Moulin. Il aurait pu faire de bonnes études ; mais, il n’était pas intéressé. À 11 ans, il se présenta à l’école avec une cigarette en bouche. L’institutrice lui dit qu’il devait choisir entre la cigarette et l’école. Il rétorqua avec assurance qu’il choisissait la cigarette. C’est ainsi qu’il termina ses études primaires avec à peine une troisième année. On comprendra qu’il désapprit rapidement ce qu’on lui avait enseigné si bien qu’il devint analphabète, ne sachant ni lire ni écrire. Tout ce qu’il a retenu de ses années à l’école, c’était de signer son nom et il le faisait à la façon d’un dessin.

 

Mon père a été confirmé à l’âge de 13 ans. Voici ce que ma mère a écrit dans son journal : « Edmond a été à l’école du Moulin et terminé ses études à 11 ans. Il a été confirmé le 9 avril 1918. »

 

Il travailla sur la ferme et dans l’érablière de Ludger Ouellet. Quand il fut plus âgé, il alla bûcher dans les chantiers aux alentours de la rivière Humqui.

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